GRAND RAID / COMMENTAIRE
Le sport féminin a écrit l’une de ses plus belles pages sur le Grand Raid 2022, avec la quatrième place au scratch de l’Américaine Courtney Dauwalter.
Une femme gagnera-t-elle un jour le Grand Raid ? Il est permis d’en rêver au moins, après la performance XXL réalisée par Courtney Dauwalter sur cette édition 2022. Celle qui a désormais fait le Grand Chelem en gagnant les quatre “majeurs” du calendrier d’ultras, à savoir l’UTMB, la Western States, la Hardrock 100 et la Diagonale, a fait sensation à La Redoute, il y a une semaine, en éclipsant quasiment la victoire au scratch du Basque Benat Marmissolle, pourtant auteur d’un chrono canon (23h14′), digne des plus belles victoires de D’Haene et Jornet, sur la mythique course de La Réunion.
Les 24h37′ de l’Américaine ont ainsi fait basculer le trail féminin, et le sport féminin en général, dans une autre dimension. C’est même un doux euphémisme de le redire ici tant cet exploit majuscule de la ressortissante US a suscité de réactions positives, euphoriques, un peu partout dans le monde, y compris à La Réunion, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les medias mainstream, comme pour bien montrer que la femme dans le sport ne serait plus vouée à une forme de déterminisme naturel, qui voudrait la cantonner au second rôle qu’on lui assigne à tort parfois encore.
Sur d’autres terrains sportifs avant Dauwalter, les femmes avaient déjà fait la démonstration de leurs incroyables ressources et de leurs capacités à surpasser de temps à autre les hommes. Personne n’a oublié l’exploit réalisé par Florence Arthaud, “la petite fiancée de l’Atlantique”. A bord de son trimaran “Pierre 1er”, celle-ci avait renversé le scepticisme de la plupart des hommes à son égard en les devançant tous lors de la route du Rhum 1990. La pilote de rallye Michèle Mouton était quant à elle devenue la première femme à gagner une manche du championnat du monde à San Remo, sur Audi Quattro, en 1981. Enfin, la cavalière Alexandra Ledermann devint la première femme à s’adjuger un titre de championne d’Europe de concours de sauts d’obstacles, au milieu des hommes, en 1999.
Les esprits persifleurs argueront qu’à chaque fois les championnes en question étaient propulsées par un engin ou un animal, de nature à brouiller l’analyse de leur performance intrinsèque. Il n’empêche, s’il n’y a pas lieu de remettre en cause la différence patente de capacités physiologiques existant entre les hommes et les femmes, quoique les performances des secondes en ultra-trail ces dernières années aient donné l’idée à quelques chercheurs en biologie d’étudier les potentialités comparées des deux sexes sur les courses de longue distance, il est au moins aussi intéressant de relever que dans d’autres registres de l’endurance, les femmes excellent.
« La cave de la douleur »
A commencer par l’endurance psychologique. En somme, le mental. Dans le journal l’Equipe, Courtney Dauwalter faisait ainsi la confession suivante il y a quelques jours. “J’aime arriver à ce moment, à cet endroit dans ma tête, où cela paraît impossible de continuer. Et batailler avec mon esprit et essayer de devenir meilleure en faisant cela. Le but d’une course peut tout à fait être de parvenir à cet endroit, ce que j’appelle la “cave de la douleur” dans mon cerveau. Et essayer d’accueillir cet état avec enthousiasme.”
Un état cérébral “addictif”, dépeignait-elle encore. Une intensité cognitive presque irréelle, qu’elle se disait capable d’atteindre pour repousser les limites physiques que la génétique lui impose. Voilà pourquoi, nous aimons tous, et encore un peu plus après l’exploit de Courtney, le sport féminin. Parce qu’il force l’admiration, et qu’à bien des égards, il est l’égal du sport masculin.
A telle enseigne que nous nous réjouissons, qu’après des décennies de séparatisme entre hommes et femmes dans le sport, les épreuves mixtes (natation, triathlon, judo, athlétisme) aient fait leur apparition dans de larges proportions au programme des Jeux Olympiques (elles étaient au nombre de dix-huit lors de la dernière édition à Tokyo). Comme une reconnaissance de ce que les sportives apportent au sport en général, dans un milieu où le sexisme n’a pas complètement disparu.
F.P.