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[Agriculture] De la terre à l’assiette

LA MAGIE BIO DE LA BANANERAIE DE BOURBON

La Bananeraie bio de Bourbon, nichée au pied des colimaçons à Saint-Leu, est bien plus qu’une simple plantation. C’est un un site magnifique où la nature et l’homme coexistent en parfaite harmonie. Le regard perdu dans un vaste paysage dominant la côte et le son doux du bruissement des feuilles des arbres fruitiers invitent au calme  et à la quiétude.

Là, de pied ferme et le chapeau sur la tête, Olivier Payet attend ses visiteurs pour l’exploration de deux hectares de bananiers où chaque plant est prétexte à des petites anecdotes locales ou échanges d’actualité…au gré des conversations improvisées du groupe. Oui cet agriculteur est un passionné, non seulement de sa terre, mais aussi d’histoire et de cultures de son île,  et il ne tarit pas de gentilles petites provocations du coin de l’œil malicieux. 

Mais, chez les Payet, il n’est pas question de plaisanter quand il s’agit d’environnement car ici, l’agriculture bio n’est pas une simple méthode de mode, mais une véritable philosophie de vie depuis plus de 15 ans. C’est avec dévotion qu’il cultive ces plantes herbacées  refusant les pesticides et les engrais chimiques, même ceux dits « écologiques ». 

Ils préfèrent les méthodes ancestrales, enrichissant le sol avec des composts naturels et protégeant les cultures avec des solutions écologiques comme la plantations d’arbres fruitiers tropicaux aux racines robustes et profondes pour retenir la terre ou encore des pièges naturels contre les charançons.

En cas de virus ou de trop forte pluies, « on fait notre signe de croix »

Katiuscia Payet, son épouse, souligne que  l’agriculture biologique présente plusieurs risques notables. Elle nécessite souvent plus de terres pour produire la même quantité de récoltes que l’agriculture conventionnelle, ce qui peut aggraver la pression sur les écosystèmes fragiles, comme les sols réunionnais. 

De plus, les coûts de production sont généralement plus élevés en raison des pratiques manuelles intensives et des rendements moins prévisibles, augmentant le risque d’années non rentables. 

Enfin, l’absence de traitements conservateurs signifie que les produits biologiques ont une durée de conservation plus courte, ce qui peut entraîner des pertes importantes si les livraisons sont retardées.  

Sur les marchés forains, l’agricultrice note un changement de comportement significatif depuis plusieurs années de la part des acheteurs notamment en ce qui concerne l’apparence des fruits. Aujourd’hui, ces derniers accordent moins d’importance à l’aspect visuel parfait des fruits, souvent tachés, mais privilégient davantage leur goût supérieur. Cette tendance reflète une prise de conscience accrue des qualités gustatives et nutritionnelles de la banane, riche en potassium et en fer, au-delà de leur simple apparence extérieure.

Ainsi les 4500 bananiers plantés représentent environ 50 tonnes/an de bananes dont 70 % sont vendus à la coopératives, 20 % sur les marchés forains et 10 % pour la transformation du produit et l’agro-tourisme.

Quand la banane se décline pour le plaisir des papilles des gourmets

Le terrain accueille également le laboratoire de 20 m² où Mme concocte ses confitures délicieuses et originales tels que banane-chocolat, banane-passion ou encore banane-tangor confits, élue meilleure confiture des outre-mer à la Foire agricole de Bras-Panon.

2 500 bocaux de confitures par an sont produis. Nombre qu’il faut multiplier par 3 quand se tient le Salon de l’Agriculture à Paris. C’est pour la 6ième fois  consécutives que les époux  Payet partagent leurs produits sur le Stand de la Réunion iIe Intense où sont présentés les meilleurs produits de La Réunion. Il faut ici signaler que le confiture banane/papaye/passion a été médaillée dans l’Hexagone en 2023.

Mais le produit phare de la transformation du fruit en entier (avec sa peau) est une invention tout-à-fait surprenante…la farine de banane. Sans gluten, moins compacte que la farine de blé, cette poudre légèrement sucrée se prête volontiers à tous les mets sans avoir à y ajouter des œufs, du lait ou de la gélatine…pour le bonheur des gourmets végans. Il est important également de préciser que certaines parcelles sont mises à disposition d’apiculteurs qui ainsi récoltent du miel bio que l’on retrouve dans les produits dérivés.

