JOURNAL DE PAUL HOARAU
De 1800 à 1974, la population du Monde est passée d’un milliards d’habitants, à 4 milliards : de 1974 à 2023, elle est passée de 4 milliards à 8 milliards. D’un côté, elle augmente de 3 milliards en 174 ans, de l’autre, elle augmente de 4 milliards en 49 ans.
Cette accélération phénoménale de la population est une irruption brutale d’un élément nouveau dans la gestion du Monde. D’autant plus que cette augmentation phénoménale est imputable aux pays pauvres alors que dans les pays développés, Allemagne, Angleterre, Chine, Etats-Unis, France, etc., les populations diminuent.
Les spécialistes nous disent qu’en 2050, il y aura une stagnation. Nous serions, quand même, à 10 milliards d’habitants, d’après les prévisions officielles. En l’an 0 de notre ère, nous aurions été 170 millions…
8 Milliards d’hommes et de femmes dans le Monde vivent une mutation sans précédent. Tout, aujourd’hui, est possible. Cette possibilité universelle devrait produire une vague d’espérance d’une vie meilleure pour l’Humanité. Le vécu de la guerre et des émigrations pour les uns, la peur de la guerre et des immigrations pour les autres, pèsent plus fort que l’espérance d’une vie meilleure.
La guerre et ses ravages sévissent partout dans le Monde. Là où il n’y a pas de guerre – on dit qu’il y a la paix – la peur de la guerre plane. L’absence d’une guerre mondiale nouvelle est due à la peur de la fin du monde par la bombe atomique, plutôt qu’aux conditions de la paix. Jusqu’à quand la peur sera-t-elle une barrière à la guerre ? Juqu’à quand la peur d’un docteur Folamour ?
En face des drames de la guerre et des mouvements migratoires dont sont victimes des peuples entiers, les autorités religieuses, morales, politiques ont appelé à la paix comme jamais auparavant.
Moi qui écris cet article et vous, cher lecteur qui le lisez, nous ne pouvons pas imaginer ce que vivent nos frères d’Afrique, d’Amérique et d’Asie pour aller de leurs pays de misère vers les Eldorados d’Europe et d’Amérique (s’ils y parviennent); nous ne pouvons pas imaginer l’état d’esprit d’une famille qui a vu son immeuble s’effondrer sous les bombes ennemies. Dans leurs démarches, vacille t-elle encore la lueur d’espérance d’un monde meilleur ? L’aspiration à la paix serait-elle encore plus forte que l’esprit de vengeances contre les auteurs de leurs malheurs ?
Les appels à la paix sont très jolis, mais ils n’ont pas de sens s’ils ne sont pas accompagnés par des appels à la condition nécessaire de la paix, par des appels à la justice, dans les affaires individuelles comme dans les affaires des peuples. Les drames des émigrations et des guerres sont la conséquence de l’injustice. Là où sévit l’injustice, sévit la menace de la guerre, sévit la guerre. Le triomphe de l’injustice quelque part, est le prélude à la guerre, à toutes les formes de guerre.
La paix par la répression , à elle seule, n’est pas une solution. La répression est, souvent, pour leurs auteurs, le moyen de protéger l’injustice, d’assurer son immunité, d’aggraver les conditions de la guerre. Dans l’urgence, la répression peut être une solution conjoncturelle nécessaire, mais elle n’est pas LA solution. Il arrive un moment où le poids de l’injustice est plus fort que celui des risques de la guerre. Alors, les fauteurs de guerre de cette catégorie, révolutionnaires, terroristes, deviennent des héros, des martyrs. L’engrenage de la guerre dans tous les camps, est enclenché.
La cause des injustices, des injustices contre les peuples et contre les personnes, c’est l’argent, l’argent qui procure le pouvoir absolu sans foi ni loi, au-dessus de la loi, contre les peuples, contre les collectivités, contre les individus. Quand le droit n’est plus une barrière à l’arbitraire des puissants, l’injustice triomphante est le prélude de la révolte, du terrorisme, de la guerre.
Les initiatives pour la paix doivent être accompagnées par des initiatives contre l’argent quand il est la source de l’injustice, quand il se campe au-dessus de la loi, quand il peut acheter toutes les trahisons, quand il veut s’accaparer tout ce qui peut être source de profit égoïste.
Or, au niveau mondial, au niveau national, au niveau local, que voit on ? On voit fleurir des manœuvres déloyales, avec, parfois, la complicité du Droit ; on voit le retour aux formes de libéralisme qui ouvre tous les pouvoirs aux forces de l’argent ; on voit que ce ne sont plus les forces de l’Esprit qui organisent le Monde, mais les forces de l’argent.
