[Chronique dans le noir] Un demi-siècle de sport avec Sylvain Gossard

TÉMOIGNAGE

À l’occasion de la fête des pères, j’ai donné la parole à un « papa », Sylvain Gossard. C’est un non-voyant qui habite à Saint-André qui a un demi-siècle de sport à son actif.

Je m’appelle Sylvain Gossard, âgé de 70 ans, j’habite sur Saint-André à la Rivière-du-Mât-les-Bas . J’ai perdu la vue progressivement vers l’âge de 20 ans suite à une méningite.

Cela ne m’a pas empêché de suivre une scolarité presque ordinaire et d’obtenir le Certificat d’Étude avec une mention d’excellence. Malheureusement, je n’ai pas eu l’opportunité d’accéder au centre de La Ressource. Ce qui est un regret car j’aurais aimé gagner davantage d’autonomie, particulièrement dans l’apprentissage du braille (lire et écrire) et dans l’accès à une formation professionnelle telle que la médecine ou le paramédical.

Je ne pouvais me contraindre à rester inactif, et le sport est venu à moi comme une évidence. 

Le sport m’a sauvé

Très rapidement, j’ai pris contact avec le club « Handisport » et j’ai eu un entretien plus que favorable avec Monsieur Tirel, le directeur et entraîneur du comité. 

Un planning d’entraînement a été mis en place afin de me préparer aux différentes compétitions. Il m’a fallu faire preuve de combativité, de persévérance et de sacrifice pour être aux entraînements de façon régulière et être au top niveau. Mon premier championnat de natation arrive très rapidement et s’enchaîne une longue suite de compétitions. 

J’ai eu l’occasion bien entendu de toucher à de nombreuses disciplines tel que les courses à pied (piste et route), le trail, les lancers de javelots et poids, le saut en longueur, le torball … J’ai obtenu de nombreux trophées et médailles. Je suis fier d’avoir pu en tant que personne non-voyante relever le défi de chacune de ces disciplines.            

Je dois ma réussite à mon épouse et à son soutien indéfectible. Sans elle, rien de tout cela n’aurait été possible. 

Les bienfaits du sport

Je dois reconnaître que le sport m’a permis une ouverture sur le monde grâce aux nombreux voyages et aux échanges multiculturels. Quelles opportunités j’ai eu de concourir auprès d’athlètes de haut niveau tel que Daniel Sangouma, Jean-Louis Prianon, Marcelle Puy. 

Lorsqu’on m’a proposé d’aller planter le drapeau des jeux des îles sur le sommet du Piton des neiges, j’ai accepté tout de suite car je suis avant tout un « guerrier ».  

Un challenge qui m’a permis de me surpasser et de montrer au monde entier mes capacités. Un immense honneur d’avoir pu participer à cet événement aux côtés d’une équipe de sportifs valides notamment Jean Louis Prianon. 

Quelle expérience extraordinaire de parvenir sur le toit de notre belle île ! 

Prendre le temps de vivre : profiter de la vie !    

Je suis toujours motivé et passionné par le sport que je pratique chaque jour. Je n’imagine pas ma vie sans mes randonnées au cœur des forêts, et mon entretien musculaire en salle. 

Mon bien-être passe également par ma deuxième passion qu’est la lecture. Je prends plaisir à écouter en audio des livres. J’ai aussi l’envie d’apprendre, de me cultiver sans cesse. 

La fierté d’un père !

Toutes les conditions sont réunies pour que je puisse affirmer que je suis un homme heureux et en bonne santé. En effet, père de deux filles et d’un garçon qui ont tous les trois réussi leur vie et qui font ma fierté. Je suis également le grand-père le plus heureux du monde. Quel bonheur de pouvoir transmettre mon savoir-faire et de partager mes valeurs à mes 7 petits-enfants. Je les aime tellement que je suis prêt à donner ma vie pour eux. 

J’ai donc la chance d’avoir à mes côtés une famille unie et aimante, ce qui me donne la force de faire face aux difficultés de certains jours. Pour cela, je remercie chaque jour le Seigneur.  

Pour terminer, je dirai que selon Xavier Dolan « tout est possible à qui rêve, ose travaille et n’abandonne jamais.»

Bonne fête des pères à tous les papas du monde entier .  

Sylvain Gossard

JE PARTAGE AVEC VOUS CE MESSAGE PERSONNEL

Dédicace d’un père à son fils : étoile dans la nuit ! 

L’amour paternel n’a pas de prix ! 

Ma plus grande fierté aujourd’hui, c’est toi mon fils. Et cela depuis que ta mère a su te porter dans son ventre maternel. Quand j’ai su qu’elle était enceinte et que j’allais être papa, mon cœur s’est mis à tressaillir de joie, heureux d’apprendre la bonne nouvelle que j’ai eu plaisir à partager avec mes proches. 

