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Publicité sexiste : les prix augmentent, les clichés résistent

LIBRE EXPRESSION

Le jour où j’ai vidé ma boîte aux lettres, j’ai retrouvé par la quantité de publicité reçue chez moi « l’assignation commerciale au genre ».

«  Assignation » que la société dénonce pourtant, telle une famille à Tours médiatisant (gentiment) le refus d’une école privée d’autoriser le port de jupes et de robes à leurs petits garçons. 

« Assignation au genre » dont la société s’est quelque peu libérée en plus semble t-il, au regard de cette jeune chanteuse réunionnaise qui se présente en interview sans débats ni fracas les cheveux très courts, sans maquillage ou autres artifices « féminisants », en concert lovée dans des vêtements amples, et qui connaît actuellement un début de succès.

Alors cette jeune chanteuse assume son look, sans avoir besoin de batailler, et le public adhère à sa musique sans avoir besoin qu’elle dévoile ses soutiens gorges, accessoire vestimentaire qu’elle reçoit d’ailleurs sur scène avec amusement. 

Mais alors comment expliquer que les sociétés commerciales persistent à associer les bijoux et les parfums aux femmes, et les outils et le sport aux hommes ?

Certes, en mai, pour célébrer il faut acheter.

Cependant, dans ce paquet de publicité, la « Fête des clients » me semble constituer la seule annonce cohérente et honnête.

Sur 29 distributions publicitaires retenues (allant du feuillet double au catalogue de produits) couvrant la période du 2 mai au 29 juin, c’est la seule qui indique clairement le but de la publicité : avoir des clients, qu’ils soient mères, pères ou ni l’un ni l’autre. Autrement dit, faire acheter au gré des fêtes du calendrier.

Car les 28 autres arborent des messages de célébration des mamans et des papas en misant sur des clichés désuets. D’abord, celui de la femme douce, parfumée, adepte des bijoux et surtout nourricière. La différence entre le nombre de publicités dédiées à la fête des mères (16) et à la fête des pères (12) vient des publications des enseignes de grande distribution alimentaire qui ont misé pour mai et juin sur les « mamans chéries » plutôt que sur les « papa super héros ». Ils ont surement d’autres priorités que faire les courses.

Du reste, au vu des enseignes qui ont diffusés pour cette date de la fête des pères, un autre cliché tenace est celui de l’homme fort, doué pour le bricolage et sportif auquel va faire plaisir : « servante 7 tiroirs », « perfo-burineur », baskets et vêtements de marques réputées en promotion, et grande télévision pour regarder le football… ou en tout cas regarder un autre homme sportif puisque sur l’écran proposé, le footballeur est seul sur la pelouse.

Dans ce paquet de publicité, aucune ne montre une femme avec une perceuse ou en acte de construction pour mettre ses petits à l’abri, aucune ne montre un homme avec un robot de cuisine. Sur une photo, on voit un homme avec une touche de crème de soin sur la joue. Il est hilare, on dirait qu’il rit d’une blague qu’il s’est fait lui-même.  

Ce que j’ai qualifié « d’assignation commerciale au genre » permet un certain amusement des stéréotypes et révèle peut-être un arrangement convenu et collectif entre les principes et les injonctions sociales à certaines dates qui n’exclurait pas le discernement individuel face au règne du capitalisme.

Mais certains aspects sont plus insidieux, telle cette insinuation que ces femmes et ces hommes resplendissants de santé et d’amour feront culminer leur bonheur grâce à un cadeau reçu de l’enseigne qui les met en scène.

Le plus troublant dans ces clichés renvoi à la réalité sociale de laquelle nous voyons une explosion des séparations des couples parentaux. Or, ces séparations se font rarement dans la joie et la bonne humeur. Mais, à part la publicité qui annonce la « fête des clients », aucun homme ni aucune femme n’est représenté avec un éventuel autre parent.

Tous sont jeunes, minces et ne sont accompagnés que d’un enfant, hormis deux pubs qui laissent penser que les femmes photographiées ont plus de 50 ans, et une seule pub d’une femme avec deux petites filles.

Est-ce alors que les mamans et les papas aujourd’hui sont jeunes, minces, peu fertiles, seuls et heureux de l’être lorsqu’il s’agit de mettre leur parentalité à l’honneur, et accompagnés, et tout autant heureux de l’être mais seulement lorsqu’il s’agit de consommer ?

Aussi, l’analyse fine de ces publicités permettrait d’éclairer la perpétuation du ciblage stratégique des femmes en tant que consommatrices avérées. Un des premiers indices consiste à  relever dans ces pubs une très grande majorité de photos de petites filles. 

En attendant, si la mère, et le père, hors magasin, restent les garants de la transmission des valeurs, service-après-accouchement-non-garanti,

parents, amis, copains, collègues, voisins,

En juin, la fête de la musique s’en vient, faites du bruit ! C’est gratuit. 

Kala Livalisse

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