Notre présidente de la Région Réunion, Madame Huguette Bello, a eu raison de décliner rapidement « l’offre » de devenir Première ministre au nom du Nouveau Front Populaire (NFP), faute d’un consensus sur son nom au sein du Parti socialiste. La situation politique est telle à l’issue du second tour, avec trois blocs antagonistes et puissants sans majorité absolue pour aucun d’eux, qu’elle semble s’inscrire dans l’instabilité.
Une situation politique très éloignée de la gouvernabilité du pays
Certes, le Nouveau Front Populaire (NFP) est arrivé en tête en nombre de sièges, mais sa majorité est toute relative. Il ne compte que 31 % des sièges et 25, 68 % des suffrages exprimés et, 16,17% au regard des inscrits. Jamais depuis 1958, la coalition gagnante (LFI, PS, PC et Ecologistes) n’a été à ce point éloignée de la majorité absolue (41 % des sièges pour les gaullistes en 1958, 48 % pour le PS et les radicaux de gauche en 1988 et 43 % pour la majorité présidentielle en 2022. Il convient de souligner également que l’arrivée en tête du Nouveau Front Populaire (NFP) a été une surprise. Plus exactement un résultat non-intentionnel visé par les électeurs, tout comme la non-débâcle annoncée de la coalition présidentielle (Ensemble) en un recul honorable (une perte de 70 députés). Et ce, grâce à la mise en œuvre d’un front républicain qui a bien fonctionné.
Dans la logique des institutions, selon l’usage et non de la lettre de la Constitution, le président nomme un Premier ministre issu de la coalition ou force politique arrivée en tête. S’il ne le fait pas, il s’inscrirait dans une logique franchement antidémocratique (Marie-Anne Cohendet, constitutionnaliste). Par ailleurs, la coalition gagnante, le NFP, qui a toute légitimité pour gouverner sur la base de ses valeurs et de son programme, ne peut pas le faire seul, comme tenu de sa faiblesse comme soulignée plus haut. Les résultats des urnes débouchent plutôt sur la nécessité d’une coalition gouvernementale. Dire que « nous n’accepterons aucun compromis dans la mise en œuvre du programme du NFP », comme le dit Jean-Luc Mélenchon, est un vœu pieux ! Toute coalition, pour l’heure introuvable, implique compromis et parfois des renoncements.
La dissolution, en lieu et place de clarification, n’a fait qu’aggraver la situation politique, très éloignée de la notion de majorité et de la gouvernabilité du pays, tout en indiquant qu’une majorité d’électeurs ne voulaient pas du RN pour gouverner le pays actuellement. Pour autant, il ne faut pas oublier que le Rassemblement national et ses ralliés est sorti nettement en tête du premier tour avec 33, 2 % des suffrages exprimés, et au deuxième tour avec 32,05 des suffrages exprimés, soit 20, 18 % des inscrits et un peu plus que 10 millions de votes, mais ils ne récoltent que 143 sièges, compte-tenu du barrage républicain et du mode de scrutin.
Le RN est aujourd’hui la troisième force politique de la nouvelle Assemblée nationale, tout en étant le premier parti politique de France.
Le score du RN a presque doublé depuis 2022. Et dire que certains députés, particulièrement la députée Ecologiste Cyrielle Chatelain, appellent à empêcher le RN d’accéder aux postes importants de l’Assemblée nationale. « L’extrême droite n’est pas compatible avec la République. Le RN ne doit occuper aucun poste dans cette Assemblée nationale », déclare la députée Écologiste Cyrielle Chatelain. Attention au mépris du vote des électeurs du RN et aux conséquences à la prochaine élection présidentielle. Attention à la confiscation démocratique. « Cachez ce peuple que je ne saurais voir »
Des législatives qui ne règlent rien
Le premier tour, nous l’avons constaté, a été organiser contre Emmanuel Macron et ses candidats. Mais entre les deux tours, l’adversaire principal n’était plus le même : les macronistes ont cédé la place au RN. Et les uns et les autres (macronistes, mélenchonistes, socialistes, écologistes et républicains…) se sont ligués contre le RN en appelant au désistement républicain, qui s’est avéré décisif grâce à une participative massive des électeurs Nous connaissons les résultats : la défaite du RN, l’arrivée inattendue en tête du NFP, la résilience de la majorité sortante, mais aucune réponse claire puisqu’aucune majorité solide n’a pu se dégager entre les trois blocs politiques en présence. Il faut dire que la campagne de l’entre-deux-tours des législatives a été entièrement consacrée au positionnement des acteurs sur la question du front républicain, au détriment des programmes ou du débat politique de fond, notamment des problèmes sociaux à l’origine de cette situation politique.
Quel bloc peut former un gouvernement assis sur son socle ? L’union pour gouverner est-elle possible à gauche ? L’union des gauches se révèle très fragile. La dissolution de l’Assemblée nationale, le dimanche 9 juin, les a obligées de s’étendre en se mettant rapidement d’accord sur une série de mesures vigoureuses de relance économiques et de justice sociale et fiscale. L’urgence électorale passée, la querelle de leadership entre le LFI et le PS est venue perturber la nomination d’un gouvernement de gauche. A l’heure où nous écrivons, la confusion règne toujours sur la capacité de l’union des gauches à gouverner. Quoi qu’il en soit, tout gouvernement s’appuyant sur un seul bloc sera très fragile et n’aura que peu de chances de survivre.
Reynolds MICHEL