QUATRE JOURS POUR BLOQUER L’ÉCONOMIE
Cette semaine a été marquée par quatre jours de mobilisation pour les organisations syndicales. Quatre jours sans la population.
Semaine chargée pour les manifestants. Dès lundi à la première heure, quelques dizaines de syndicalistes se sont retrouvés devant les grilles de la SRPP (Société réunionnaise de produits pétroliers) au Port. L’endroit est stratégique et concentre l’attention de chaque mouvement social.
La dernière fois, c’était les Gilets jaunes, vite évacués à coup de gaz lacrymogènes. Et la précédente, les transporteurs, un blocage qui avait viré en émeutes et conduit au choix d’une NRL en partie en digue.
Autoblocage
Lundi, personne ne s’est allongé sur le bitume, personne n’a vociféré « mi mor pou la Rényon », mais aucun camion n’a franchi les grilles pourtant libres de tout manifestant. Ceux-ci sont un peu plus loin, regroupés à quelques dizaines de mètres. Une sorte d’auto-blocage.
« Par sécurité », indiquent les chauffeurs des poids-lourds chargés de bouteilles de gaz vides qui patientent devant l’entrée. La direction de la SRPP a préféré remettre à plus tard quelques livraisons, sans grandes conséquences pour l’approvisionnement des stations-services.
Une cinquantaine de manifestants cette fois là, 685 d’après la préfecture hier jeudi partout dans l’île, particulièrement entre Saint-Pierre et Le Port. Probablement un peu plus, mais pas la foule non plus. Pour autant, le mode d’action inspiré du mouvement des Gilets jaunes est particulièrement efficace pour bloquer l’économie de l’île. Des barrages filtrants comme nous en avons vu à Savanna sur la quatre-voies et au Port sur le rond-point EDF. L’un créant d’immenses embouteillages, l’autre, comme sur trois autres sites d’accès à la cité portuaire, empêchant tout poids-lourd de livrer les marchandises.
Une première
Un mode d’action déclaré en préfecture. Une première dans l’île. Jamais on n’avait vu de barrages sur la quatre-voies autorisés par les autorités, même si les forces de l’ordre avaient laissé faire quelques semaines pendant les Gilets jaunes.
Efficace, certes, mais une mobilisation décevante. Lundi, le secrétaire général de la CFDT réunionnaise, Joël Dalleau, s’interrogeait sur ce manque de motivation locale. Aquabonisme ou léspér-kui ? Personne ne doute pourtant de l’opinion d’une très large majorité de Réunionnais contre la réforme des retraites, il suffit pour s’en convaincre de voir les coups de klaxon d’encouragement des automobilistes au passage des barrages après avoir patienté des heures dans les embouteillages, ou leur discipline à ne pas forcer le barrage pourtant seulement constitué d’un frêle cône de Lübeck. Hier jeudi, un gréviste de Force ouvrière évoquait pour sa part les crédits à rembourser ou la main-mise du monde politique sur ses ouailles.
Pendant ce temps, à Paris et dans l’Hexagone, les manifestations grossissent encore (800 000 à Paris d’après la CGT) et se radicalisent.
Philippe Nanpon