Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.

[Agriculture] 100% La Réunion : un label inconnu mais prometteur

Absente des rayons des supermarchés, la marque 100% La Réunion est toujours quasiment inconnue du grand public, un an après son lancement début 2023. Pourtant le projet vaut le détour et pourrait bien, à l’avenir, contribuer à modifier nos habitudes de consommation alimentaire. Ti pa ti pa, elle pourrait aussi amener des agriculteurs à produire complètement autrement ou des transformateurs à concevoir des produits plus originaux, spécifiques, de meilleure qualité. Tout dépendra de la capacité de la marque, initiée par le Département, à s’ouvrir.

« Nou la fé » ok, mais jusqu’à quel point ? En fait, pour obtenir ce label « Nou la fé », il suffit qu’une seule étape de conception d’un produit soit réalisée à La Réunion. Il peut s’agir simplement du conditionnement. Combien de fois, au supermarché, on a cru qu’on achetait un produit réunionnais ? Idem avec d’autres appellations ou marques comme « Défi », la mention « Produit pays » ou même certains mots (comme « péi », « La Réunion »…) que certains producteurs ou industriels utilisent à tour de bras et qui distillent le doute.

« Même si ce label porté par des industriels est nécessaire, dans les produits « Nou la fé », il n’y a rien de réunionnais, si ce n’est créer de la production et de l’emploi. On met le coca dans une bouteille à La Réunion » estime Serge Hoareau, maire de Petite-Île et vice-président du Département en charge de l’agriculture. C’est lui qui est à l’initiative de la marque 100% La Réunion lancée en 2023 par le Département pour lever cette ambiguïté sur l’origine du produit vendu. Sur l’île, c’est le Département qui détient la responsabilité agricole.

Manger 100% local en 2024, à La Réunion, est une vraie chasse au trésor, comme nous l’avait raconté Gabrielle Hoarau qui s’est lancé le défi pendant 100 jours.

« Le label a été initié lors de la journée de la production réunionnaise, dans le cadre de la fête de l’ail à Petite-Île », raconte l’élu. « On avait évoqué le manque de reconnaissance des produits locaux, on s’était dit qu’il serait bien d’avoir un label pour avoir une meilleur traçabilité du produit. » Certains agriculteurs engagés dans leur démarche ne se retrouvaient pas dans les labels existants.

100% des ingrédients doivent être de La Réunion

Pour le coup, 100% La Réunion est beaucoup plus exigeant. Pour pouvoir prétendre à la marque, il faut que l’ensemble des ingrédients d’un produit transformé soit issu du sol réunionnais. Des contrôles réguliers et indépendants sont menés. « L’idée a été reprise dans Agripéi 2030 », précise Serge Hoareau. « On a fait une étude avant de lancer la marque. On a été voir ce qui se fait ailleurs dans la France hexagonale. Mais, nous, ce n’est pas seulement un produit de terroir qu’on met en avant, ce sont aussi des produits transformés. Pour le foie gras de Sans Souci, par exemple, il faut que le sel utilisé dans la composition et la transformation soit de La Réunion. »

En garantissant la traçabilité, la marque a l’avantage d’écarter les producteurs ou transformateurs malhonnêtes. Comme certains qui tentent, par exemple, dans le cirque de Cilaos, de faire passer leurs lentilles pour des lentilles de Cilaos alors que ça n’en est pas. Ou d’autres, ailleurs sur l’île, qui achètent des piments malgaches et les revendent comme s’il s’agissait de piments réunionnais. Ce sont les deux exemples les plus évidents, bien que peu connus du grand public.

Le label 100% La Réunion en lui-même ne fait pas la distinction entre produit bio ou non. Le Département a donc à la suite créé deux autres marques : 100% La Réunion Bio et 100% La Réunion Excellence pour les produits primés (au Salon de l’agriculture par exemple).

L’ambition est forte et beaucoup reste à construire. « Si vous prenez les confitures, il y a très peu de 100% bio car il existe très peu de sucre bio de La Réunion », fait remarquer Rémi Labedan, chargé de développer la marque au sein du Conseil départemental. « On en trouve quand même un peu car quelques producteurs ont fait un partenariat avec un producteur de cannes bio, ou d’autres fabriquent leurs confitures avec du galabé. »

  • papilles des hauts virginie
  • Le soda zinghi, au bissap, au citron gingembre ou au tangor, labellisé 100% La Reunion (Photo Essentiel et Strategies)
  • Grégoire Gerbith, planteur de curcuma et d'arrow root Plaine des Grègues (Photo Essentiel et Strategies)
  • Flora Malet, pépiniériste à Petite-Île (Photo Essentiel et Strategies)
  • berthe chapelin, maraîchère à la plaine des Palmistes (Photo Essentiel et Strategies)

Un an après le lancement, la marque compte désormais une centaine d’adhérents ainsi qu’un millier de produits. Cette première année a été mise à profit pour aller à la rencontre des producteurs et des transformateurs, afin de proposer au consommateur une offre intéressante. Dans un second temps, c’est la question des débouchés qui se présente et pourra marquer 2024.

