LIBRE EXPRESSION
Le rapport de mars 2025 de la CIIVISE1 nous plonge dans une réalité brutale et inacceptable : les personnes en situation de handicap, parmi les plus vulnérables de notre société, subissent des violences sexuelles et intrafamiliales à une échelle effrayante. Ces chiffres ne sont pas que des statistiques, ils racontent des vies dévastées, des voix étouffées, et des souffrances ignorées par une société qui détourne le regard.
- Les personnes handicapées sont 2 à 3 fois plus exposées aux violences sexuelles que la population générale ;
- 70 % des abus se produisent au sein du cercle familial, des institutions médico-sociales ou des cercles de confiance ;
- 7 % des victimes parviennent à dénoncer les faits, écrasées par la peur, la dépendance ou les barrières institutionnelles, peu de plaintes sont déposées ;
- Un chiffre glaçant : 1 enfant handicapé sur 5 est victime de violences sexuelles avant ses 18 ans ;
- 9 femmes autistes sur 10 sont victimes de viol.
La Réunion : une réalité encore plus révoltante
Ici, cette tragédie humaine atteint des proportions insupportables. 93 % des violences sexuelles contre les personnes handicapées sont commises par des proches directs, comme des parents, des frères, des sœurs ou des membres élargis de la famille. Dans cette île où le handicap est encore trop souvent perçu comme une honte, un tabou ou un fardeau , les victimes se retrouvent enfermées dans un cercle de dépendance affective et financière, leur cri de détresse restant inaudible.
Le rapport révèle que seuls 7 % des enfants ayant signalé ces violences ont eu accès à un suivi psychologique spécialisé. Les autres sont condamnés à une souffrance durable, faute de structures adaptées et de protection réelle. Cette spirale de l’abandon est une défaillance institutionnelle qui, par son silence, permet aux prédateurs d’agir en toute impunité.
Des associations en première ligne contre l’indifférence
Fondé en 2008, le CEVIF2 s’est imposé comme un pilier de la lutte contre les violences intrafamiliales à La Réunion, articulant son action autour de trois axes majeurs : la prévention, l’accompagnement des victimes et le renforcement des réseaux associatifs. C’est ainsi, que le Collectif chaque année propose une journée récréative autour d’un match de football dans une commune différente pour aller au plus près des populations: c’est l’opération Carton Rouge. Des associations de lutte contre la violences faites aux femmes sensibilisent, informent et partagent leurs expériences avec un public de plus plus importants. Ces rendez-vous illustrent que les mentalités évoluent : les personnes sont désormais plus réceptives et attentives à ce fléau, ce qui constitue un véritable indicateur de changement de regard.
Handicap Solidaire : inclusion et autonomie des personnes vulnérables
Handicap Solidaire se distingue par son approche globale de l’inclusion, centrée sur l’accès à la santé, l’éducation et l’emploi pour les personnes en situation de handicap. L’association collabore avec des partenaires pour déployer des projets concrets, tels que des ateliers d’insertion professionnelle dans le secteur de la restauration, visant à briser les stéréotypes et favoriser l’autonomie.
Grâce à une gestion transparente et une mobilisation active des ressources, elle œuvre pour un impact durable sur les communautés les plus marginalisées, en particulier dans les zones rurales et insulaires.
Malgré leur mobilisation, ces associations se heurtent à des difficulté en terme de financements publics et privés pour aller plus loin dans leurs efforts mobilisés pour la concrétisation de projets de plus grandes ambitions.
C’est ainsi que ces deux associations ont programmé « un tour de l’île de l’inceste » le 16 octobre 2022 pour que la CIIVES puisse constater les spécificité de notre territoire insulaire avec ses fléaux, notamment le taux d’alcoolisme, certes mais aussi la richesse de ses associations dynamiques et réactives grâce à un maillage local intéressant même dans les endroits les plus reculé.
Des financements engagés qui restent insuffisants
La mise en œuvre effective de ces actions nécessite un engagement financier significatif et pérenne de L’État, principal partenaire, et du Conseil Départemental qui œuvre par un Plan Départemental des Violences Intrafamiliales
Les financements doivent couvrir l’ensemble des besoins identifiés : campagnes de sensibilisation, programmes de formation, création et fonctionnement des structures d’accueil, formation de professionnels socioéducatif, développement de la recherche sur les mécanismes de prévention efficaces.
Il est également évident que face à l’ampleur du défi, aucun acteur ne peut agir efficacement de façon isolée. La protection des personnes vulnérables exige une mobilisation collective impliquant institutions publiques, associations, professionnels de terrain, familles et citoyens engagés. Cette synergie constitue notre meilleure chance de créer un environnement véritablement protecteur.
Le rôle crucial de chaque citoyen
Chaque membre de notre société peut contribuer à cette mobilisation, que ce soit en signalant des situations préoccupantes, en soutenant les associations spécialisées, en participant à la diffusion d’informations ou simplement en adoptant une attitude vigilante et bienveillante envers les personnes vulnérables de son entourage. La somme de ces petites actions individuelles peut produire un changement systémique considérable.
Ensemble, transformons notre indignation en solutions concrètes et durables. Il est encore temps d’agir, de refuser la fatalité et de construire une société où la vulnérabilité sera reconnue comme appelant notre protection la plus vigilante, et non comme une invitation à la violence. Notre humanité collective se mesure à notre capacité à protéger les plus vulnérables d’entre nous.
Notre conscience collective est désormais éveillée : nous savons, et ce savoir nous engage à agir.
Comme le soulignait Simone Veil : « La vulnérabilité n’est pas une invitation à la violence, mais un appel à la protection… L’indifférence est la pire forme de complicité. »
Ti lamp, ti lamp nou arriv…
Frédérique Welmant
- CIIVE : Commission Indépendante de l’Inceste et des Violences sexuelles faites aux Enfants (créée en 2021 par Emmanuel Macron, Président de la République. : elle vise à éclairer et à renforcer la politique publique en s’appuyant sur les témoignages recueillis et l’analyse de la situation actuelle. ↩︎
- CEVIF : Collectif pour l’Élimination des Violences Intrafamiliales (création en 2008) ↩︎
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