RÉFÉRÉ
Deux associations remettent en cause la décision de déplacer la statue de Mahé de la Bourdonnais. Le juge du tribunal administratif va trancher d’ici la semaine prochaine.
« On parle bien d’une question d’urbanisme? », questionne le président du tribunal administratif aux avocats. Mercredi 7 février était étudié en référé le déplacement de la statue de Mahé de la Bourdonnais, du square du même nom devant la préfecture à Saint-Denis. Deux associations – Fort Réunion et Mémoire de Crève-Coeur – ont contesté le déplacement de la statue controversée dont nous avions annoncé le projet dans plusieurs éditions précédentes.
Il ne s’agit pas pour le TA de se prononcer sur le bien fondé de la démarche, mais de savoir si les règles de droit ont bien été respectées. Pour autant, le fond, qui sera jugé plus tard, a bel et bien transpiré dans les débats au prétexte de l’intérêt à agir. Reste à savoir si, oui ou non, la mairie de Saint-Denis a régulièrement déplacé la statue du Barachois vers ses services techniques à fin de restauration. Même si le but final de l’opération est de débarrasser à la vue des Réunionnais la figure de celui qui a organisé l’esclavage à l’île Bourbon. Ou de, comme la mairie, la direction des affaires culturelles et la préfecture l’ont prévu, déplacer la statue dans l’enceinte de la caserne Lambert après restauration.
Pour Philippe Creissen, avocat de Fort Réunion, « il ne s’agit pas d’un vulgaire problème d’urbanisme, de savoir de quelle couleur on va peindre les volets ». L’association qu’il représente défend le patrimoine réunionnais et regrette « l’aliénation du patrimoine communal au profit de l’Etat » que « le libre accès à la culture est constitutionnel » et donc que le code de l’urbanisme doit s’effacer devant ces considérations.
L’avocat souligne qu’on a pu déposer la fontaine de la cathédrale pour restauration parce que la repose était prévue. Et d’expliquer, surfant sur des relents nauséabonds et émettant des doutes sur la culture réunionnaise du juge administratif, qu’ « une partie des habitants de l’île est d’origine d’Afrique de l’Ouest, soit de culture arabo-bantoue », et de se demander si « on allait détruire toutes les mosquées de l’île parce qu’elles rappellent l’esclavage ».
« Patrimoine de la commune de Saint-Paul »
Jean-Jacques Morel, avocat et opposant politique de la majorité dyonisienne, intervient quant à lui en tant que citoyen riverain de la statue pour se dire « victime d’assassinat mémoriel » tant il aime, entre son domicile et son bureau, admirer la statue en question.
La troisième intervention, celle de Me Yann Prévost, semble encore plus tirée par les cheveux. L’association qu’il représente défend, dit-il, « la culture des engagés ». Dans ses statuts, Mémoire de Crève-Coeur annonce comme objet « mettre en valeur le patrimoine de la commune de Saint-Paul ». L’avocat va expliquer que François Mahé de la Bourdonnais a bel et bien organisé l’esclavage. Et que le sort réservé aux engagés n’était guère plus enviable. On comprend aussi dans sa plaidoirie que l’abolition de l’esclavage a eu pour conséquence le recours à l’engagisme. Yann Prévost souligne que ses clients auraient aimé continuer à voir la statue, ne serait-ce « pour y jeter des oeufs en passant devant ». Et finalement de dénoncer le manque de concertation qui a entouré le projet de déplacement de la statue ; le juge, moqueur, lui demandera un peu plus tard s’il aurait aimé organiser un référendum. Avant, pour recadrer les débats, « si tout le monde était d’accord pour considérer qu’il s’agissait d’une question d’urbanisme ? ». Question cruciale puisque le déplacement de la statue a été autorisé par un simple permis de construire. Tout à fait légal donc.
Pour ce qui concerne l’intérêt à agir, l’avocat de la mairie a souligné le caractère départemental de l’objet de Fort Réunion. Nous pensons même que cette association est née en réaction à la constitution du collectif Laproptaz nout péi qui remet en cause la signalétique urbaine et le marquage historique de l’île.
Le jugement a été mis en délibéré à la semaine prochaine. Pour nous, la messe est dite.
Philippe Nanpon