chenille pour la chronique de Gigi

Les souvenirs de Mami Gigi : La chenille (1970)

LIBRE EXPRESSION

La seule aventure digne d’être notée cette année là, se déroule dans la salle de physique chimie du lycée. En cinquième on ne fait pas encore de chimie, c’est pour les grands de première-terminale, nous, on se contente de faire science nat. : au programme, le papillon et sa chrysalide.

Une adorable jeune prof nous propose d’étudier la piéride du chou et nous confie la mission d’aller fouiller dans les potagers entre les feuilles de cette crucifère et d’en rapporter toute chenille que l’on y puisse trouver. J’étais bien embarrassée, car depuis ma cité, pas l’ombre d’un chou en vue !

Par chance, mes parents avaient gardé quelques contacts avec des ex-voisins du bled à qui il était prévu de rendre visite cette semaine justement. Me voici donc à chercher la chenille dans les choux. Je n’en dégottai qu’une, et encore pas bien grosse, que je rapportai fièrement.

Mes camarades aussi en avaient trouvé, qui dans le potagers de leurs grands parents aux faubourgs de la ville, qui dans le quartier des maraîchers.

Notre enseignante porta un vif intérêt à ma chenille, qui me fit la honte d’être deux fois plus petite que les autres et de couleur plus terne « c’est ptêt un bébé ! » que j’ai suggéré pour la défendre. « Pas sûr ! » répondit Madame « mais on verra bien ! Je vais la mettre à part ».

Sur ce, elle l’installa dans un insectarium pour elle toute seule. J’étais consternée de voir ma chenille en quarantaine, mais la suite fut encore plus épouvantable.

Alors que celles de mes camarades se transformaient doucement en chrysalides, la mienne mourut, mangée de l’intérieur par un insecte qui sorti de son cadavre.

La prof était toute excitée par cette expérience et fit des recherches jusqu’à ce qu’elle trouve le nom du parasite de la piéride du chou, nom que je me suis bien gardée de retenir…quelle horreur ! Elle me redemanda où je l’avais trouvée et comprenant que cette histoire commençait à me stigmatiser par rapport au groupe, elle déclara : « c’est tout à fait rassurant de savoir qu’à 30 km de la ville, il y a encore des endroits ou l’équilibre naturel permet de se passer d’insecticide ! »

Je n’ai pas osé lui dire que je connaissais le formidable balancier qui avait maintenu cet équilibre pendant au moins 4 décennies tandis que me revenait quelques unes de ses paroles :

– Méfiez vous donc d’une pomme dont même les asticots ne veulent pas !

-On ne récolte pas tous les fruits d’un arbre, il faut en laisser pour le Sauvage*.

-Même la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a.

Et sa femme d’ajouter à voix basse en direction de mes parents :

-S’il vous plaît, ne prononcez jamais le mot « production » en sa présence, c’est mauvais pour son cœur.

*Par Sauvage, il entendait tous les animaux qui ne sont pas domestiqués, qu’ils soient mammifères, reptiles, batraciens, oiseaux ou insectes, parce que « eux aussi, ils ont un estomac ! Bon sang de bonsoir ! »

Gigi

NDLR : Ces textes, tendrement ou violemment écologistes, sont extraits d’un livre pour lequel Gigi cherche un éditeur.

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