La Réunion en retard pour surmonter le handicap

CHRONIQUE DANS LE NOIR

Personnes handicapées à La Réunion : un combat pour la dignité et l’inclusion. Depuis la loi du 11 février 2005 sur le handicap, la France s’est dotée d’un texte législatif majeur visant à assurer l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cependant, près de vingt ans après son adoption, l’application de cette loi demeure partielle dans de nombreux territoires. Mais qu’en est-il de la Réunion ! 

 À La Réunion, département d’outre-mer français, la situation est particulièrement préoccupante. 

 Beaucoup de personnes handicapées témoignent d’un sentiment d’exclusion et d’un retard criant en matière d’accessibilité, d’insertion professionnelle et de changement de regard sociétal. 

Que prévoit réellement la loi du 11 février 2005 ? 

La loi du 11 février 2005 prévoit des avancées majeures pour les personnes en situation de handicap, dont :

L’accessibilité universelle des bâtiments publics, des transports et des établissements recevant du public.

La scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants handicapés, dans la mesure du possible.

L’insertion professionnelle , avec l’obligation pour les entreprises de plus de 20 salariés d’embaucher un quota de personnes handicapées (ou de verser une contribution à l’AGEFIPH 

La compensation du handicap , assurant le droit pour chaque personne handicapée de bénéficier d’aides humaines, techniques ou financières.

2025 la loi est-elle respectée ? 

Malgré ces dispositions, l’application de la loi se heurte à des obstacles pratiques, financiers et culturels. Les délais de mise en conformité ont été prolongés à plusieurs reprises, et la majorité des établissements, notamment dans les communes ultramarines, reste loin des exigences d’accessibilité. 

Un retard plus marqué à La Réunion !

 

À La Réunion, le sentiment d’exclusion des personnes handicapées s’explique par plusieurs facteurs : 

Un manque d’infrastructures adaptées :

      •     Les trottoirs et les rues sont souvent mal aménagés ou encombrés, rendant la circulation en fauteuil roulant difficile, voire dangereuse.

      •     Les bâtiments publics, les établissements de santé ou d’enseignement ne disposent pas tous d’accès adaptés (rampe, ascenseur, toilettes accessibles…).

Un transport collectif inadapté : 

      •     Certaines lignes de bus ou car n’ont pas de dispositifs d’embarquement pour les fauteuils roulants ou absence de la bande sonore pour les aveugles. 

      •     L’accompagnement et la formation du personnel pour l’aide aux personnes handicapées restent insuffisants. 

Le manque d’adaptations dans la vie professionnelle :

      •     Trop peu d’entreprises se mobilisent pour embaucher ou maintenir en poste une personne en situation de handicap, craignant des aménagements jugés coûteux.

      •     La méconnaissance des dispositifs d’aides et la persistance de préjugés freinent l’emploi. 

Des délais administratifs et un manque de soutien :

      •     Les démarches pour obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), des aides techniques ou un accompagnement humain peuvent être longues et complexes.

      •     Les structures de réinsertion professionnelle et les associations manquent souvent de moyens, et la coordination entre elles est parfois défaillante. 

Un regard social encore trop jugeant :

      •     Les préjugés et la stigmatisation pèsent lourd. Certaines personnes handicapées ressentent une forme d’ignorance, voire de rejet, de la part de leurs concitoyens.

      •     Le handicap demeure parfois tabou dans certaines familles ou communautés, renforçant la solitude et l’exclusion. 

Le ressenti des personnes handicapées : solitude et abandon Face à ces difficultés multiples, beaucoup de personnes handicapées à La Réunion estiment que « rien ne change » et que les promesses politiques ne se traduisent pas en actes concrets. 

Le sentiment d’isolement s’accentue lorsque l’accès à l’information, à l’éducation, à la formation et à l’emploi est entravé par des barrières architecturales ou sociétales. 

Un quotidien compliqué : Chaque sortie, chaque démarche administrative ou médicale peut s’avérer être un parcours du combattant.

Un manque de reconnaissance : Les efforts individuels pour étudier, travailler ou avoir une vie sociale ordinaire semblent peu soutenus . 

Les infrastructures ne sont pas à la hauteur, et les regards condescendants ou apitoyés rappellent au quotidien la différence. 

Une lassitude face aux promesses non tenues : Les personnes handicapées se sentent peu entendues, malgré les initiatives associatives ou certains discours politiques. Le fossé se creuse entre le discours officiel sur le handicap et la réalité du terrain. 

Pistes d’amélioration

Malgré ces constats, des leviers existent pour engager une dynamique positive et renforcer l’accessibilité globale :

      •     Établir un diagnostic précis et complet de l’accessibilité sur l’île (bâtiments, transports, espaces publics).

      •     Mettre en place un plan d’action concret, chiffré et respectant des échéances précises, sous la responsabilité des pouvoirs publics locaux.

      •     Accompagner les acteurs économiques et les collectivités dans la mise aux normes, via des aides financières et techniques. 

Sensibiliser et former

      •     Faire évoluer les mentalités grâce à des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les entreprises et les médias locaux.

      •     Former les professionnels (accueil, commerce, tourisme, fonction publique) pour adopter les bons réflexes et comportements face à un client, un usager ou un collègue handicapé. 

Développer l’accompagnement humain et administratif

      •     Améliorer la coordination entre les différents organismes (MDPH, associations, acteurs de l’insertion professionnelle).

      •     Simplifier et accélérer les démarches administratives, tout en garantissant un suivi individualisé. 4. Favoriser l’inclusion en milieu scolaire et professionnel :

      •     Encourager la scolarisation dans les établissements ordinaires avec un accompagnement adapté (AVS/AESH, matériel spécifique).

      •     Soutenir financièrement et techniquement les entreprises qui embauchent des personnes en situation de handicap.

      •     Mieux faire connaître les dispositifs d’aides aux employeurs (adaptation de poste, subventions, exonérations…).

Promouvoir la culture du handicap

      •     Valoriser les parcours de réussite des personnes en situation de handicap dans les médias locaux.

      •     Encourager les initiatives sportives, culturelles et artistiques qui mettent en lumière les talents de chacun, sans discrimination. 

Un appel à la solidarité et à l’action

Le ressentiment d’une personne handicapée à La Réunion qui se sent exclue et abandonnée trouve ses racines dans des retards structurels et un manque de volonté politique suffisamment ferme. Pourtant, la loi du 11 février 2005 constitue une base solide pour lutter contre l’inégalité et promouvoir l’accessibilité universelle.

Il est impératif que les collectivités locales, l’État, les associations et chaque citoyen s’engagent dans une démarche active de respect des droits et de dignité des personnes en situation de handicap. La prise de conscience collective , l’application rigoureuse des normes, la sensibilisation et l’accompagnement de chacun sont autant de clés pour briser cet isolement et permettre à chaque personne handicapée de vivre pleinement, dans la dignité et le respect.

En somme, si la situation reste difficile pour bon nombre de Réunionnais handicapés, des solutions existent. Elles nécessitent une véritable volonté politique, un suivi constant des actions menées et une mobilisation sociale pour faire de l’inclusion un fait, et non plus seulement un idéal ou une promesse.

Jean-Philippe Sévagamy

(Contribution bénévole)

Situation du handicap à La Réunion

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.

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