Bientôt la fin de Planch’Alizé ?

[EXPLOITATION DU DOMAINE PUBLIC MARITIME]

L’angoisse des responsables de l’établissement de Planch’Alizé se lit sur leur visage. Il est 11h30, ce dimanche 27 février, le soleil pwak, les corps s’abritent sous les parasols ou se laissent chauffer sur la serviette, les places sur les transats sont rares. Le Planch’Alizé à la Saline est bondé, comme toujours, lorsque Dominique Gamel, de l’association Agir DDPME, déplie son décamètre pour mesurer la surface d’implantation du restaurant privé sur le domaine public maritime, sous les regards intrigués. L’association, à l’origine des procédures administratives visant les restaurants de plage de l’Ermitage, demande la cessation d’activité de l’établissement.

L’Autorisation d’occupation temporaire (AOT) du restaurant de plage le Planch’Alizé est arrivée à expiration en juillet 2018. Depuis, elle n’a pas été prolongée par la mairie, peut-être impactée par la décision du tribunal administratif en 2018 de démolir les « paillottes » (K’banon, Cocobeach, Bobine, Loca Plage). La décision « fait jurisprudence », selon Karl Bellon, élu de l’opposition à Saint-Paul, à l’origine de la création de l’association Agir DDPME.

« Respect des lois »

« Mon problème, ce n’est pas le Planch’Alizé, c’est le respect des lois », assure Dominique Gamel. L’établissement, très prisé, est installé sur le domaine public maritime, sur la zone des 50 pas géométriques, calculée à partir du point le plus haut atteint par la houle.

Ils sont une dizaine à s’être donné rendez-vous à l’arrière du restaurant, des membres du collectif RSA (Réunion solidarité ambition) et du QG Zazalé sont venus soutenir l’association Agir DDPME.

Après mesures, Dominique Gamel évalue à 1500 m2 l’espace occupé par le restaurant, en comptant le bâti, les terrasses et les transat installés sur la plage. Pour une AOT couvrant une surface d’approximativement 750 m2, le restaurant, installé là depuis des décennies, s’est étendu avec le temps. « De fait, pour nous, ils occupent aussi le parking parce que pas de parking, pas de clients », estime Dominique Gamel.

« Pour respecter la loi du littoral sur les 50 pas géométriques, les constructions doivent être juste des petites structures légères qui servent les activités de plage comme le kayak par exemple et le soir c’est terminé », affirme Karl Bellon.

Des riverains se plaignent

Lorsqu’un établissement est implanté sur le domaine public maritime (DPM), il doit respecter certaines règles strictes. Notamment en termes de réseau d’assainissement, de type de construction, de surface utilisée etc. La plupart du temps, ces règles ne sont pas respectées, cela se constate sur l’ensemble de l’île. La tolérance qui s’est installée d’année en année est progressivement devenue la norme.

Depuis une semaine, des riverains se plaignent dans les médias du volume sonore en soirée causé par le Planch’Alizé. Pour l’heure, la gendarmerie confirme qu’aucune plainte pour nuisances n’a toutefois été déposée.

Du côté des responsables de l’établissement, on reconnaît les problématiques autour de l’AOT mais on pointe surtout le double jeu de la mairie qui encaisse les loyers. « 80 000 euros par an ». Le Planch’Alizé, qui compte actuellement 48 employés, estime que l’établissement n’a pas été ciblé par hasard.

« On ne peut pas renouveler les AOT en zone rouge »

Contacté par Parallèle Sud, Emmanuel Séraphin reconnaît un « gros cafouillage » administratif. L’AOT terminée en septembre 2017 aurait été renouvelée pour 10 mois au directeur de la restauration censé racheter l’affaire. Mais les événements en auraient décidé autrement, le propriétaire, M. Vergoz, décidant finalement de ne pas vendre. La mairie de Saint-Paul confie « marcher sur des oeufs ».

« Dans l’arrêté de renouvellement pour 10 mois, il est écrit qu' »à la fin de l’AOT, pour quelque cause que ce soit, les lieux devront être remis en état par le bénéficiaire », précise le maire de la commune. « Il aurait dû remettre en état, ça n’a pas été fait. D’autant que la majorité précédente avait alors relancé une AOT pour un bâtiment qui ne lui appartient pas. »

Toutefois, au vue de l’emplacement de l’établissement, l’issue semble déjà se dessiner. « On ne peut pas renouveler les AOT en zone rouge », concède Emmanuel Séraphin. L’avenir des restaurants de plage risque de s’obscurcir. Des alternatives seraient déjà à l’étude, comme celle de reculer l’implantation du Planch’Alizé au delà des 50 pas géométriques.

Reculer l’implantation du Planch’Alizé

La situation n’est pas la même en fonction des établissements. Certains se trouvent sur des terrains privés et non sur le DPM, d’autres possèdent des infrastructures davantage mobiles. Néanmoins, d’autres entreprises implantées sur le DPM de la commune de Saint-Paul sont concernées par la problématique d’absence d’AOT conforme, comme les camions-bars du front de mer notamment dont la gestion revient à l’Etat. Jeudi soir, le conseil municipal de la commune de Saint-Paul a validé la reconduction d’AOT sur un an à différents établissements, arguant d’un contexte difficile pour les restaurateurs en raison de la crise covid.

Bien qu’il soit installé sur la plage, le restaurant Planch’Alizé affirme faire le maximum pour prendre soin de l’environnement, en faisant toujours en sorte que la plage reste propre. « Mais le pire, c’est les murs », s’exclame Dominique Gamel, son décamètre en main, planté sur le parking du restaurant. « Depuis Trou d’eau jusqu’à St Paul, les murs ont été construits quasiment tous sans permis de construire. Que fait la Deal? Les murs, ce sont des obstacles à la nature, quand cyclone i arrive, quand la mer i monte, quand arrivent juillet – août, y a des houles. La mer va finir contre les murs, elle ne circule pas, elle revient et ça donne un phénomène d’érosion tout simplement. Nous on voit pas, mais dans trente, cinquante ans il n’y aura plus de lagon parce qu’il n’y aura plus de sable. Nous ce qu’on dit, c’est qu’il faut abattre les clôtures en dur. »

Jéromine Santo-Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.