Suite à l’incendie survenu dans la nuit de vendredi à samedi au collège Terrain Fayard, l’équipe pédagogique se mobilisait ce lundi matin 2 juin pour demander plus de moyens et l’intégration dans le réseau d’éducation prioritaire REP+.
Dans la nuit du vendredi 30 mai dernier, plusieurs salles de classes et infrastructures du collège Terrain Fayard ont été incendiées. Un acte criminel qui a soulevé dans le quartier et la société, une vague d’indignation. Les politiques se sont empressés de surfer sur cette actualité n’hésitant pas à « condamner fermement ces attaques », à demander de « la fermeté et de la répression ».
Loin de ces déclarations politiques, l’équipe éducative du collège se mobilisait ce lundi 2 juin lors d’une grève devant les portes de l’établissement. Les professeurs ont fait jouer leur droit de retrait face à une situation exceptionnelle et particulière. Professeure d’espagnol et représentante syndicale SNES-FSU, Valérie Huet explique que ce rassemblement est « en soutien au collègue qui habite à l’intérieur et qui était en première ligne lors de l’incendie ».
Face à une situation de violence extrême, elle demande « plus de moyens au rectorat et à l’Etat » avec notamment « un passage de l’établissement en REP + » alors qu’aujourd’hui il est en zone REP.
Qu’est ce que le réseau d’éducation prioritaire ?
Mis en place en 2014, les Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP) visent à corriger les inégalités scolaires là où elles sont les plus ancrées, en renforçant l’accompagnement des élèves dans les quartiers défavorisés.
Héritiers des ZEP (Zones d’Éducation Prioritaire) lancées en 1981, les REP marquent un tournant : ils s’organisent désormais en réseaux autour d’un collège et des écoles qui en dépendent, avec des moyens ciblés et un encadrement plus structuré. En REP+, dispositif encore plus soutenu, les enseignants bénéficient de temps de concertation supplémentaire et de classes à effectifs réduits. L’ambition est claire : offrir à tous les élèves les mêmes chances de réussir, quel que soit leur environnement social.
Le choix d’intégrer un établissement au réseau d’éducation prioritaire, se fait sur la base d’un « indice social » : taux de catégories socioprofessionnelles défavorisées, taux d’élèves boursiers, taux d’élèves résidants dans un QPV ( quartier prioritaire de la politique de la ville ) ou encore le taux d’élèves redoublant avant la 6eme.
Des indicateurs sociaux dans le rouge
Pour Valérie Huet, le passage du collège Terrain Fayard en REP + est une priorité alors que « la majorité des élèves sont dans une grande précarité sociale et économique ». Selon la représentante syndicale, « les indicateurs sociaux sont au rouge » et l’équipe scolaire a besoin de plus de moyens humains mais aussi de moyens financiers.
Elle alerte notamment sur un manque criant au sein des équipes sociales avec seulement deux infirmières qui tournent sur plusieurs établissements et la présence d’une seule assistante sociale pour gérer les situations des 765 élèves.
« Aujourd’hui, on enregistre des IP (informations préoccupantes) chaque jour et nous n’avons plus le temps ou les moyens de s’en occuper ». Elle alerte sur les nombreux cas d’élèves qui sont en grande difficulté chez eux, certains n’ayant pas mangé parfois depuis la veille, ceux qui parfois dorment dehors faute de parent présent.
Plus d’argent et plus de temps
Valérie Huet demande donc plus de temps, pour dialoguer avec les familles, écouter les enfants lorsqu’ils racontent leurs difficultés. « On demande aux professeurs de travailler toujours plus, de jouer plusieurs rôles » explique la professeure.
Déjà en février 2024, l’équipe pédagogique avait alerté, dans un courrier de six pages, le rectorat sur les difficultés matérielles et logistiques rencontrées au collège Terrain Fayard. Un courrier resté lettre morte. Pourtant, « l’Etat et le recteur ont les cartes en mains » même s’ils se défendent en expliquant qu’il faudrait revoir toute la carte scolaire. Une affirmation démentie par le député Frédéric Maillot venu soutenir la mobilisation alors qu’un « simple décret suffirait ».
Deux autres collèges des environs sont eux classées en REP+ et selon la représentante du SNES-FSU, ils ne rencontrent pas les même problématiques. Jointe par téléphone, Yasmine Letourneux, enseignante au sein de l’établissement décrit une équipe pédagogique motivée, des élèves heureux de venir en classe mais un manque criant de moyens : « il n’y a plus de locaux pour faire de l’EPS donc les enfants font cours en plein soleil et le professeur dédié est obligé de ramener des parapluies pour protéger les élèves ».
« Pour vous dire à quel point on manque de tout, il y a trois semaines, j’ai reçu 26 ardoises VELEDA que j’avais commandé il y a deux ans ».
« Pour que l’école joue son rôle d’ascenseur social »
Dans une école où près de 70% des élèves sont d’origine mahoraise, Yasmine Letourneux alerte sur une stigmatisation toujours plus présente de cette communauté. Elle dénonce les prises de parole des politiques qui se sont empressés de lier délinquance et immigration dans certains propos. « Au lieu de se focaliser sur le fait que les jeunes soient mahorais ou autre, c’est le problème social qu’il faut régler. »
La professeure regrette que le manque de moyens au sein de l’établissement ne permette plus aux élèves d’avoir de réelles perspectives d’avenir à part pour les plus brillants. « On a besoin de moyens pour que l’école puisse remplir son rôle d’ascenseur social » explique-t-elle.
De nombreux projets culturels ont d’ailleurs dû être annulés depuis le début de l’année et la fin du « Pass culture ». Une vraie problématique qui empêche les équipes du collège de faire sortir les jeunes de leur quartier. Dernièrement, l’équipe féminine de football du collège a dû se débrouiller seule pour trouver les financements pour pouvoir participer à un tournoi dans l’hexagone.
« Elles se sont débrouillées pour récupérer assez d’argent. Elles sont résiliantes et battantes, comme le quartier de Fayard » nous dit Yasmine.
Maintenant, encore une fois, la balle est dans le camp du rectorat dont le représentant est attendu ce mardi matin par toute une communauté.
Olivier Ceccaldi
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