Ainsi tout est pensé à la bananeraie pour une autosuffisance alimentaire avec très peu d’intrants de denrées.

La fibre de banane, un secteur en devenir à La Réunion

La fibre de banane, extraite des troncs des bananiers, est une alternative écologique et durable aux fibres synthétiques. Biodégradable et renouvelable, elle utilise des sous-produits agricoles, réduisant ainsi les déchets. 

Légère, douce, mais extrêmement résistante, elle possède une excellente capacité d’absorption de l’humidité et est naturellement antibactérienne. Utilisée dans les textiles, vêtements, accessoires, articles de décoration et applications industrielles, sa polyvalence est remarquable. 

Avec la demande croissante pour des matériaux durables, la fibre de banane est bien positionnée pour devenir un pilier de l’industrie textile écologique. Les innovations dans les techniques de production promettent de renforcer son rôle dans un avenir plus vert et responsable.

Un appel fort aux institution pour un accompagnement en faveur d’une agriculture vertueuse à La Réunion

C’est la raison pour laquelle Katiuscia Payet souhaite se former hors de la Réunion, car il n’y a pas de formation de ce type localement, et lance un appel aux institutions compétentes pour être accompagnée dans ce secteur innovant qui suppose, outre des études d’extraction et de traitement de la fibre, du matériel coûteux qui pourrait bénéficier des financements européens spécifiques.

A ce titre, les époux PAYET pourraient continuer de développer la bananeraie sur les 10 hectares restant de leur exploitation, et à grande échelle, afin de proposer cette fibre végétale dans une agriculture vertueuse et ce à plusieurs titre et ainsi créer des emplois directs locaux.

« Pour continuer à nous développer nous avons besoin d’être accompagnés par les institutions et ainsi créer des emplois locaux » (Katiuscia Payet)

La banane est le seul fruit pour lequel on connaît une autosuffisance à La Réunion, contrairement à l’ananas qui est importé pour les besoins de la population.

C’est un fruit écologique à part entière :

Tout d’abord, elle met l’accent sur la préservation et l’enrichissement des sols, en utilisant des pratiques qui augmentent la matière organique et restaurent la biodiversité, comme le fait l’agriculture régénératrice.

Ensuite, elle favorise la réduction des intrants chimiques, en privilégiant des méthodes naturelles et durables pour lutter contre les ravageurs et fertiliser les cultures.

De plus, cette agroécologie soutient la justice sociale en luttant contre l’accaparement des terres et en augmentant le nombre de petites exploitations agricoles, ce qui renforce les communautés rurales.

Elle encourage également la production locale et la consommation de produits frais et de qualité, réduisant ainsi l’empreinte carbone liée au transport des denrées alimentaires.

Enfin, elle s’adapte aux défis climatiques en intégrant des pratiques résilientes qui contribuent à la capture du carbone et à l’amélioration du cycle de l’eau.

Ce sont les raisons pour lesquelles Olivier et Katiuscia Payet souhaitent sensibiliser les collectivités, le TCO et les décideurs locaux pour que se mette en place une véritable filière de produits végétaux innovants.

Pour conclure, la Bananeraie bio de Bourbon, grâce au travail acharné quotidien de ses propriétaires, est un lieu où l’on comprend que la véritable richesse réside dans la préservation de notre planète, où chaque geste compte pour un avenir plus vert et plus sain.

En ce sens, elle est un symbole d’espoir pour La Réunion et un exemple éclatant de ce que l’agriculture bio peut accomplir lorsque l’amour de la terre guide chaque action.

« Agroécologie signifie non seulement cultiver de manière plus sensible mais aussi changer les relations entre les agriculteurs et le reste de la société. » – George Monbiot (journaliste britannique, militant écologique et politique).

Pour visiter la Bananeraie bio de Bourbon, participer aux ateliers culinaires, et manger dans les feuilles de banane un bon cari baba figue ou un bon gâteau à l’ananas à la farine de bananes, il faut vous rapprocher de l’Office de Tourisme de l’Ouest qui gère les réservations.

Astrid Piedbois

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Bananeraie

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