Au plan international, le dollar a pris la place de l’or comme étalon monétaire. Les régimes communistes majeurs de Russie et de Chine ont adopté le libéralisme économique en prétendant conserver le régime communiste politique. Résultat, nous assistons au développement des oligarchies, c’est-à-dire des concentrations scandaleuses des fortunes entre quelques mains peu nombreuses, privilégiées. Nous voyons des pays riches étendre leur domination sur des pays pauvres, nous les voyons exploiter les richesses des pays pauvres à leur profit. L’uniformité internationale du système bride de façon drastique les producteurs nationaux, les dépossède tout simplement ; les forces de l’argent présentent aux Etats une puissance égale sinon supérieure, jusqu’à pouvoir orienter leurs lois, voire les imposer.
Au plan national, jamais les autorités politiques françaises les plus élevées n’ont affirmé leur volonté de sauver le système social et le service public français. Jamais le système social n’a été érodé comme il l’est depuis quelques décennies. Jamais les services publics n’ont été privatisés comme ils l’ont été. Les lobbies internationaux s’approprient les patrimoines nationaux et font la nique à l’État quant à leurs devoirs, fiscaux en particulier. Ils investissent l’argent qu’ils récoltent dans notre nation, dans les pays de leur choix, c’est-à-dire de leurs intérêts, dans des paradis fiscaux par exemple. Aux sociétés d’économie mixte d’après la seconde guerre mondiale, qui avaient réussi un certain équilibre entre le secteur privé et le secteur public et réussi à encadrer la vie économique et sociale tout en respectant la sacro sainte liberté, nous assistons au retour des sociétés libérales du passé, de l’omnipotence grandissante du pouvoir de l’argent.
Au plan local, au nom de l’unité nationale qui est, en réalité, l’uniformité nationale, nous assistons au même phénomène. Les puissances financières mondialistes s’approprient les économies locales. On a l’habitude de réduire l’économie à la production de biens et de services matériels. Elle inclut aussi la production intellectuelle et la production artistique. Il n’y a pas de développement tout court, sans le développement, parallèlement, de l’Esprit. Le développement ne concerne pas tant les pays (il peut être, dans ce cas, exogène) que les femmes et les hommes. Le développement d’un pays n’est réel que s’il résulte de la capacité de ses femmes et de ses hommes, d’en être les auteurs, de la conception à la réalisation. Un pays peut présenter un PIB magnifique en étant sous-développé. Les spécialistes appellent cela la croissance sans développement, (certains ici, s’en contenteraient).
Cette logique de l’uniformité mondiale a pour résultat de concentrer les moyens de production, donc les profits, entre quelques mains peu nombreuses et de plus en plus riches ; de marginaliser du même coup ceux qui ne produisent pas dans cette logique, les producteurs locaux. C’est là une injustice radicale qui frappe non plus seulement des personnes, mais des peuples. Cette injustice engendre des frustrations, des mécontentements, des révoltes, des migrations, des répressions, des guerres.
Mais, si l’on approfondit la situation, au-delà de l’argent, la cause profonde qui fait sa force, c’est que les hommes ne s’aiment pas (la loi de la jungle). Jean, l’apôtre, écrivait que « quiconque ne pratique pas la justie n’est pas de Dieu et pas davantage celui qui n’aime pas son frère.» Ne pas aimer son frère, c’est ce qui permet à la conscience, « bonne fille » disait Churchill, de ne pas pratiquer la justice.
Nous ne sommes pas comptables, directement, des huit milliards d’hommes et de femmes de la planète. Mais nous sommes, collectivement, comptables du développement des huit cent soixante treize mille compatriotes Réunionnais, de notre développement. Il y a développement d’un pays que s’il y a développement de son auteur collectif, de son Peuple. Il y aura un vrai développement réunionnais quand il y aura développement de son auteur, l’Homme réunionnais.
Qui a dit que la promotion du Peuple réunionnais, identifié, reconnu et responsable, est un repli sur soi? Qui est le plus replié, plus renfermé sur soi, celui qui est pris en charge parce que l’on s’occupe de lui, ou celui qui doit se démener tous azimuts pour trouver des solutions à ses problèmes ?
C’est de tout cela que nous allons débattre à Saint-Joseph, le 3 février, pour préparer La Conférence des mille. Nous y sommes tous conviés, culturels, religieux, politiques, associatifs à titre personnel de citoyens, pour dire, dans l’Unité, kisa nou lé, kosa nou vé, pour demander un référendum local et pour confier à La Conférence Territoriale Elargie le soin de négocier notre volonté avec le Gouvernement en toute fraternité et dans la légalité
Bonne et heureuse année à vous tous, chers lecteurs !
Paul Hoarau
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.