Darmanin n’a pas de solution

LIBRE EXPRESSION

Gérald Darmanin avait annoncé qu’avec 1500 policiers, il allait rétablir l’autorité de l’Etat sur Mayotte, ce territoire qui est sous administration de la France depuis 180 ans. Il ne pouvait pas ignorer l’histoire. 

Prenons une référence. En 1995, le Premier ministre Balladur a instauré un visa d’entrée à Mayotte pour les habitants des îles voisines. Avec ce dispositif, l’Etat et les autorités locales devaient sécuriser le territoire. Au contraire, nous avons assisté à un dérapage incontrôlé.  

Le nombre de personnes, en « situation illégale », reconduites à la frontière est passé de 6000, en 1995, à 25 380 en 2022. Durant ces 27 années, on note 2 pics, en 2010 et 2019, respectivement 26 405 et 27 831. Ces reconduites massives et totalement illégales n’étaient possibles qu’avec un accord de tierce partie. Accuser les seuls « étrangers » de tous les maux ne permet pas de pointer la chaîne des complicités. Qui peut croire que durant près de 30 ans, la France a été incapable de sécuriser une île de 376 km2 ? Elle ne le souhaite pas. 

En agissant de manière grossière, avec un arsenal répressif et une communication hors-norme, Darmanin n’avait aucune envie de régler un problème très complexe. Finalement, il a sorti de l’oubli les actions cachées de la France coloniale vis-à-vis du jeune et fragile État voisin. En particulier, il est de notoriété publique que la France édite et contrôle toujours le franc comorien (fc), discréditant l’indépendance de l’Union des Comores. Le mercenaire français Bob Denard et consorts ont exécuté des dirigeants politiques comoriens, fomenté plusieurs coups d’État jusqu’à déporter, par avion français, un président légalement élu, Saïd Mohamed Djohar, à la villa du préfet de La Réunion à Salazie ! En son absence, les autorités françaises géraient les dépenses du pays à coups de réquisitions du Trésor comorien, sans loi de finances légale. A ce moment-là, le visa Balladur était déjà appliqué. 

La France manipule tout le monde et crée des désordres permanents entre La Réunion, Mayotte et les Comores qui sont les bases arrières de sa politique dans la zone. Il faudra bien établir le fil d’un dialogue sincère, sur la base d’une analyse partagée. Aujourd’hui, la population de l’archipel des Comores dépasse 1,3 million d’habitants dont un peu plus de 310 000 pour la seule Mayotte. La Réunion, avec 870 000 habitants, accueille déjà une bonne part des originaires de Mayotte (Insee. Juillet 2020). Quelle sera la perspective d’ensemble d’ici 30 ans, sachant qu’on a déjà perdu 30 ans avec un visa caricatural ?

Cette tâche n’incombe pas à un ministre éphémère. Il doit bien exister des bonnes volontés et des personnes lucides dans les 3 entités ! 

Ary Yee Chong Tchi Kan

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