Si nous nous occupions de nous !

LIBRE EXPRESSION / JOURNAL DE PAUL HOARAU n° 272

L‘actualité internationale récente, a été dominée par l’élection d’un nouveau pape. Après avoir tiré Jean-Paul II du monde de l’Est, le pape François du tiers monde, l’Église nous offre, cette fois un nouveau pape, de l’Ouest. Entre ces « blocs » divisés pour ne pas dire « en guerre froide », l’Église adresse comme un pont, le même message de justice et de paix, aux hommes de ces « blocs ». D’un côté, les hommes de la fracture de la division et de l’autre, les hommes de l’unité dans la diversité. L’insistance des premières paroles de Léon XIV pour « une paix juste » a frappé les esprits.

Il n’est pas vrai que l’uniformité de « la mondialisation du profit d’abord », soit  l’avenir. Cette vision du Monde fait l’affaire des ambitieux qui ont tendance à la dictature en politique et l’affaire des prédateurs partout où ils passent, dans le monde économique. On a tendance à confondre « mondialisation » et « universel ». « La mondialisation », c’est la mort de la diversité, l’uniformité ; « l’universel », c’est  l’unité enracinée dans la diversité. « La mondialisation », c’est la domination des puissants : « l’universel », c’est la coexistence et la solidarité des nations et des peuples.

La refondation du Monde va dans le sens de « l’universel »

Dans cette refondation du Monde, où nous situons-nous, nous autres Réunionnais ?  Où pouvons-nous prendre parti, où pouvons-nous aider, où pouvons-nous contribuer, où sommes-nous acteurs ? La refondation du Monde, en effet, ne sera pas l’effet d’actions venues d’en haut, d’autorités supérieures mondiales ou nationales, mais de la somme des actions particulières des femmes et des hommes possédés ici et là dans le Monde,  par  la conscience d’un destin commun. Les acteurs de la refondation du Monde à La Réunion seront les Réunionnais conscients de leur communauté de destin de Réunionnais. 

Nous avons raison de prendre parti  de la paix dans l’affaire de l’Ukraine, dans l’affaire de Gaza, dans les affaires d’ailleurs, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, d’Europe dont nous avons moins d’écho ; nous avons raison de marquer concrètement notre solidarité pour le Peuple des Chagos ; nous avons raison de militer pour une communauté indianocéanienne. Mais la refondation pour la partie du Monde qui nous concerne, pour La Réunion, dépend dabord des Réunionnais, de nous. Nous aurons besoin de solidarités nationales, régionales, internationales, mais nous devrons être les premiers acteurs de notre développement et du développement de notre île. Français, nous serons acteurs du développement national français, y compris à La Réunion, dans le cadre d’une politique nationale ; Réunionnais, nous serons responsables du développement réunionnais dans le cadre d’une politique réunionnaise : « par, avec et pour les Réunionnais »…

Pour conduire le développement réunionnais, nous devons le vouloir, mais nous devons être identifiés, reconnus et responsables pour le pouvoir :  être peuple. Si la collectivité réunionnaise est anonyme et irresponsable, cela signifie, dans le contexte actuel, qu’elle est prise en charge par le Gouvernement de Paris. Les apparences de la prospérité qu’offre le pays sont, dans ce contexte, l’expression de la prospérité exogène de sociétés ou d’individus « métropolitains ». La contre-partie du déni de notre Peuple et la contre-partie de son irresponsabilité – nous avons eu bien souvent l’occasion de le constater – c’est la fin de filières locales de production, c’est le remplacement de la production par l’importation, c’est l’élimination progressive de chefs d’entreprises réunionnais, c’est le chômage, c’est l’assistance pour consommer ce que l’on importe, c’est l’augmentation du nombre de pauvres, de la délinquance. L’injection de transferts financiers de Paris pour des marchés, des subventions, des traitements, des revenus sociaux, la politique de « migration » pour diminuer le poids de la démographie locale ne peuvent pas venir à bout de cette décadence cachée qui est  la conséquence du déni de notre responsabilité. 

Notre part pour la refondation de l’Humanité, c’est la refondation de La Réunion : sortir de la situation de population anonyme, prise en charge et irresponsable (la situation du déni) pour être ce que nous devons être : un peuple identifié, reconnu et responsable.  Si nous sommes dans le déni, l’étalage de nos connaissances personnelles de la vie du Monde, nos initiatives particulières  culturelles, politiques, économiques, associatives, nos victoires aux élections si remarquables qu’elles soient, tout cela ne pèsera pas sur le développement global de l’île. Tout cela, tout au plus, apportera des améliorations ponctuelles, limitées à ce que le pouvoir central tutélaire,  voudra bien accorder. Dans l’ordre des choses  actuel, il n’y a pas de développement réunionnais. Il n’y a qu’un développement français uniforme. Un développement français uniforme, c’est, dans les faits, le développement « métropolitain ». C’est la mort de la « diversité »,  de la diversité réunionnaise pour ce qui nous concerne. Encore une fois (nous ne le répéterons jamais assez) le problème réunionnais dominé par l’uniformité « métropolitaine » au niveau national, c’est le problème français dominé par « le mondialisme du profit d’abord », au niveau international. La crise française que nous traversons, c’est la crise du déni de la diversité française. 

Le moment est venu de dire avant qu’il soit trop tard : « qui nous sommes » et « ce que nous voulons », de le dire d’une voix réunionnaise unanime. L’unité réunionnaise est la base de la refondation. Il ne s’agit pas de supprimer la diversité ni de gommer les oppositions. Un peuple doit être en mesure de gérer sa diversité et ses oppositions par lui-même en application de « fondamentaux » qu’il se sera donnés, sinon il est à la merci d’un arbitre extérieur ou intérieur qui devient le maître. Sans l’unité, au-delà de nos différences et de nos oppositions, nous ne serons pas, nous ne pourrons pas être un peuple identifié et responsable. Nous resterons une population anonyme, prise en charge et irresponsable. 

Compte tenu de notre Histoire et de la politique nationale de l’uniformité, cette affirmation de l’unité réunionnaise doit être explicite. « Le Projet d’un Peuple » proposera le brouillon du projet d’un texte des « Fondamentaux ». Ce texte devra expliciter cette affirmation et  sera soumis institutionnellement, constitutionnellement au Peuple Réunionnais par « un référendum local ». Avant le référendum, tous les Réunionnais, du plus haut placé au plus modeste, pourront accéder au brouillon pour l’amender, le corriger, le compléter. « Les Fondamentaux » qui sortiront de cette préparation, seront « les Fondamentaux du Peuple Réunionnais ». Si nous nous nous occupions de nous ! L’entreprise est ambitieuse. Elle est à la hauteur de l’enjeu. Il faudra la conduire avec méthode, serénité et concentration sur l’essentiel. 

Paul Hoarau

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Si nous nous occupions de nous !

Dans cette refondation du Monde, où nous situons-nous, nous autres Réunionnais ?  Où pouvons-nous prendre parti, où pouvons-nous aider, où pouvons-nous contribuer, où sommes-nous acteurs ?

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Kozé libre

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