Commémoration de la révolte des esclaves de Saint-Leu au parc du 20 décembre les 5 et 6 novembre 2022. (Photo JSG)

Polémique sur le 20 décembre : ne pas laisser prospérer.

LIBRE EXPRESSION

Ce lundi 10 juin 2024 une polémique a vu le jour, suite à des propos indignes tenus par le maire de la Plaine des Palmiste. Ce dernier a remis en cause notre passé esclavagiste et la commémoration de son abolition. 

Le Parti Communiste Réunionnais, dont les dirigeants et les militants ont été le fer de lance de la reconnaissance officielle de l’esclavage crime contre l’humanité et qui ont été à l’initiative de la loi qui fait du 20 décembre un jour férié chômé, ne pouvait se contenter d’une simple réaction « à chaud ». C’est pourquoi, une partie du comité central s’est réunie exceptionnellement, ce matin au Port et vous livre le compte-rendu de ses réflexions.

1- Le contexte 

Nous sommes Réunionnais, descendants d’esclaves ou pas, d’engagés, venus  d’Asie, d’Afrique, d’Europe, de Madagascar, des Comores et d’autres régions du monde. Malgré une période éprouvante et meurtrière pour nos ancêtres, la population réunionnaise a trouvé une forme de résilience et notre vivre-ensemble est désormais reconnu. Nous avons une histoire commune, en partage. Entendre un maire réunionnais, remettre en cause ce chemin parcouru en disant que l’esclavage et le 20 décembre font partie d’un temps révolu et qu’il faut les mettre aux oubliettes, est ignoble !

Depuis quelques années, nous voyons apparaître sur notre territoire des partis politiques et divers groupements qui ne correspondent pas aux valeurs que défendent les Réunionnaises et les Réunionnais. Nous regrettons que les portes leur soient si grandes ouvertes ici (médias, associations, …). Le RN (Rassemblement National), dont ce maire est le responsable local, est le parti qui, de tout temps, a refusé de reconnaître la responsabilité de la France dans l’esclavage et de classer ce régime politique comme crime contre l’humanité. Même si d’autres membres locaux ont condamné les propos tenus, cela reste une ligne idéologique du RN, une ligne dangereuse dans notre quête pour la dignité de notre peuple, pour la connaissance de notre histoire et pour le devoir de mémoire dû à tous les peuples.

2 – Des réactions d’indignation qui dépassent nos frontières.

Les indignations suscitées par le maire de la Plaine des Palmistes a dépassé nos côtes réunionnaises. 

  • En Guadeloupe, des députés socialistes choqués, ont publié le jour-même un communiqué.
  • Sur Outermer360, on peut lire la tribune de 34 jeunes ultramarins engagés et huit sénatrices et sénateurs de droite de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Mayotte et de La Réunion.
  • De son côté, Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, a aussi réagi.
  • Quant à la chaîne qatari Al Jazeera, elle a publié sur son compte Instagram AJ+français un reportage, qui a été énormément commenté. Parmi les commentaires :
    • Jr2Dallas1 : “on demande pas aux juifs d’oublier Auschwitz”.
    • Kaloumoff : Des siècles de souffrances, suivi d’apartheid, de ségrégation, de colonisation avec des séquelles jusqu’à aujourd’hui pour qu’un mec qui s’appelle Johnny nous demande d’oublier.
    • Nawelinparis : Le RN est arrivé en tête dans les outre mer ba voilà le résultat pour qui vous avez voté ! Sanctionner Macron évidemment mais pas en votant RN faut arrête

Ces propos montrent que des élus d’extrême droite n’ont pas leur place dans nos territoires ultramarins, déjà très fragiles.

3 – Plus que l’indignation : le Respect de la loi et la tolérance zéro !

– Parmi ces réactions qui dépassent les frontières de La Réunion, il n’y a pas celle du représentant de l’État à La Réunion, le Préfet. Nous demandons que cet élu soit sanctionné. Nous demandons que le préfet et les autorités de tutelles agissent en responsabilité, jusqu’à la destitution de cet élu. Que son cas serve de leçon. Déjà, nous demandons aux citoyens Réunionnais, de voter contre ce parti politique dès le vote de ce dimanche 30 juin. Ne soyez pas les fossoyeurs de l’histoire de vos ancêtres. 

– Le PCR ne peut pas se satisfaire de la seule sanction contre un élu qui  ignore son histoire, qui ignore la loi. Notre histoire n’est pas enseignée. Si elle connue dans la société réunionnaise, c’est grâce à des associations, des actions politiques ou citoyennes. L’Éducation Nationale ne joue pas son rôle. Le PCR réclame depuis toujours une plus grande place à l’histoire, la culture et la langue réunionnaise dans les contenus pédagogiques. Les Réunionnais sont privés de la connaissance de leur histoire et de leur géographie. Cela ne peut plus continuer. 

– En attendant, une loi existe et nous demandons qu’elle soit respectée. La loi dit que le 20 décembre, date officielle de l’abolition de l’esclavage à La Réunion, est un jour férié et chômé. C’est un jour de commémoration. Aussi nous demandons que ce 20 décembre 2024, il y ait zéro tolérance, zéro dérogation à la loi ! Nous demandons aux maires de toutes les communes de n’accorder aucune dérogation qui empêcherait les Réunionnaises et Réunionnais de se recueillir, comme il se doit,  ce jour-là.

Rappelons que ce sont les maires qui délivrent les dérogations pour l’ouverture exceptionnelle des commerces. 

– Enfin, nous allons soutenir l’initiative des maires. Nous faisons appel à l’ensemble des citoyens, aux collectifs organisés, aux associations, aux politiques et surtout aux syndicats, pour constituer un groupe qui sera suffisamment fort pour faire aboutir cette revendication légitime. Nous en appelons particulièrement aux syndicats car c’est bien du combat des syndicalistes qu’est né cette loi. Nous rappelons que ce sont les responsables de la CGTR bâtiment, menée par Bruny Payet, qui ont obtenu ce jour férié dans les  conventions collectives bien avant le vote de la loi en 1983.

C’est aussi en hommage à leurs luttes que nous nous sommes réunis aujourd’hui, en session exceptionnelle, et que nous faisons ces propositions.

Camille Dieudonné, Ginette Sinapin, Alain Dreneau, Ninine Michaud, Pascale David, Mario Ivaha, François Valeama, Juany Gibralta, Philippe Pothin, Etienne Fruteau, Benoît Blard, Julie Pontalba

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Kozé libre

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