[Graff] L’heritage maronage de Méo

LIBRE EXPRESSION : AOU MARONE

Méo a livré un graff représentant deux femmes, deux marones, deux figures de combattantes, deux guerrières, deux reines, deux piliers de foyers bâtis en liberté. 

Méo a livré ce vendredi 15 décembre un hommage mural intitulé « aou marone ». L’oeuvre se situe au coeur du siége de l’hôtel de Région. Comme blottie au milieu de ce lieu emblématique de La Réunion dans le chef-lieu du département, cette œuvre se trouve derrière la pyramide inversée, sur la façade avant de l’Annexe et juste au dessus de l’entrée du réfectoire :dernière indication qui n’est peut-être pas si anodine. Un manger pou le kér…

L’artiste a accepté d’oeuvrer ici par amour du thème demandé par la Direction culturelle : le maronage.

Le graff trace deux visages, de type africain. Il montre aussi un paysage de montagnes et deux oiseaux, remarquables par leurs positions et leurs envergures dans le dessin. 

En echo à cette demande institutionnelle du théme, la présidente de Région, Huguette Bello, est venue découvrir et saluer le travail. En le contemplant et en estimant à voix haute qu’« Anchaing pleure ! », elle s’est positionnée en faveur de la transmission de cette dimension historique de l’esclavage à La Réunion qu’est le maronage.

Sous le graff, Madame la Présidente s’est exclamée de plusieurs « gloire aux Réunionnais héritiers de ce courage !» ou de « gloire aux Réunionnais qui ne baissent pas la tête ». 

Ces personnages en effet regardent droit devant. Et, l’humilité seulement que leurs expressions dégagent annule toutes possibilités qu’ils soient des meubles. Le code noir disparaît, la réalité reste. L’émotion des personnages est, presque, palpable. Ils semblent vrais, dans le sens pleinement eux-mêmes, et non pas soumis et façonnés par ce que veut le maître colon. 

Une liberté rude, mais digne

Leurs émotions touchent l’individu qui regarde le dessin grâce à la maitrise du geste de l’artiste. Méo reproduit les détails du vivant, tel un galbe ou un bombé des bouches, une rudesse justement proportionnée des nez sur des visages dont les expressions questionnent et ne laissent en tout cas pas indifférents. Ce graff touche aussi certainement, particulièrement, le Réunionnais qui connaît les légendes de son île, à l’instar de madame Bello. 

Car, cette représentation pourrait bien être celle d’Anchaing et d’Héva, amoureux Marrons, dont une version de l’histoire propose à la fin leur transformation en papangs.

D’après l’auteur de l’oeuvre, elle peut être ce que chacun desirerait qu’elle soit de liberté pour lui.

C’est un artiste qui ne commande pas les sentiments que procure son travail. 

De la même manière qu’il ne met pas son travail au service de la commande pour la manipulation d’émotions.

Méo a livré, en raison de son intérêt pour le maronage, un graff représentant deux femmes, deux marones, deux figures de combattantes, deux guerrières, deux reines, deux piliers de foyers batis en liberté. 

Ses recherches personnelles, aux archives départementales notamment, alimentent son désir de représentations de nos ancêtres, ces Réunionnaises qui ont refusé de n’être que des ventres féconds de main d’oeuvre gratuite. 

Méo rend hommage avec ce « aou marone » aux Réunionnaises qui ne baissent pas la tête.

Si j’osais la blague, je dirais « qui ne baissent pas non plus la culotte devant le maître tout puissant autoproclamé », mais la soumission de l’esclave jusqu’à la privation de sa fertilité désirée n’est ici pas drôle. 

Déracinement, enlèvement, maltraitance, dénigrement, viols, dévalorisation et brutalisation n’ont pas été acceptés par ces femmes parties vers leur liberté. Une liberté rude, mais digne.

Maronage kozé

Le royaume de l’intérieur, représenté par les montagnes, rappelle la nécessité à l’époque de se cacher. Le papang ici, puissant, libre, ouvre ses ailes, plane, s’élève et domine. Pour Méo, il représente cette liberté indomptable, invendable. Cette symbolique de liberté répète la nécessité de s’extraire de la servitude imposée.  

Une servitude qui a changé aujourd’hui de modalités de prises, et d’emprises.

Et un maronage tout autant différent.

Ce jour-là ek Méo sé un maronage kozé nou la fé dan la kour la Région.

Une discussion en kreol. Pou dir sa maniere de maroner. Pou dir sa maniere protége, gard et fair grandir sa liberté.

Lé klér, le marmay i ve incarne et apliké sa prop vision. La vision d’un réyonais i aim son pei, ek son histoire, ses légendes, sa langue, é les espoirs not zarlors la laiss là, fane-fanés mais pas enterrés, po nou continué. 

L’inspiration i mank pa. Ke soi les musiciens, chanteurs, poét, fonkézérs réunionnais, Méo nora cité Alain Peters, Patrice Treuthardt, Danyel Waro, Zanmari Baré, Ousanousava ou encore Ziskakan. Dan la catégori des inspiré lu nora cité Forent Turpin par exemp. Et dan la categori le zyeu i pliss et le regard i tendri, lu nora di : « moman ».

Toussala de reference i laisse croir la discussion lé pa fini si nou magine tou ce tan déjà nout granmér, moman, matante, maréne tisœur couzine dalone la fini bataille pou existé comme un monn, ki di un monn koi ! 

Laktualité nou la kozé ce jour-là ossi i di les citoyens n’aiment pas les embouteillages provoqués par ceux qui dénoncent l’njustice, i prefer zembouteillage devan magasin.

Le maronage jordu serait d’arrét ek le superflu. Comment i di ca en kreol ? « arrét fai gonf le jabo ? » 

Agard son dessin, i fo lév la tête pou sa.

Ecout’ le marmay, i fo repose la bouche fransssé un instant.

Respire lér salé i circul juska dig dig le fangean en lér la ba, satla i achét pa.

L’artis la range sa nacelle, mé parey po mwin son theme la, maronage, i continu tracé ek la nature « à l’ombre des palmiers ».

Alice Dubard

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