Entre 2015 et 2022, La Réunion a enregistré une augmentation annuelle de 3 % de personnes diabétiques. Des chiffres records, plaçant l’île en top 1 au niveau national. Comment s’échapper de ce fléau invisible ? les édulcorants, la solution miracle ?
« Ça fait 15 ans que je suis diabétique de type 2[1]. J’aimais le sucre, et je l’aime encore aujourd’hui. Au début, j’ai dû me forcer à arrêter de grignoter, arrêter les glaces, les sodas. Le plus compliqué pour moi, c’était de boire mon café sans sucre », ce témoignage est celui de Radiesse habitante de Saint-Pierre.
Les Réunionnais confrontés par un tel quotidien, rythmé par la rigueur et le contrôle, se font nombreux. Les chiffres de l’ARS le démontrent bien, 14% des Réunionnais seraient touchés cette année par le diabète de type 2. Des personnes diabétiques conscientes de leurs maladies, et d’autre encore non comptabilisées le découvrant. L’association Diabète Soleil de Saint Pierre, ainsi que la clinique Omega du Port réalisant des actions de dépistage affirment toutes deux une hausse de personnes qui découvrent leurs taux de glycémie élevé lors de ces journées.
Mélanie Moutaye, diététicienne-nutritionniste chez Omega, expose l’origine de ce fléau, « le diabète aujourd’hui peut venir de la sédentarité, on bouge moins, on fait moins d’activité physique, il y a également une alimentation plus dirigée vers les produits ultra-transformés, et puis, il y a l’hérédité aussi. »
Malgré cette possibilité de transmission de la maladie, celle-ci n’est en aucun cas une fatalité. Elle explique : « On peut tenter de contrôler, voire de limiter les risques, avec une bonne hygiène de vie, soit une activité physique régulière, et un rééquilibrage des assiettes ».
Des entreprises engagées dans la lutte contre ce fléau ?
Il a fallu que le législateur s’empare du sujet pour favoriser l’alimentation plus équilibrée que préconise Mélanie Moutaye, et oblige ainsi les industries alimentaires à respecter de nouvelles normes.
Le 4 juin 2013, la loi Victorin Lurel a été mise en place afin de garantir la qualité de l’offre alimentaire en Outre-mer. Elle vise à réguler les taux de sucre de certaines denrées et à interdire la vente d’un produit national vendu plus sucré à La Réunion.
Cette loi semble aujourd’hui être bien assimilée par les industries réunionnaises telles que Les Brasseries de Bourbons ou encore Danone Réunion.
L’entreprise Danone Réunion, sans souhaiter développer son propos, finit par confirmer s’en tenir aux ordres : « Ce n’est pas nous qui décidons des taux de sucre, tout est décidé par l’industrie Danone. En plus avec la loi Lurel, nous, on les suit. ». L’entreprise locale semble simplement s’en tenir aux directives de sa multinationale.
Du côté des boissons rafraîchissantes le message s’accorde également avec la loi. Véronique Rondel, responsable corporate, affirme que les Brasseries de Bourbon, ont modifié les recettes de Coca-Cola depuis 2021 : « On a fait un mélange de sucre et d’édulcorants, on est passé à 7 g de sucre, ce qui nous place en dessous des taux de la métropole ».
L’industrie dit aujourd’hui s’engager dans la lutte contre le diabète à travers ses investissements dans ses gammes « sans sucre », ainsi que dans ses campagnes publicitaires et de sponsoring « On investit et on développe le sans-sucre avec notre gamme de Fanta ou encore notre marque de thé glacé. […] Pour Coca-Cola, notre produit le plus vendu et le plus connu, c’est toujours la gamme « sans sucre » qui est mise en avant dans les opérations de communication. […] Il nous arrive parfois même d’organiser des dégustations à l’aveugle pour prouver qu’il n’y a pas de perte de goût avec le Coca-Cola zéro ».
La Cilam (Yoplait), les sodas COT, et Mascarin n’ont pas donné suite à nos sollicitations à l’heure du bouclage de cet article.
« Les édulcorants, c’est très mauvais »
Une gamme faible en sucre et riche en édulcorants relève d’une stratégie controversée pour limiter le diabète. Micheline Nayagom, infirmière retraitée et membre de l’association Diabète Soleil, dit : « Les édulcorants, comme l’aspartame, c’est très mauvais, quitte à manger sucré il vaut mieux manger le sucre même, ou bien prendre de la stévia ». Radiesse, elle aussi, partage cet avis : « Au début de ma maladie, j’achetais le zéro-sucre, mais j’ai vite arrêté, le goût est différent, et puis je préfère éviter tous ces édulcorants. À la place, je limite ma consommation de sucre ».
Des avis négatifs que partage la diététicienne-nutritionniste Mélanie Moutaye : « Pour moi, les édulcorants sont une technique de vente pour les industries. On ne peut pas dire que le Coca zéro soit mieux. Les édulcorants qu’il contient ne sont pas une solution miracle. Pour une personne diabétique, accro au sucre, cela peut être une alternative, dans la mesure où son pancréas est déjà affecté, et qu’elle prend des médicaments pour réguler. Mais pour les non-diabétiques ces édulcorants peuvent être plus dangereux que le sucre, car ils risquent de provoquer des effets d’hyperinsulinisme sur le pancréas ».
Urvashi Véléchy
[1] Le diabète de type 2 comparativement au diabète de type 1 apparait surtout à l’âge adulte et est le plus fréquent. Il est lié à une baisse de sensibilité des cellules à l’insuline, une hormone du pancréas qui a pour rôle de faciliter la pénétration du glucose dans les cellules. Cela génère une demande accrue en insuline, et les cellules du pancréas en produisent davantage, pouvant aller jusqu’à épuisement. Cette forme de diabète est aggravé par les problèmes d’obésité et de surpoids. (cf. les sites du Ministère de la Santé et de l’accès au soin ainsi que l’assurance maladie_ https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/article/diabete / https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/diabete-adulte/diabete-comprendre/definition )
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