Un label est utile quand vous avez coupé le lien avec le producteur

« Vu qu’on a qu’un an d’existence, on ne peut pas dire pour l’instant que ça a eu un impact sur les ventes », reconnaît Rémi Labedan. « Le label est trop jeune et les circuits de distribution sont trop courts pour le moment. Quand le producteur vend ses produits sur un marché, qu’ils aient ou non la marque 100% La Réunion ne change pas grand chose. En fait, un label est utile à partir du moment où vous avez coupé le lien direct avec le producteur. A l’avenir, la marque va offrir un système de distribution qui n’existe pas pour l’instant. »

A l’heure actuelle, on trouve très peu de produits 100% La Réunion dans les supermarchés. Seules quelques marques isolées en proposent comme Tradition 974, Pulpe Mascareignes (jus de fruits), Soleil Réunion (sur une seule gamme).

Chaque adhérent vend son produit labellisé dans son coin : sur un marché, une épicerie fine à Saint-Denis ou celle qui s’est montée à Etang-Salé les Hauts, sur son exploitation etc. En septembre 2023, le Département a rassemblé certains produits sur le stand 100% La Réunion qu’il a tenu au salon Lokal. Il entend réitérer l’expérience au cours des prochains mois, à la foire agricole de Bras Panon notamment, ou via l’organisation de marchés péi. Un tremplin pour certains petits producteurs qui n’ont pas forcément les moyens de payer un stand pour ce genre d’événements.

  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.
  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.
  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.
  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.
  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.
  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.
  • Le label 100% La Réunion au salon Lokal en septembre 2023.

« Le jacque a un vrai potentiel »

L’objectif à moyen terme : ouvrir une boutique, et pourquoi pas un espace de distribution en itinérance sur toute l’île. Pour l’heure, la seule boutique se trouve à Paris !

«La visée est d’avoir une vraie reconnaissance du produit Réunion et du travail du producteur », souligne Serge Hoareau. « Développer les débouchés, en trouver de nouveaux, cela signifiera une meilleure rentabilité pour eux », ajoute Rémi Labedan, le chef de projet.

« On croit beaucoup à tout ce qui est autour du jacque, notamment pour faire des steak végétaux. Le jacque a, en plus, un vrai potentiel à l’export. Je pense aussi à ce qu’on va faire à Bras Panon autour du fruit à pain. »

Le Département vise en premier lieu les touristes qui dépensent en moyenne 200 euros pour des souvenirs lors de leur séjour. « Il faut que cet argent bénéficie à l’économie de La Réunion, que le touriste ne ramène pas des produits de Madagascar en pensant qu’il s’agit de produits locaux », pointe Rémi Labedan.

Gage de qualité à l’extérieur

Le fonctionnaire réalise au cours de ses échanges que la marque est également un gage de qualité à l’extérieur, en France notamment. Des chefs cuisiniers qui achètent le curcuma 100% La Réunion pour être sûrs qu’il ne soit pas mélangé. Des jacques certifiés aux normes françaises et européennes permettent d’éviter l’intoxication alimentaire causée par certains imports… « Mais au départ, on n’avait pas pensé à ce côté exportation », note Rémi Labedan.

Bien qu’issu du monde politique, le label est un véritable outil dont la portée et l’intérêt mérite de dépasser les batailles d’ego, d’alliances ou de stratégies politiques. Un enjeu que pressent Rémi Labedan. « L’objectif c’est que, un peu comme « Nou la fé », la marque soit gérée par les adhérents eux-mêmes, sous forme associative par exemple : faire la promo, organiser des marchés etc. Le Département n’a pas vocation a gérer cette marque ad vitam aeternam. »

Pour aller dans ce sens et stimuler la créativité en mélangeant les productions des uns et des autres, le Département a lancé fin 2023 le « club 100% La Réunion » pour rassembler les adhérents. « ils ont les mêmes problèmes : faire venir des pots en verre ça leur coûte très cher par exemple. Donc peut-être que ça leur permettra de mutualiser les achats pour que ça leur coûte moins cher. » Ça peut aussi permettre de s’orienter à plusieurs vers l’export en réduisant les coûts.

Contrainte par les aléas climatiques, la production réunionnaise 100% locale, bien qu’encouragée, de devrait pas pouvoir évoluer à une taille trop importante. Rémi Labedan conclut : « elle n’est pas compatible avec la production industrielle ».

Jéromine Santo-Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.