LIBRE EXPRESSION
« Proposition n° 3 : En amont d’une consultation relative à l’évolution institutionnelle (article 73 de la Constitution) ou à l’évolution statutaire (article 74 de la Constitution) d’un DOM, organiser une campagne d’information permettant d’éclairer véritablement le choix des électeurs. »
Extraite du Rapport d’information n° 519 (2008-2009) de M. Éric DOLIGÉ, cette proposition de la Mission d’information commune sur la situation des DOM garde toute son actualité et ce, d’autant plus que le calendrier des réunions prévues entre l’Etat et les Présidents des Départements et Régions d’Outre-mer signataires de l’Appel de Fort de France est désormais fixé. Les réformes constitutionnelles annoncées pour fin 2023/début 2024 constitueront une opportunité historique pour notre péi de sortir enfin d’un statu quo institutionnel aux antipodes d’une gouvernance territoriale adaptée à nos spécificités.
Il ne fait aucun doute que la réflexion en cours pour les collectivités de France hexagonale et d’outre-mer va dans le sens d’un net renforcement de la démocratie locale. Tôt ou tard, les Réunionnais.es seront donc appelé.e.s à se prononcer sur des choix institutionnels et/ou statutaires fondés sur les articles 72, 73 ou 74 de notre Constitution, ou peut-être même sur un statut « à la carte ». Nous n’en sommes pas encore là et il nous faut anticiper et préparer ce qui pourrait être un bel exercice de démocratie participative.
Pour dépassionner le débat sur la question statutaire, il nous a paru important de proposer ici un cadre permettant aux Réunionnais.es de disposer d’une information bilingue claire, accessible et objective tant sur les options offertes par les articles constitutionnels cités plus haut, que sur leurs conséquences juridiques, sociales et économiques. En ces temps de désinformation, informer, expliquer, faire preuve de pédagogie, c’est d’abord répondre aux attentes citoyennes mais aussi tourner la page des craintes et peurs entretenues, du chantage au largage…et de l’amalgame entre autonomie et indépendance.
Force est de constater que la société réunionnaise est toujours tenaillée par la peur et le syndrome de l’abandon, sentiments qui ont été et seront de nouveau instrumentalisés lorsque le temps du débat statutaire viendra. Tout a été dit sur l’amendement Virapoullé : symbole d’une politique d’infantilisation qui perdure et nous relègue au rang d’ « incapables majeurs », il est aussi la marque d’un incommensurable déni de citoyenneté. Dans ces conditions, le retour au droit commun statutaire s’impose avec la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution et la création d’un Congrès des élus régionaux et départementaux.
L’organisation d’une large campagne d’information fondée sur un travail d’explication et d’explicitation de notions juridiques suppose la création d’instances citoyennes ad hoc, l’accompagnement des institutions étatiques, des collectivités territoriales, d’une autorité administrative indépendante et des organismes consultatifs concernés…et l’élaboration d’un plan global d’information. Cette architecture citoyenne se présente comme suit :
- Création d’une « Commission réunionnaise d’information sur les statuts » (CRIS) (1) : totalement indépendante, elle est composée de constitutionnalistes, juristes ou apprentis-juristes (2), et sera chargée d’élaborer des contenus informatifs bilingues relatifs aux questions institutionnelles et statutaires à diffuser sous tous les formats appropriés (affiches, encarts, capsules vidéo, podcasts…)
- Création d’une convention citoyenne ou d’un Conseil consultatif citoyen dédié fondé sur la démocratie participative et inclusive : cette instance adresse à la CRIS toutes propositions ou remarques utiles pour l’adaptation et/ou la pertinence des divers contenus informatifs destinés au public réunionnais et veille au bon déroulement et à la mise en œuvre opérationnelle de la campagne d’information.
- Elaboration d’un plan territorial d’information : à l’échelon régional, intercommunal et communal et dans le cadre de partenariats avec l’Université de la Réunion (3), les médias publics, privés ou associatifs, associations de quartier, citoyennes … il permet l’organisation et la diffusion de la campagne d’information sous diverses modalités et par les différents canaux (Plateforme numérique, réseaux sociaux, réunions publiques, sobatkoz, ronn kozé…) …
En guise de conclusion de la présente note, nous ferons nôtre l’analyse d’Antoine Karam, ancien sénateur de Guyane :
« …La vitalité de nos territoires produit des mutations étonnantes qui, malgré des inégalités patentes, insufflent une énergie singulière à nos sociétés quand il s’agit de penser un savoir-vivre ensemble. Aussi, entre les craintes des uns, les fantasmes des autres, notre responsabilité d’élu est de dépassionner ce débat et d’en reposer les enjeux. Un statut à la carte n’est ni un préalable, ni une fin en soi mais un moyen politique et constitutionnel pour privilégier des relations fondées sur un partenariat gagnant-gagnant sincère, accepté et reconnu entre la France, l’Europe et la Guyane… » (4)
(1) Pour garantir l’indépendance et l’impartialité de la CRIS, il est indispensable dans un premier temps de la placer sous l’égide d’une assemblée consultative (CESE/CESER) ou d’une autorité administrative indépendante (CNDP)
(2) Etudiants en 1ère année de Licence en Droit, en Master de Droit public (1ère et 2ème année) et Doctorants
(3) Etudiants en Master Information et Communication dans le cadre de la communication institutionnelle ; Etudiants en Licence professionnelle Métiers de la communication dans le cadre d’un projet tutoré
(4) Outremers 360 Tribune d’Antoine Karam : « 20 après la Déclaration de Basse-Terre, formalisons notre droit à la différence »
Michaël Crochet
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.