Cyroi Cyclotron

La mauvaise gestion du Cyclotron fragilise le dépistage du cancer

Annoncé comme un atout régional pour le dépistage précoce du cancer, le Cyclotron, qui est tombé en panne à la fin de l’année dernière, pourrait devenir le maillon faible de cette filière de santé publique du fait de sa gestion hasardeuse.

Pendant trois semaines, en novembre et décembre 2024, les hôpitaux de La Réunion ont dû annuler des dépistages du cancer à cause d’une pénurie du produit servant aux examens. C’est ce que nous apprend la Chambre régionale des comptes de La Réunion qui a publié ce 10 avril un « audit flash » sur le GIP (Groupement d’intérêt public) Cyclotron Réunion océan Indien (Cyroi).

En effet, depuis 2008 le Cyclotron (créé en 2004), situé à Sainte-Clotilde, fournit les médicaments radiopharmaceutiques indispensables aux examens par TEP scan1, essentiels pour le dépistage et le suivi du cancer par imagerie médicale. Or le cancer est la 2e cause de mortalité à La Réunion.

Cyroi Cyclotron
Le Cyclotron a fourni 4 500 doses de fluorodésoxyglucose (18-FDG) au CHU en 2023.

Son incapacité à livrer les doses attendues par les établissements de La Réunion et de Maurice faisait suite à des microcoupures électriques. Mais cette panne est aussi révélatrice des défaillances de la gestion du Cyclotron. L’information n’est pas passée car, comme le souligne l’audit, « La convention annuelle conclue entre le GIP et le CHU ne prévoit pas au demeurant de procédure d’alerte entre les parties en cas d’incident majeur . »

Confusion entre fonctionnement et investissement

« L’absence de comptabilité analytique, des incohérences dans les documents financiers et une organisation défaillante limitent sa capacité de pilotage stratégique », assène le rapport de la CRC. En 2023, un écart de 471 428 euros est constaté entre les journaux, le grand livre et la balance comptable, alors qu’ils devraient strictement concorder.

Plus grave encore, certaines avances de trésorerie ont été enregistrées comme si elles avaient été perçues, alors qu’aucun fonds n’a été versé. « Il faut relever que cette avance n’a pas été réglée mais elle a été comptabilisée comme si cette somme avait été reçue », note la CRC à propos d’un versement de 600 000 euros.

Constatant que le Cyroi confond les subventions de fonctionnement et d’investissement, les juges préconisent une révision des procédures et de l’organisation financières et comptables afin que le GIP soit en mesure de répondre à la demande grandissante des hôpitaux.

Doublement des besoins

Il a fourni 4 500 doses de fluorodésoxyglucose (18-FDG) au CHU en 2023. La convention conclue pour 2024 prévoit de porter le nombre annuel à 7 000 doses suite à l’acquisition d’une nouvelle tomographie par le CHU qui permet de multiplier par deux le nombre d’examens journaliers. Il faudra aussi diversifier les « produits traceurs » du fait des évolutions des techniques de diagnostic et de prise en charge des patients.

Cyroi Cyclotron
Jean-Pierre Chabriat, président du GIP Cyroi annonce la création d’une ligne de production de secours pour 300 000 €.

« Il est urgent que les décideurs publics puissent disposer d’une présentation de la situation financière claire afin d’effectuer les bons choix stratégiques tout en mesurant leur soutenabilité », insiste la CRC. Dans un courrier adressé à la Chambre, le président du GIP, Jean-Pierre Chabriat a assuré que les recommandations seront suivies, à savoir la mise en place d’une comptabilité analytique, le recrutement d’un responsable administratif et financier, la création d’une ligne de production de secours pour 300 000 € et la sécurisation du réseau électrique et informatique du Cyclotron.

Franck Cellier

  1. La tomographie par émission de positons (TEP), est communément appelée PET-SCAN. Les PET-SCAN ne peuvent pas fonctionner sans médicaments radiopharmaceutiques dont la durée de vie, pour la plupart, est limitée si bien que leurs lieux de production doivent être proches des établissements de santé. ↩︎

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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