Les tableaux tactiles

[Chronique dans le noir] Découvrir la peinture par le toucher

JEAN-MICHEL HOUÉE PRÉSENTE LES TABLEAUX TACTILES

Approfondir son toucher dans l’obscurité à travers le portrait d’un tableau, c’est une expérience à vivre autant pour les personnes déficientes visuelles que pour les valides. Je vous invite à le ressentir dés que vous en aurez l’occasion.

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Jean-Michel est bien un artiste peintre pas comme les autres. J’ai eu le privilège de le rencontrer lors d’une exposition de ses tableaux.  Et pour ne rien vous cacher je vous dirai qu’actuellement Jean-Michel et moi travaillons sur un projet adapté qui me tient à cœur que je souhaiterais réaliser au plus vite. Si vous êtes intéressés par les tableaux de Jean-Michel il vous suffit de l’appeler au 0692 48 15 47. Les tableaux tactiles de Jean-Michel Houée sont actuellement exposés à l’IRTS de Saint-Benoît. Il est possible de les emprunter pour les faire découvrir.

 

 Jean-Philippe Sevagamy

« La même intensité que le regard »

C’est en 1995 à Toulouse que commence l’aventure de la peinture tactile. En effet, alors que j’étais en stage de formation d’éducateur à l’Institut des Jeunes Aveugles de Toulouse j’ai accompagné deux jeunes qui étaient en confrontation quotidienne. Je recherchais alors parmi plusieurs médiations celle qui pourrait les renouer et améliorer leur relation. 

Artiste peintre dans mes moments de loisirs j’ai essayé d’associer la peinture et une approche tactile pour permettre à un des jeunes qui étaient aveugles de pouvoir par la suite revisiter le tableau avec ses doigts. J’ai donc demandé à chacun d’eux de poser sa main sur une toile et à l’aide d’un gel relief de réaliser le pourtour de sa main et réciproquement.

Il apparaissait alors deux mains qui se touchaient par un doigt et qui symbolisaient la fraternité la solidarité.

Au cours de cet atelier j’ai demandé aux deux jeunes d’exprimer des mots qui pourraient les unir.

Sont alors sortis de leur esprit les mots solidarité, entraide, amour, joie. Ensuite nous avons écrit tous ces mots en braille sur la toile. C’est ainsi que le premier tableau tactile venait de naître. Ce travail a amélioré la relation entre ces deux jeunes. 

Plus tard en 2015, alors formateur en techniques éducatives à l’IRTS de Saint-Benoît, on m’a demandé de réfléchir à la notion d’accessibilité en lien avec la loi 2005. Après quelques jours de réflexion et en lien avec mon plaisir de découvrir les différents musées du monde je me suis penché sur l’accessibilité des tableaux de maître pour des personnes déficientes visuelles ou aveugle. J’ai réfléchi à, comment rendre accessible les tableaux de Van Gogh, Modigliani, Picasso et de tous les grands peintres. Comment rendre accessible des couleurs à des personnes qui ont perdu la vue tard dans leur vie, ou bien à d’autres qui n’ont jamais connu les couleurs. Comment rendre accessible des tableaux de maître ? Je me suis posé la question et j’ai bien entendu été voir ce qui se faisait dans les différents musées mais cela ne me convenait pas j’ai donc réfléchi à une nouvelle méthode.

Je me suis penché alors sur une codification de couleur qui permettrait aux personnes aveugles ou déficiente visuelle de pouvoir se représenter mentalement le tableau. J’ai donc réalisé un premier tableau de Gauguin pour pouvoir avoir un support de travail. C’est ainsi que chaque année deux sessions de 35 heures regroupaient 10 à 12 étudiants éducateurs en formation travaillant en binôme pour réaliser un tableau tactile. Ainsi au fil des ans une trentaine de tableaux ont été réalisés au musée Léon Dierx, à l’Artothèque, à l’IES de la Ressource et sont exposés aujourd’hui à l’IRTS de Saint-Benoît dans les salles de formation et libre d’accès sur demande.

  • tableau tactile de Jean-Michel Huée
  • tableau tactile de Jean-Michel Huée
  • tableau tactile de Jean-Michel Huée
  • tableau tactile de Jean-Michel Huée
  • tableau tactile de Jean-Michel Huée

Nous avons pu réaliser de nombreuses expositions ; je citerai le phare de Sainte-Suzanne, la médiathèque de Sainte-Marie, la bibliothèque régionale de Saint-Denis, la salle d’accueil de la MAIF, la mairie de Saint-Denis lors d’une manifestation du Lion’s Club,

Lors d’une manifestation du Rotary club à la médiathèque de Sainte-Marie, autour de la notion du glaucome, un groupe de personnes déficientes visuelles et aveugles sont venues et ça a été l’occasion pour moi de faire expérimenter les tableaux par des personnes aveugles. C’est ainsi que Stacy a été accompagnée sur un tableau d’Egon Shield, « la femme au genou pliés » et sur un tableau d’Otto Mueller, « les deux sœurs nues ».

Sur le premier elle a été accompagnée sur la méthode pour découvrir comment explorer le tableau, sur le deuxième elle a montré sa capacité à découvrir en autonomie le tableau, donner le nom de l’auteur, la date de la réalisation et le titre du tableau. Mais elle a su aussi, après avoir reçu les consignes, explorer la légende de couleur au bas du tableau et pouvoir découvrir et exprimer les couleurs qu’elle touchait avec ses doigts. À la fin de cette expérience, il en ressort que le descriptif narratif, qu’elle a pu faire de ce tableau qu’elle a touché avec ses mains, avait la même valeur la même intensité que le regard d’un voyant.

Je souhaite aujourd’hui que de nombreuses personnes engagées dans l’accessibilité de l’art pour les personnes déficientes visuelles ou aveugles, s’engagent à réaliser d’autres tableaux avec d’autres supports : peut-être la vie à La Réunion… ou d’autres idées qui viendraient ou d’autres demandes qui émergeraient par rapport à ce média qui peut rapprocher autour d’une œuvre un voyant et un aveugle.

Merci à notre ami Jean-Philippe Sevagamy qui est non voyant et qui se donne à fond pour les autres. Curieux de nature lui aussi a pu tester mes tableaux en relief adaptés à sa cécité. 

Jean-Michel Houée

 

 

 

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.