LIBRE EXPRESSION
Lettre ouverte à Monsieur le Préfet, représentant du pouvoir central français.
Ne vous contentez pas d’arroser les grands arbres, ils ont des racines profondes et savent résister à la sècheresse. Sur un territoire malmené et défriché, il faut repeupler avec de jeunes arbres qui, pour grandir, ont besoin d’eau. Contre 300 malheureux millions d’euros d’exportation nous importons, à La Réunion, plus de 5 milliards ! Voilà un déséquilibre digne d’un pays sous développé. Voilà une situation que ne devrait pas accepter la Mère patrie.
Voilà le principal responsable de l’excès d’inégalité sociale, de chômage et de pauvreté. Un milliard et demi d’aide publique dont une part importante est destinée à des entreprises extérieures, ce n’est pas à négliger. Mais, pour redresser la situation économique de cette région, pour ne plus investir à fonds perdus, il nous semble que le pouvoir central aurait tout intérêt à rééquilibrer cette économie. Et, pour cela, il est nécessaire de développer l’activité locale, seul moyen permettant d’atteindre le plein emploi, d’augmenter les exportations et de réduire les importations.
On ne comprend pas qu’un territoire au fort potentiel agricole, énergétique, touristique, etc., ne parvienne pas à réduire son déficit économique et social. Il est vrai que les consommateurs réunionnais réclament le libre accès aux produits étrangers et que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) exige la libre circulation des produits. Mais La Réunion pourrait produire localement, au moins 50% de ce qu’elle importe (produits agricoles frais, en conserve, transformés, produits manufacturés, etc.). Et, pourquoi ne pas étendre à La Réunion la campagne hexagonale récente sur le thème : « Nos achats sont nos emplois » ? Il ne faut pas oublier non plus que même l’OMC dispose de clauses de sauvegarde lorsque l’équilibre économique d’une région ou d’un secteur d’activité est menacé.
L’augmentation progressives des taxes à l’importation permettrait, au moins en partie, d’aider les entreprises locales naissantes. Pour être efficace dans cette affaire du développement socio-économique de l’ile de La Réunion, il ne s’agit pas de s’appuyer uniquement sur la commande publique, même si elle peut jouer un rôle. L’essentiel est ailleurs. Les facteurs de blocage ou de frein du développement de l’ile sont structurels et politiques. En effet, ce territoire éloigné de l’hexagone, n’est pas géré comme devrait l’être une petite région isolée au milieu de l’océan Indien.
Aucun territoire au Monde ne peut se développer sans rapports privilégiés avec ses voisins les plus proches. Développer des échanges équilibrés permet, dans ce cas, une complémentarité économique et sociale bénéfique et durable. L’applications de lois et de pratiques européennes dans cette région très particulière de l’hémisphère Sud, paralyse grandement cette indispensable intégration dans un univers socioéconomique totalement différent. Là sont, à mon sens, les priorités. Et c’est ensuite, seulement, que devrait être recherchées des passerelles permettant de dialoguer de manière conviviale avec la mère patrie. Les deux parties ont d’ailleurs tout à gagner avec ce nouveau modèle de rapports.
La Réunion deviendrait alors un pont privilégié entre deux parties du Monde différentes mais complémentaires. Ainsi, un pas de plus vers une meilleure compréhension par l’Europe des spécificités culturelles économiques et sociales de cette partie du Monde, pourrait être franchi. Par les temps troublés que nous connaissons, cet argument, me semble-t-il, n’est pas à négliger.
François-Michel Maugis
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