Rasine Kaf

Rasine Kaf réclame la restitution des bustes d’esclaves et un musée de l’esclavage

A la suite de la publication d’un article relatant la présence de restes humains d’esclaves réunionnais dans les réserves du Musée National d’Histoire Naturelle de Paris, Parallèle Sud a demandé l’avis de militants culturels sur cette découverte et la suite qui pourrait lui être donnée à travers une demande de restitution pour inhumation ou exposition dans un musée. Dans cet entretien, Ghislaine Mithra-Bessière et Phillippe Bessière retracent l’histoire de l’association Rasine Kaf et livrent leur état des lieux sur la question de l’apprentissage de l’esclavage et de sa commémoration à La Réunion entre la fèt kaf, les noms des rues ou encore l’absence d’un musée de l’esclavage.

L’intégralité de l’entretien est disponible en vidéo

« Rasine Kaf a pris naissance dans la kour de Franswa Tibère, dans le fumier et kom y di c’est dans le fumier que naissent les plus belles fleurs », raconte Ghislaine Mithra-Bessière. C’était le 20 décembre 1998, une date qui n’est pas anodine puisque l’objectif premier de l’association était de contester la manière dont était célébré le 20 Décembre, manquant selon ses membres d’un sens historique , symbolique et réel. «  Nou lé fièr le patrimwan nout zansèt, nou ve fé sort ali dann fenwar. »

Au fil des années, Rasine Kaf a milité pour plusieurs causes portant notamment sur la mise en valeur du patrimoine de la vie des esclaves. « Beaucoup de sites ne sont pas protégés, mis en valeur et laissés à l’abandon. Comme la ravine à Jacques ou la ravine du Trou où a eu lieu la révolte des esclaves de Saint-Leu. »

Une partie de l’histoire délaissée au profit d’une autre, celle des colons qui peuplent tous les noms de rue.

« On étouffe dans toutes les villes de La Réunion, partout il y a des noms de rue d’esclavagistes ou liées à l’histoire coloniale. Très peu de noms de rue sont attribuées à l’histoire de la résistance, des engagés et des esclavisés ou du marronnage. Il faut donner un sens à la signalétique urbaine et renommer certaines rues. »

Rasine Kaf déplore notamment que le boulevard Sud à Saint-Denis, officiellement Jean-Jaurès, ne soit toujours pas rebaptisé boulevard des Camps. Après l’abolition de l’esclavage, beaucoup d’affranchis sont venus s’installer dans les rues proches du boulevard, d’où l’appellation camps.

Un chemin qui ne fût pas sans encombres

« On nous installe dans la revendication, et même dans l’agression dès qu’on parle un peu fort, mais notre revendication est légitime, juste et normale. L’histoire doit transparaître dans la cité. Il n’y a pas de créolisation sans kafritude. »

« Nous ne sommes pas dans la division ethnique mais dans la réunification, on demande à ce que l’apport de chacun soit reconnu, équilibré et remis à sa juste place , sans hiérarchisation. L’apport des Chinois, des Malbars, des Zarabs et des Kaf. »

Quant aux découvertes des moulages d’esclaves réunionnais, pour Rasine Kaf il est clair qu’ils doivent être restitués à La Réunion et exposés. (à partir de la 33e minute sur la vidéo)

« On a besoin de ces restes pour pouvoir ré-identifier nos ancêtres, ces bustes nous appartiennent, c’est notre patrimoine. Il faut une mobilisation générale des associations, des députés et de l’État pour que ces bustes soient restitués à La Réunion. C’est pour cela que nous avons besoin d’un musée de l’esclavage. »

Retrouvez l’intégralité de l’entretien en vidéo.

Réalisation : Etienne Satre et Léa Morineau

Entretien : Léa Morineau

A propos de l'auteur

Léa Morineau | Etudiante en journalisme

Cocktail de douceur angevine et d'intensité réunionnaise, Léa Morineau a rejoint l'équipe de Parallèle Sud pour l'éducation aux médias et à l'information, elle s'est rapidement prise au jeu du journalisme. A travers ses articles, elle souhaite apporter le regard de sa génération et défendre un journalisme qui rayonne au-delà des apparences.

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