LIBRE EXPRESSION
Je suis intervenue en séance publique au Palais Bourbon le lundi 16 janvier 2023, au nom de mon groupe LIOT, au sujet de la proposition de loi initiée par la Sénatrice Valérie Létard et de son groupe de l’Union centriste au Sénat. Ce texte pour lequel j’ai voté favorablement a été adopté en 1re lecture par l’Assemblée nationale. En effet, la prise de conscience autour des violences conjugales s’est accélérée ces dernières années.
Notre arsenal juridique s’est renforcé depuis le Grenelle des violences conjugales et il faut s’en féliciter. Mais reconnaissons que nous en sommes encore aux balbutiements. Malgré le renforcement des mesures, le nombre de victimes et de plaintes continue d’augmenter, preuve que le chemin est encore long. En Outre-Mer, comme dans l’Hexagone, aucun territoire n’échappe à cette terrible réalité de la difficulté d’accompagner au mieux les victimes.
A titre d’exemple, les premiers retours sur les expérimentations pour améliorer l’accès au logement des victimes montrent qu’un nombre encore réduit de territoires s’est saisi des possibilités ouvertes par la loi. Il faut donc faire mieux et vite ! Évidemment, la priorité doit être l’éviction de l’auteur des violences du domicile conjugal. Mais il est parfois plus urgent, voire préférable, de mettre les victimes à l’abri. C’est pour cela que notre groupe appelle le gouvernement à augmenter le nombre de places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale.
En effet, la dépendance économique dans laquelle les victimes se trouvent souvent vis-à-vis de leurs conjoints empêche cette étape essentielle de mise à l’abri. Et cette dépendance se constate quels que soient les niveaux de revenus des personnes. Voilà une des raisons pour lesquelles nous avions plaidé pour la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé. L’indépendance économique est un préalable à toute protection, à toute émancipation.
Aussi, le « dispositif d’avance d’urgence » proposé par ce texte, découle d’initiatives locales, mises en place par certaines CAF et conseils départementaux, qui jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement et la mise à l’abri des victimes. Malheureusement, les prêts sur l’honneur et autres aides accordées par ces structures se trouvent aujourd’hui limités. C’est ce constat qui est à l’origine de cette proposition de loi. Son objectif premier est d’élargir le nombre de personnes concernées actuellement par des aides soumises à conditions de ressources, et de leur garantir une aide immédiate.
Il s’agit aussi de proposer aux victimes un accompagnement social et professionnel adapté, dans ce même objectif d’indépendance économique. Comme je l’avais exprimé en commission, notre groupe est conscient que la forme d’un prêt n’est pas la solution parfaite. Nous considérions toutefois qu’il était une réponse utile pour permettre aux femmes de s’extirper rapidement d’un environnement dangereux. D’autant que le dispositif prenait en compte la situation financière de la personne pour échelonner, voire annuler les différents remboursements.
Aussi, nous ne cachons pas que notre souhait initial était de voter le texte du Sénat de manière conforme. Un vote conforme aurait permis une mise en œuvre immédiate du dispositif. Cela aurait été une avancée, une respiration pour ces femmes, y compris de manière temporaire, le temps de mettre en place un dispositif plus ambitieux. Les députés de la commission des affaires sociales en ont décidé autrement, en adoptant des amendements, réduisant ainsi les chances d’une entrée en vigueur rapide.
Nous en avons pris acte, et avons décidé de nous saisir de cette opportunité pour aboutir à une mesure ambitieuse et consensuelle. Les amendements transpartisans de réécriture permettent ainsi de proposer un prêt ou une aide non remboursable, selon la situation de la victime. Nous nous en réjouissons.
D’autant que celle-ci fait peser la charge du remboursement sur l’auteur des violences, dans la même logique que le texte initial, qui permettait de faire payer l’auteur pour une situation dont il est responsable.
Le débat qui s’ouvre nous permettra toutefois de proposer des pistes d’amélioration à ce nouveau dispositif. Quoiqu’il en soit, notre groupe est convaincu que l’adoption de cette proposition de loi apporte une avancée non négligeable, sans épuiser évidemment les solutions qu’il reste à mettre en place. Et j’en appelle particulièrement au gouvernement : c’est aussi sa responsabilité de l’inscrire au Sénat le plus rapidement possible, pour parvenir à une adoption définitive de ce texte, dans l’intérêt des victimes de violences conjugales !
Nathalie Bassire, députée de La Réunion
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