Pendant tout le long de sa grossesse, j’ai eu le privilège de l’accompagner chez le gynécologue et même participer aux sept réunions de préparation sur l’accouchement et conseils parentaux animés par la sage-femme. J’étais le seul futur papa à assister à toutes les réunions et nous étions également le seul couple non-voyant du groupe. 

Et pendant que Marie-Christine subissait les transformations de son corps, moi, de mon côté, je faisais des recherches sur les accessoires adaptés et utiles qui nous permettraient de nous aider dans la préparation de nos besoins. Je me rappelle encore de la chambre qu’on t’avait aménagée bien avant que tu naisses. 

Et en ce qui concerne ta naissance à la clinique, sache que ta maman ainsi que moi-même étions très appréciés par tout le personnel de l’établissement, vu que c’était la première fois de leur vie qu’ils voyaient des parents non-voyants, prêts à se sacrifier, à se battre pour leur enfant. 

Ton visage, on ne l’a jamais vu

Ta mère ainsi que moi-même sommes des personnes non-voyantes. Ton visage, on ne l’a jamais vu. Mais à ce qu’il paraît, tu es mon portrait craché. Beaucoup de gens en nous voyant sur les routes croyaient que nous étions frères.

Aujourd’hui, tu as grandi, tu es un bel homme, qui a du mérite, tu as su après ton diplôme, trouver une certaine, stabilité, un travail. Je te souhaite le meilleur pour la suite de tes projets, c’est-à-dire, monter ta propre affaire ici même à La Réunion.  

Quoi qu’il arrive, tu pourras compter sur moi, ma porte te sera toujours ouverte. N’hésite pas à m’appeler. Tu restes à mes yeux, mon fils, ma bataille, ma raison de vivre, ma fierté. Sache que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour t’élever du mieux que je pouvais avec ta maman, que j’ai aimée, chérie, de plus en plus chaque jour. Un amour véritable, féérique qui ma foi nous a réunis. Un amour tellement sincère et magique… Tu en es le fruit. Je sais que tu es jeune mais toi aussi, tu auras un jour peut-être à fonder ta propre famille. 

Je serai sans doute grisonnant quand tu viendras m’annoncer peut-être un jour que je suis papi. Sache que j’en serai très heureux car moi-même, en tant que papa, je n’ai pas eu l’occasion de te présenter à mon père que j’ai perdu très jeune et que j’ai tant cherché à travers toute mon enfance.

je t’aime, même si je ne le dis pas souvent

Pour mieux me connaitre, je me suis permis d’écrire quelques pages qui cependant résument le cheminement de ma vie.   

Une trentaine de pages que tu auras sans doute l’occasion de lire. Sache que tout le résumé du texte a été fait dans un but très précis, c’est-à-dire destiné personnellement à toi, sans doute également à mes petits enfants qui pourront me lire tout en ayant un bon souvenir de leur grand-père. 

Je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre car malheureusement chacun d’entre nous doit y passer. N’ayant pas de bien immobilier ni de terrain à t’offrir, la seule chose sentimentale qui a de la valeur à mes yeux, c’est de te transmettre chaque minute de ma vie. Cette confidence, je te demande de la garder précieusement dans ton cœur.

N’oublie pas surtout d’où tu viens, qui sont tes parents et sois fier d’eux. Je sais parfaitement que je t’aime, même si je ne le dis pas souvent. Tu es quelqu’un de bien alors continue à l’être. Continue à avancer comme tu le fais et sois fier de toi.

Ecrire est l’une de mes passions. Je te transmets ce que je ressens et ce que je vis afin que tu ne m’oublies pas.  La profondeur de mon amour restera à jamais gravée pour toi à travers chaque goutte d’encre qui coule dans le cheminement de ma vie. Et même si mes doigts sont fatigués par des heures entières à balayer la surface de mon clavier, sache que c’est pour moi un plaisir et un grand honneur. Je sais également que cela n’a pas été facile pour toi, parfois, d’avoir des parents non-voyants. Pour cela, je te remercie et te félicite pour ta patience. 

Un fort message de Jean-Philippe à son fils Ulrich Sévagamy 

Un père que j’ai tant cherché !

Au-delà des nuages, je me permets de lui rendre hommage !    

Faisant partie de l’arbre généalogique de nos ancêtres, le papa que je suis aujourd’hui est fier et très heureux d’être le fils de Marie-Thérèse et de Emile Emma Sévagamy.  De leur union, je suis parmi leurs cinq enfants, le deuxième. Sans nos aïeux et sans eux, nous n’aurions pas existé. Mes sœurs, mon frère ainsi que moi-même, nous vous disons merci de faire partie de votre famille. 

A tous les papas de la terre et dans les cieux tel que le mien, je vous souhaite bon dimanche de la fête des pères.  

Jean-Philippe Sévagamy

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Sylvain Gossard

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.

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