[Humeur] Palper n’est pas fouiller

RAMBO FOLIE

Porter un uniforme ne donne pas tous les droits. Qui plus est quand il s’agit d’un agent de sécurité. A l’entrée des Francofolies à la Saline-les-Bains, les vigiles font du zèle.

A l’entrée des Francofolies, les agents de sécurité font du zèle et fouillent les paquets de cigarettes à la recherche de stupéfiants. (Photos PhN)

A l’entrée des Francofolies, alors que la fouille n’est permise qu’à un officier de police judiciaire, les agents de sécurité d’une entreprise privée se permettent de vérifier les paquets de cigarettes ou tabac, jusqu’au fond des poches des festivaliers, à la recherche de drogues. De zamal en réalité.

Ces agents de la société Papangue Protection sont chargés d’écarter tout objet dangereux, arme ou projectile potentiel. Ce qu’ils font de façon très professionnelle, limite tatillon. Mais ils ont aussi la consigne de traquer le fumeur de joints, un rôle normalement de la seule compétence des police et gendarmerie. 

Sur le site et aux abords, les gendarmes sont pourtant bien présents.

Sur place, nous avons interpelé Jérôme Galabert, directeur du festival, qui tombe de nues, sincèrement étonné. Nous avons alors demandé au responsable de la société de sécurité d’où lui venait la consigne. « De la préfecture et la gendarmerie », nous a-t-il répondu. « Très bien, je vais appeler la préfecture », lui avons-nous promis. « Imaginez que quelqu’un fume à côté d’une famille avec enfants (Ndlr: une foule est-elle vraiment la place d’enfants en bas âge ?), ils seraient incommodés », justifie le gérant. Et quelqu’un qui sentirait des dessous de bras, c’est incommodant aussi pourtant. 

Et puis, il a tenu à nous montrer le panneau listant tous les objets interdits à l’intérieur, une liste beaucoup plus longue même que pour monter dans un avion. Entre les bouteilles en verre et les feux d’artifice, une feuille de cannabis. Tout le monde sait bien que c’est interdit, ici comme ailleurs, mais on peut toujours le rappeler. Ce qu’on ne peut pas faire, c’est se substituer aux forces de l’ordre.

Une liste d’objets interdits plus longue que celle des aéroports.

« En amont du festival, nous organisons une réunion pour définir les tâches de chacun », nous a expliqué la préfecture. « Mais jamais nous n’avons demandé aux agents de sécurité de fouiller les personnes, seule la palpation est permise, ainsi que la fouille des sacs. Sans doute est-ce une incompréhension », nous dit-on après avoir vérifié auprès de la gendarmerie et de la sous-préfecture de Saint-Paul. Une incompréhension déjà observée l’an dernier. Et la préfecture de nous conforter dans l’idée que faire vider ses poches s’apparente fortement, également, à une fouille.

Bien sûr, certains se réjouissent de cet excès de zèle. Bien sûr, la drogue est mauvaise pour la santé et sa consommation n’est pas souhaitable dans l’enceinte du festival. Mais la loi est la loi, elle est prévue pour respecter les libertés fondamentales et très claire sur le sujet. Parce que le fumeur un peu malin trouvera toujours une cachette moins évidente que son paquet de cigarettes pour ranger son joint. Et alors, on fait déshabiller tout le monde ? Pour être sûr ?

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.