[Handball] La Cressonnière au septième ciel

FINALE: CRESSONNIERE – SAINT-PIERRE 32-29 AP

Après une finale homérique gagnée à l’issue des prolongations face à Saint-Pierre (32-29), les joueurs saint-andréens avaient rendez-vous avec leurs supporters, salle Paris Kischenin, l’épicentre du quartier de la Cressonnière, fief des champions, désormais sept fois couronnés.

Il est plus de minuit, au Case de la Cressonnière. Massés de part et d’autre de l’entrée de la salle Paris Kischenin de Saint-André, les supporters “jaune et noir” forment une haie d’honneur jusqu’au milieu du gymnase. Ils sont trois cents fanatiques, petits et grands, tous âges confondus, vêtus d’un tee-shirt aux couleurs bicolores du club, à attendre fébrilement l’arrivée de leurs champions, vainqueurs de la finale du championnat de La Réunion face à Saint-Pierre, 32-29 après une prolongation dantesque, deux heures avant. Des gamins des écoles de handball de la Cressonnière qui tressautent de manière désordonnée jusqu’aux adultes, plus placides, qui veillent le sourire aux lèvres sur leurs progénitures galvanisées, tout ce petit monde hétéroclite jubile dans une osmose fédératrice.

Communion totale entre les joueurs et les fans

Au bord du terrain, une sono assourdissante emplit l’espace de ses décibels pour accompagner cette liesse populaire, tandis qu’à l’entrée de la salle, une femme postée en éclaireur guette l’entrée des héros de la ville dans l’arène. Bientôt, à son signal, la cohorte de supporters se met à gesticuler dans tous les sens, emportée par sa fièvre contagieuse. Et un ou deux fumigènes partent alors comme pour annoncer l’arrivée imminente de l’équipe championne de La Réunion.

Les voici ! Gonthier, Adrien, Sanspoil, Rosso, Grondin, Ranguin, Robert, Sam Caw Freve, un à un les golden boys de Saint-André passent au milieu du corridor humain improvisé en leur honneur en tapant des mains pour accompagner la ferveur ambiante. La communion est totale entre les joueurs et leurs fans. Cela faisait deux ans que ces derniers patientaient pour goûter à nouveau à cette émotion-là. Deux ans de manque à espérer que le tintamarre des exploits passés, celui du triplé 2017-2018-2019, retentissent à nouveau à leurs oreilles de supporters mélancoliques, entravés par cette attente interminable liée au Covid.

Ils s’étaient dit que cette hégémonie joyeuse – trois titres d’affilée – ne pouvait pas s’interrompre, après deux ans d’errance sanitaire, que leurs champions restaient bel et bien invincibles, malgré les cicatrices du temps qui passe, les corps qui vieillissent et les esprits qui s’amollissent.
Ce soir, cette foi inébranlable en le talent et le charisme conjugués de leurs protégés est récompensée par un septième titre, le quatrième d’affilée. Alors, quand vient le moment de prendre la parole, Karil Calicharane, l’entraîneur, les remercie du fond du coeur de leur soutien, avant d’entonner leur chant de ralliement à tous. “Et pour Cresso, allez, allez !!!, et pour Cresso, allez allez !!!”

Les marmays sont aux anges, les parents à l’unisson. L’émotion est palpable partout dans la salle et même sur le visage de Didier Ranguin, ce vieux routard des finales, comblé par autant de ferveur et nullement rassasié après cet énième titre inscrit en lettres d’or à son palmarès, glané après un suspense digne des meilleurs Hitchcock. “On a failli y passer, dit-il empli de bonheur. On était mené de deux buts à une minute de la fin. Mais on n’a pas lâché. C’est l’état d’esprit de l’équipe cette année. Au mois de décembre, quand ils (les Saint-Pierrois) nous ont battus (en finale du Trophée de La Réunion, NDLR), on n’avait pas encore un groupe. Et si là, on a pu remonter en prolongations, trouver les ressources nécessaires pour passer devant, c’est parce qu’on a justement un groupe, qu’on bouffe du travail. Karil nous fait bosser. On s’entraîne. On se voit plus entre nous que nos propres familles. Il y a beaucoup d’émotion, ce soir.

”On a su protéger notre titre”

Non loin du rastaman, Ludovic Grondin, qui communie avec les supporters, s’extrait un instant pour dire lui aussi son plaisir immense. “Ça a été dur physiquement et mentalement, lâche le colosse. Mais on a su garder la tête froide jusqu’à la fin en mettant les buts qu’il fallait dans le money time. Pourtant, au début, on a eu du mal à s’adapter à l’arbitrage du binôme métropolitain. On s’est mis tout seul en danger en ratant des ballons faciles. Mais on a résisté mentalement. Car on est un groupe uni, que l’on n’a pas cessé de travailler cette année. Il a fallu en effet reconstruire avec des jeunes, ce qui n’était pas forcément facile. Mais le résultat est là. C’est une grosse satisfaction. On a su protéger notre titre.”

Les jeunes composent en effet la nouvelle fresque de la Cressonnière post-Covid. Ces gamins aux dents longues tels que Arthur Rosso et Jérémy Robert ont “mangé” sans fébrilité apparente cette finale, en se hissant à la hauteur des glorieux anciens du club que sont Grondin, Ranguin et Gonthier. Et preuve qu’à la Cressonnière, les supporters eux aussi se tournent vers l’avenir, après une décennie de domination sans partage d’une équipe que l’on disait vieillissante, c’est Rosso, vingt ans, qui signe encore des autographes, alors qu’il est près d’une heure du matin au Case, à de jeunes supportrices saint-andréennes en lévitation. Signe que dans le coeur de ces fans, la “Cresso” a contrairement à ce que l’on pourrait penser encore de belles heures à vivre devant elle.

Frank Poirier

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