Préserver la Région de nouveaux choix erronés

LIBRE EXPRESSION

La Région Réunion a lancé les États généraux des mobilités.

La première étape – du 8 mai au 23 juillet – vient de se clore avec le rapport intermédiaire des garants de la consultation du public : « Koman nou sa déplas a nou domin a La Rényon » (« caravane  des mobilités », « mur des contributions » et « Ronds Kozés »…)

Comme d’autres, nous avons appelé de nos vœux ces assises régionales de la mobilité.

La deuxième étape est engagée avec la première réunion plénière de l’assemblée citoyenne, ce 14 octobre au Moka à Saint Denis (100 participants dont 70 citoyens tirés au sort).

ATR-Fnaut note que la présidente de Région a souligné le succès de la participation du public et souhaité que les contributions citoyennes mettent la Région « à l’abri de choix erronés comme il y en a eu si souvent par le passé. »

C’est un souhait que nous partageons. Que pouvons-nous attendre des États Généraux des Mobilités ?

Comme on pouvait s’y attendre, le public largement pénalisé par les bouchons et les retards dans les TC ou les transports décarbonés, n’a évidemment pas réclamé plus de routes et plus de voitures à énergie fossile. Il a “ enfoncé les portes ouvertes ” auxquelles s’attendait la pyramide inversée.

Mais alors pourquoi, sans attendre les propositions issues de la consultation citoyenne, la présidente de Région a-t-elle déjà fixé les limites d’une faisabilité financières en promettant :

  • La gratuité des cars jaunes en 2024 (la Casud la propose également pour juin 2024),
  • Le “ respect de sa parole ” de livrer les 2,5 km restant de la NRL en 2028 ?

Quand on sait que l’argent reste le nerf de la guerre, de telles limites vont réduire d’autant la marge de manœuvre de la Région pour répondre à « Koman nou sa déplas a nou domin a La Rényon !!!

Dans la foulée de sa prise de fonction, la présidente avait publiquement fixé ses limites budgétaires :

  • Une capacité d’investissement annuel réduite à 250 M€ (lycées, routes, NRL…)
  • Un engagement pour terminer les 2,5 km de NRL (estimé ce jour à 846 M€, partagés pour moitié avec l’Etat)

Une demande régionale d’aide de l’État pour un RER (Réseau Express Régional) – aide sollicitée également par notre association – a été refusée, l’État n’ayant pas retenu La Réunion parmi les régions bénéficiaires d’une part des 100 Mds€ alloués au RER.

Quelles priorités d’investissement dans un budget contraint ?

NRL : 420 M€ sur 5 ans (2028) soit 84 M€/an

Gratuité des cars jaunes : ± 1M€/an

Soit un total de ±85M€/an (34%) ou ±1/3 du budget d’investissement pendant 5 ans

Avec 1/3 du budget réservé aux lycées, les propositions des EGM peuvent espérer environ un autre 1/3 du budget.

Dans ces conditions quelles sont les priorités techniquement et financièrement réalistes que l’assemblée citoyenne pourrait encore proposer ?

Sauf imprévus (à souhaiter) – les financements nationaux et européens sont rares et fléchés vers d’autres priorités en ces temps de guerres – nous ne pourrons pas obtenir à court ou moyen terme de soutien pour notre futur réseau ferré, ni pour d’autres projets d’infrastructures coûteuses (téléphériques, cabotages, transport aérien…)

Le public ne s’y trompe pas en se positionnant majoritairement contre le « tout voiture » et pour l’amélioration des transports en commun. Les efforts des AOM peuvent être portés prioritairement sur l’amélioration des réseaux de transports collectifs existants.

Evaluer l’efficacité des politiques de transitions énergétiques

  • Réserver les aides régionales à la production électrique décarbonée centralisée plutôt qu’individualisée ; cette dernière protège les seuls particuliers aisés des tarifs dérégulés et livre la population aux augmentations à venir des tarifs de l’énergie. Il faudrait des aides au TC décarboné plutôt qu’aux véhicules électriques individuels.
  • Désengorger les centres urbains par la location d’auto lib avec voiturettes, confiée à des sociétés privées : selon quelle motorisation (électrique ou à air comprimé) ? Avec parkings d’entrées de villes équipés de panneaux photovoltaïques.

Amélioration des TC : fréquences augmentées et plages horaires élargies sur des TCSP interconnectés.

  • Confier à la Région les liaisons rapides interurbaines et aux EPCI les dessertes communales, sans confusion de lignes (avec augmentation de la fréquence et des plages horaires)
  • Interconnexion des TCSP des AOM et création des lignes type BAOBAB
  • Une ligne express en interurbain autour de l’île, reliant les gares routières, est devenue indispensable.

Ne pas mettre la charrue avant les bœufs : priorité à la gratuité ou aux services ?

  • Evaluer la pertinence de la gratuité des TC avant l’amélioration des services ; cf. Reporterre n°429 du 09/10/23 sur la gratuité des TC. L’effet d’appel initial peut doubler la fréquentation au début, puis celle-ci stagne à 7 ou 8 % faute d’amélioration des services, qui seule est de nature à fidéliser les usagers.

« Quand les réseaux ne font que la gratuité, sans amélioration de l’offre, il y a un effet boum au début, puis ça stagne. La gratuité permet d’attirer, et la qualité de l’offre permet de fidéliser. »

  • Revoir les modalités d’attribution des délégations de service public de transport (DSP de toutes les lignes ou après allotissements, SEMPRO…). Une mise à plat complète de la structuration de nos TC serait nécessaire pour plus d’efficacité et pour une réelle amélioration.

François Payet, président d’ATR-Fnaut

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