[Chronique] Pour que vous ne fassiez plus l’erreur…

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Lu récemment dans un média local : « Vous arrivez sur des points pour lesquels vous ne vous entendez pas, la grève se déclenche, mais après il faut essayer de négocier tout de suite pour ne pas que ça s’enlise. » 

Vous avez repéré l’erreur ? Non ? 

Alors, j’en remets une couche : « Stabilisez le pied du sapin pour ne pas qu’il tombe. » (Le Figaro)

Toujours pas ? 

Allez, un dernier indice pour la route, mais c’est bien parce que c’est vous : « Comme les autres témoins, tous en école primaire, elle souhaite rester anonyme « pour ne pas que les parents d’élèves ou la hiérarchie [la] reconnaissent » ». (Le Monde)

Vous donnez votre langue (française) au chat ? N’en ayez pas honte, comme en témoignent ces extraits d’article, même les enseignes les plus respectables de la presse écrite nationale s’y sont brisé la plume, ou plus certainement le clavier.

Encore des journalistes qui ne consultent pas les recommandations de l’Académie et en particulier celle adressée le 5 mai 2014 en ces termes : « La subordonnée complétive de but, encore appelée complétive finale, peut être introduite, entre autres, par la locution conjonctive pour que : Il prie pour qu’il pleuve. Lorsque cette subordonnée est à la forme négative, la négation se trouve à l’intérieur de la subordonnée, c’est-à-dire après pour que : Il prie pour qu’il ne pleuve pas. Placer la négation pas, ou ne pas, entre pour et que est une incorrection, qui s’accompagne souvent de l’omission de la négation ne. »

De Simenon (« Pour ne pas qu’elle reperde pied, il s’est hâté de déclarer […] ») à Bory (« Il avait pleuré toute la nuit d’avant, sous sa capote, pour ne pas que les autres l’entendent. »), nombre d’écrivains célèbres, et parfois Immortels, sont eux aussi tombés dans la piège. Ainsi l’académicien Erik Orsenna se trompe-t-il quand il écrit : « Elle parlait tout bas pour ne pas que ses collègues entendent. » (L’exposition coloniale). Preuve que l’on peut être l’auteur de La grammaire est une chanson douce et laisser échapper ici et là quelques fausses notes.

K. Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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La subordonnée

Lorsque la subordonnée est à la forme négative, la négation se trouve à l’intérieur de la subordonnée. A voir sur Parallèle Sud.

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.