Violences intrafamiliales : que fait l’Education Nationale ?

LIBRE EXPRESSION

Il n’aura échappé à personne que le récent drame de la Possession est d’abord et avant tout une violence intrafamiliale. Le fait qu’elle ait sauvagement débordé sur la société réunionnaise ajoute à l’abomination mais n’en change pas fondamentalement la nature. C’est à nouveau un homme jaloux qui, dans sa propre famille, a tué une femme et une fillette. Mais il ne s’agit pas d’une violence conjugale car c’est à sa propre mère que Jean Abraham Boméla a ôté la vie. Selon ses dires, il ne supportait plus qu’elle accueille encore à leur domicile une petite cousine. Qu’un adulte de trente-neuf ans puisse identifier une petite fille de cinq ans comme une rivale « mortelle » est le signe d’une immaturité affective gravissime. Seuls les petits garçons voient les petites filles comme des adversaires. Quel qu’ait été son parcours de vie, on peut soupçonner que même si la ou les personnes qui en avaient la charge ont élevé Jean Abraham du mieux qu’il leur était possible, celui-ci n’a pas du tout appris à gérer ses frustrations. De sorte que — il vient de le prouver — la seule loi qu’il connaisse est celle de son désir. A ses yeux elle prime sur celle que, par ailleurs, nul n’est censé ignorer. On pourrait ainsi dire que cet homme n’a pas été éduqué au sens où ses interactions avec les adultes durant l’enfance ne l’ont pas amené à « sortir du pulsionnel » alors qu’il s’agit d’une condition impérieuse pour trouver sa place et son équilibre au sein de la société.

Autrement dit l’éducation est la clé. Si elle est défectueuse nous allons à la catastrophe. Or le rapport éducatif pose sérieusement problème dans nos sociétés. A la toute-puissance spontanée de l’enfant s’oppose en général la volonté de domination de l’adulte qui entend alors asseoir son autorité. C’est donc un rapport de force où l’un s’efforce d’imposer sa volonté à l’autre, ce qui, à divers degrés, est toujours une violence. Et sans du tout mettre en cause les « éducateurs » qui ont vu grandir Jean Abraham puisque nous parlons là d’un phénomène de société, sans du tout chercher à excuser ce dernier, on peut penser que c’est cette violence que le meurtrier de la Possession a appris durant son enfance, c’est cette violence qu’il a pris pour modèle, c’est cette violence dont il a pris l’habitude.

Cette domination adulte sur l’enfant qui nous semble normale, anodine et même saine ne l’est pas du tout, et cela se voit précisément quand l’enfant lui fait miroir. Car celui que l’on soumet par la force tentera de dominer par la force dès que l’occasion se présentera.  C’est l’irrésistible contagion mimétique de la violence qui s’observe dans les familles comme au niveau des nations. La violence de l’un(e) devient le modèle de l’autre — on parle alors de réplique. Mais très vite, il n’y a plus que des répliques, et comme chacun veut avoir le dessus, c’est l’escalade, avec montée aux extrêmes.

L’éducation doit cesser d’en être un vecteur. Elle doit de toute urgence devenir un authentique facteur de prévention, ce qui suppose de se tenir radicalement à l’écart du rapport de force et d’être par conséquent un modèle de respect dans son rapport à l’enfant et, en particulier, l’élève. C’est peu de dire que nous en sommes loin. La famille peut bien être défaillante sous ce rapport mais l’école ne le peut pas.  Elle ne le doit pas car sa mission est justement d’éduquer, pas seulement d’instruire.

Luc-Laurent Salvador

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