jeu d'échecs

Reconstruire en mieux. La Bourdonnais est-il l’échiquier d’un autre symbole ?

LIBRE EXPRESSION

Ombre et lumière au jeu d’échecs interrogent notre capacité de mouvement. Si certains voudraient placer Mahé de la Bourdonnais sur une case, l’écrivain Pierre Mac Olan rappelle qu’il y a « plus d’aventure sur un échiquier que sur toutes les mers du monde ». Un questionnement symbolique qui prend aussi un sens culturel et mémoriel particulier à l’heure où circule dans les rues de Londres une campagne : Every move matters with la Bourdonnais.

Sadiq Khan, maire de Londres dont le parcours familial et politique est lié à la partition des Indes, a été saisi d’un appel pour ériger une statue La Bourdonnais dans sa ville-monde. Un projet qui se veut défendre une contribution à la paix et à la coopération internationale.

Né à la Réunion, Louis-Charles Mahé de la Bourdonnais (1796-1840) repose à Londres au cimetière de Kensal Green à Londres. Petit-fils de Mahé de La Bourdonnais, il mit le jeu d’échec sur la place publique, grâce à un match contre le londonien Alexander McDonnell en 1834, quelques années avant l’Exposition universelle de 1851 qui accueillit le premier tournoi international de ce jeu oriental né aux Indes, transformé en Perse puis en Grèce, enfin remodelé par la civilisation arabe vers l’Occident chrétien.

Tout au long de l’histoire, le jeu et le sport ont aidé l’humanité à survivre aux périodes de crise en réduisant les angoisses et en améliorant la santé mentale. En 2020, alors que les restrictions imposées pour limiter la propagation de la COVID-19 ont grandement réduit la plupart de ces activités, les échecs ont désormais fait preuve d’une résilience, d’une adaptabilité et d’un pouvoir rassembleur remarquable en cette période de pandémie.

Les Nations Unies ont proclamé le 20 juillet Journée mondiale du jeu d’échecs. La date choisie marque la date de création de la Fédération internationale des échecs (FIDE) à Paris, en 1924. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, l’intérêt général pour les échecs a ainsi doublé, avec une augmentation du nombre de joueurs réunis pour participer à des événements d’échecs sur des plateformes en ligne.

Les échecs sont l’un des jeux les plus anciens, les plus intellectuels et les plus culturels qui soient, associant à la fois sport, raisonnement scientifique et aspects artistiques. Ils sont joués dans le monde entier et favorisent l’équité, l’inclusion et le respect mutuel. Ils contribuent pour cela à un climat de tolérance et de compréhension entre les peuples et les nations et jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de ses objectifs de développement durable, à travers notamment le renforcement de l’éducation, de l’égalité des genres et de l’avancement des femmes et des filles.

Pour ce qui est de ses origines, certains pensent que le jeu est issu d’un autre jeu similaire aux échecs, appelé Chaturanga, qui se serait développé dans le nord du sous-continent indien pendant la période de la dynastie des Gupta (~ 319 – 543 EC) pour après se diffuser le long des routes de la soie à l’ouest de la Perse La première référence au jeu provient d’un manuscrit persan décrivant un ambassadeur du souscontinent indien venant rendre visite au roi Khosrow I (531 – 579 EC) et lui présentant le jeu en cadeau.

De là, le jeu s’est diffusé vers d’autres régions, notamment vers la péninsule arabique et l’ancienne Byzance. En 900 EC, les maîtres d’échecs abbassides al-Suli et al-Lajlaj ont composé des œuvres sur les techniques et la stratégie du jeu, et en 1000 EC, le jeu d’échecs était déjà populaire à travers l’Europe et en Russie, où ils ont été introduits dans la steppe eurasienne.

Dans les manuscrits d’Alfonso, une collection médiévale de textes illustrant trois différents types de jeux populaires du XIIIe siècle – connus aussi sous le nom de « Libro de los Juegos » (livre des jeux) – le jeu d’échecs y est décrit comme étant très similaire à la version persanne de « Shatranj », en termes de règles et de principes de jeu.

A Londres, Louis Charles Mahé de la Bourdonnais a laissé derrière lui la première revue francobritannique d’échecs : Le Palamède, en référence à ce héros grec insurgé, repris dans la légende arthurienne, dénonçant la guerre longue et coûteuse faite par La Grèce aux Troyens. Si Londres a toujours su faire preuve d’une grande hospitalité en tant que ville refuge, c’est que très tôt dans son histoire, ce petit port aux origines antiques a joué un rôle de trait d’union entre le système racinaire britannique et la canopée de talents nomades, diasporas, peuples navigateurs et commerçants qui l’entouraient…

Champion du jeu d’échecs, Louis Charles Mahé de la Bourdonnais laisse certainement sur son échiquier quelques intuitions tactiques à la Réunion pour attirer à nouveau vers elle et se positionner comme l’étoile et la clé de l’Océan indien. Pour accompagner cette évolution, le projet d’une statue Louis Charles Mahé de la Bourdonnais à Londres est relayé sur des dispositifs d’appui à des campagnes citoyennes de financement participatif comme Crowdfund London et SpaceHive : https://www.spacehive.com/labourdonnais

Kevin Lognoné

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