Plaine des Cafres

Tyroliennes : la mobilisation citoyenne paye

L’association Domoun La Plaine dresse le bilan de ses longs mois de lutte acharnée, notamment contre le projet des tyroliennes voulues par la municipalité du Tampon.

Ces quatre mots résument 16 mois de lutte de l’association Domoun La Plaine située à Bourg-Murat – Plaine-des-Cafres, avec une stratégie mêlant alerte de l’opinion publique, tractations institutionnelles, information et sensibilisation des concitoyens souvent résignés et parfois sceptiques sur les chances de réussite de son action. 

Il faut dire que les Tamponnais sont habitués, depuis au moins 1982, à croire qu’ils ne servent qu’à glisser dans l’urne le bulletin qu’on leur a choisi, pour élire leur roi — pardon maire — avant de devenir les vassaux convoqués de temps en temps à la fête du village pour venir applaudir et faire le tas devant l’élu, que dis-je le messie !

Le messie, en l’occurrence, prend souvent ses vessies pour des lanternes et met la charrue devant les bœufs, à bâtir les ponts en attendant que dessous passe la ravine, ou encore, en langage vernaculaire, « à faire la boue avant la pluie ».

 Ainsi a-t-il de la poche des contribuables, pas les siennes, dès 2018, payé 10 tyroliennes pour la modeste somme de 2,7 méga-euros (2 700 000,00 €), en vue de faire la joie d’hypothétiques touristes. Ce, au détriment :

— des paysages millénaires exceptionnels et chargés d’histoire de la Plaine des Cafres ;

— de la biodiversité tout aussi exceptionnelle et fragile, quoique déjà un peu envahie par les pestes végétales et qu’une association du terroir essaye de faire reculer à défaut de les éradiquer avec les maigres moyens de contrats aidés payés au lance-pierre ;

— de la ruralité pittoresque et de l’art de vivre paisible et accueillant des habitants de cette région.

Bref, l’avantage concurrentiel sur le plan touristique de ce coin d’Eden qu’il a décidé de faire ressembler à l’île Sœur (Île Maurice) qui accueillerait, certes, des centaines de milliers de touristes, mais dans un cadre où tombent en ruine les fleurons de l’industrie hôtelière des précédentes décennies qui avaient pris là-bas la place des forêts endémiques dévastées aujourd’hui.

Il n’avait pas attendu pour cela de monter un dossier solide, se concerter au préalable avec ses administrés devant lesquels il oublie souvent qu’il leur est redevable, déposer les demandes d’autorisation devant la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) qu’il croit à ses ordres, attendre les résultats d’une consultation publique avant de lancer les appels d’offres pour son chantier de tyroliennes. 

Sa majorité municipale, aux ordres, a déjà voté l’autorisation d’aménagement du piton Dugain en mai 2022 sans lui poser la moindre question sur la légitimité vis-à-vis de la population et de la légalité devant les autorités. Les tyroliennes que sa majorité municipale a accepté de payer et d’installer au sommet de ce qui est un espace boisé classé, ne passeront pas au-dessus de la case de l’édile, mais de celles de ses administrés à qui la municipalité a vendu des parcelles de terrains il y a 30 ans. Ces parcelles sont rachetées depuis trois ans avec les fonds de sa municipalité pour y loger, dit-on, ceux qui vont gérer la future station de tyroliennes qui n’a pas encore obtenu toutes les autorisations.

Pour la mise en place de cette station surréaliste, de façon intentionnelle et mal calculée, l’équipe municipale a désolidarisé ce sous-projet du projet pharaonique de Parc du Volcan, estimé au bas mot à 12 M€. Comme ledit parc risquait de poser quelques problèmes aux autorités environnementales qui auront le dernier mot avant le lancement de l’enquête publique, les géniaux maîtres d’ouvrage ont imaginé de faire passer les tyroliennes sur simple autorisation du maire en application du Code de l’urbanisme, au-dessus du futur Parc du Volcan, pensant que les autorités environnementales ne pourraient pas alors le refuser. Pensez-vous ? Parc et tyroliennes créeraient au moins 150 emplois, ou 450 emplois, voire 600 au gré des interventions devant la presse du maître d’ouvrage, mais tous sous forme de contrats PEC de 6 mois garantissant ensuite 12 mois de « chômedu » ! L’avis de la CDPENAF leur semblait être une petite formalité acquise avant même de l’avoir saisie.

Le caillou dans la chaussure

Patatras ! Le caillou dans la chaussure est arrivé en septembre 2021, par la mobilisation de citoyens rebelles qui ont formé Domoun la Plaine. De deux pelés et trois tondus comme les a surnommés avec condescendance un conseiller de la majorité municipale, ils sont devenus une force vive de la démocratie tamponnaise, impétueuse, quoique méthodique et déterminée. Ils ont battu le pavé pour alerter l’opinion publique, en utilisant tous les outils de communication, y compris les réseaux sociaux, la presse régionale et nationale. Ils ont rencontré les autorités de tous les niveaux, hormis leur maire qui n’a jamais daigné rencontrer ces « deux pelés et trois tondus » ; pire encore, il a fait poster un jour des gros bras devant l’Hôtel de ville pour empêcher qu’ils pénètrent la maison du Peuple pour voir leur maire et dialoguer avec lui.

Re-patatras ! Les services instructeurs y rajoutent leur grain de sel, en avril 2022, en demandant à la mairie de revoir sa copie du Parc du Volcan en la renforçant et la complétant sur cinq points cruciaux, dont celui de l’impact global de ce projet farfelu sur le bien naturel – pitons, cirques et remparts — reconnu en 2010 par l’UNESCO comme patrimoine exceptionnel de l’Humanité. Ces études complémentaires vont coûter la rallonge de 400 000 euros sur un budget d’études qui a déjà pesé 1 200 000 euros auparavant. Le conseil municipal a cru bon de redonner la rallonge aux mêmes bureaux d’études qui lui ont servi les études complaisantes précédemment. Les fonds de cette Collectivité seraient-ils sans fond ?

Un gigantesque canular

Re-re-patatras ! La CDPENAF qui devait, selon la croyance de l’équipe municipale, manger dans la main du maire et lui valider le projet d’aménagement du piton Dugain pour installer les deux plateformes des 10 tyroliennes, l’a rejeté le mercredi 25 janvier 2023 sans ménagement, ni possibilité de contourner son avis dit conforme (L’ordonnance 2011-864 du 22/07/2011 a introduit l’avis conforme des CDCEA /CDPENAF aux DOM). Les tyroliennes de Bourg-Murat, rêvées par le maire du Tampon, ne seront plus qu’un vilain cauchemar des Cafriplainois et deviendront bientôt le gigantesque canular de la décennie 2020.

On n’entend plus rien du côté des grands bâtisseurs de rêves pour touristes en mal de sensations fortes. Reporterre, qui a cherché à les joindre en fin d’année 2022, n’a eu que silence et mépris en réponse. On est en droit de penser que la décision de la CDPENAF devait déjà avoir fuité pour expliquer ce mur de silence.

Par contre, l’espoir et la satisfaction du travail accompli ont envahi les rangs de la jeune et vaillante association Domoun la Plaine où l’on se sent prêts à affronter tous les Goliath aux pieds d’argile.

DOMOUN LA PLAINE

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Kozé libre

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