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Soigner ou expulser ? Une collusion alarmante entre le CHU de La Réunion et la préfecture 

COMMUNIQUÉ

Un évènement grave a eu lieu le 27 février 2023 au pôle famille/enfance du CHU de La Réunion : Mme Hamadi*, de nationalité comorienne, était interpellée dans la chambre de sa fille malade, âgée de 11 ans, par la police aux frontières pour être expulsée. La Cimade et Médecins du Monde dénoncent la confusion croissante entre le soin et le contrôle migratoire et demande des explications au CHU. 

Madame Hamadi* est arrivée à La Réunion en septembre 2022, munie d’un visa délivré par la France pour lui permettre d’accompagner sa fille, Soifia*, âgée de 11 ans. En effet, l’enfant, gravement malade, ne pouvait pas bénéficier aux Comores de soins essentiels. Le 22 février 2023, Madame Hamadi s’absente de l’hôpital, et fait l’objet d’un signalement par le CHU dès le lendemain, 23 février. 

Le 27 février 2023, la maman est soumise à un contrôle d’identité dans la chambre d’hôpital de son enfant. Au sein du pôle famille/enfance du CHU, en pleine après-midi, les agents de la Police aux frontières la contrôlent puis l’interpellent. Madame Hamadi est conduite au centre de rétention administrative en vue de son expulsion. Soifia, dont l’hospitalisation touche à sa fin, est alors placée à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et confiée à une famille d’accueil ce même jour. 

Madame Hamadi est interpellée le lundi et demeure enfermée jusqu’au vendredi, alors libérée par le juge des libertés et de la détention de La Réunion. L’ordonnance rendue par ce dernier le 3 mars 2023 est sans équivoque : “le contrôle d’identité de Madame [Hamadi] est entaché d’une irrégularité qui porte atteinte à ses intérêts dès lors que ce contrôle n’a pas été effectué dans les conditions légales, et de surcroît, selon un procédé déloyal caractérisé par une interpellation au sein du CHU”. La libération de Madame Hamadi a ainsi été évidente. 

Totalement illégale donc, l’interpellation effectuée au sein du CHU semble avoir été déclenchée par une communication entre un·e acteur·rice du CHU et les services préfectoraux. En effet, la PAF a agi sur la base d’informations recueillies “lors d’un entretien social réalisé par le CHU de La Réunion”, comme l’indique la décision préfectorale du 28 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français. En communiquant ces informations, le secret médical et la confidentialité de l’accompagnement social sont gravement entachés

La direction de l’hôpital et les différents services compétents ont été contactés par La Cimade, sans réponse à ce jour. 

Nos associations s’inquiètent des multiples atteintes aux droits des patient·e·s de nationalité étrangère hospitalisé·e·s au CHU de La Réunion. La proximité entre les services hospitaliers et préfectoraux est préoccupante. Nous dénonçons la récurrence de pratiques discriminatoires et illégales issues d’une instrumentalisation du soin à des fins de contrôle migratoire : renvois forcés vers Mayotte, confiscation des documents d’identité et de voyage, désinformation sur le droit au séjour et chantage à la séparation parent/enfant. 

Ces mauvaises pratiques portent atteinte au droit fondamental qu’est le droit à la santé, indépendamment de la nationalité, du genre, du sexe, de l’âge, et du lieu de vie des personnes. Nous espérons rappeler la fonction première de l’hôpital public et du ministère de la Santé : accueillir, soigner. Les espaces de soins se doivent d’être et de rester des lieux refuges pour les personnes malades, et non l’antichambre de l’enfermement et de l’expulsion des pouvoirs régaliens. 

* Les noms et prénoms ont été modifiés. 

La Cimade & Médecins du Monde dans l’Océan Indien 

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