[La peste] Et dans la France d’aujourd’hui ?

5 / LES 14 CARACTÉRISTIQUES DU FASCISME

Définir le fascisme n’est pas simple. Loïc Chaux dans notre édition précédente se réfère quant à lui à une liste établie par le sémiologue Umberto Ecco, auteur italien notamment du Nom de la rose, qui relève 14 caractéristiques et éléments discursifs qui sont des signes avant-coureurs du fascisme. Son ouvrage de référence s’intitule « Reconnaître le fascisme »

Et en France, y est-on déjà ? Des signes existent. Et si nous n’y sommes pas encore, force est de constater que de nombreux symptômes de la maladie sont déjà là. Et on n’évoque même pas les violences policières pendant les manifestations. Des violences dénoncées par l’ONU, le Conseil de l’Europe ou encore Amnesty International dans sont dernier rapport, notamment pendant la réforme des retraites, à Sainte-Soline et pour la Palestine; l’organisation interpelle aussi sur l’utilisation de la reconnaissance faciale et les dangers que cela représente. Hier encore, des étudiants étaient nassés devant La Sorbonne alors que cette pratique est interdite.

1 – Le culte de la tradition

La tradition de la relève de la Garde républicaine fait son retour à partir du mardi 7 novembre 2023, rapporte RTL. Un cérémonial, voulu par Emmanuel Macron, pour encourager un retour aux traditions républicaines.

Cette cérémonie avait lieu tous les jours, entre 1909 et 1996, jusqu’à ce que Jacques Chirac y mette un terme. En la réinstaurant, Emmanuel Macron souhaite réaffirmer sa défense des traditions républicaines. « La République c’est une continuité et des cérémonials notamment autour de notre armée. Renouer avec cette tradition perdue, c’est s’ancrer toujours plus dans cette continuité », précise un des conseillers du Président auprès de nos confrères de RTL.

2 – Le refus du modernisme, de la modernité (surtout sociale)

En 2015, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a rencontré notamment ces femmes salariées des grands magasins des Champs-Elysées, lesquelles sont à la pointe du combat contre le travail de nuit. Lors de ce rassemblement, il a affirmé que «le projet de loi Macron est le contraire de la modernité. La modernité c’est de pouvoir profiter de sa famille, de ses amis, de pratiquer des activités dans la vie associative. Mais il faut pour cela augmenter les salaires, permettre aux salariés de consommer pour redresser l’économie et réduire le temps de travail.» 

Deux ans plus tard, certains remarquaient que la start up nation et l’Etat considéré comme une plateforme, sous couvert de modernisme, reprenait l’idée très ancienne de la technologie pour logiciel politique. Une idée qui remonte au XVIIe siècle et au philosophe auteur du Léviathan Thomas Hobbes.

3 – Le culte de l’action pour l’action, (penser est suspect, la culture aussi, les universités sont un repaire de communistes)

Opérations « place nette XXL » sur les point de deal, Wuambushu, qui veut dire « Tue-les » en swahili, ou, à Mayotte, pris dans le sens de « reprise » (en main), et bien d’autres encore. La liste est longue de ces actions de pure communication tant on sait que le problème contre lequel on lutte ne sera pas réglé. Mais ça, ce serait penser…

4 – La condamnation de tout désaccord, (dissentir est trahir)

On le voit dans la criminalisation des mouvements syndicaux ou écologistes. Nombreux sont ceux poursuivis au nom de lois antiterroristes dévoyées avant ou après des manifestations. Mais juste avoir une opinion différente suffit parfois, comme Mathilde Panot en fait les frais actuellement. « La convocation par la police de la présidente du groupe LFI à l’Assemblée est la dernière illustration d’un dévoiement de la notion d’«apologie du terrorisme» pour brider la légitime liberté d’expression des militants et responsables politiques », assure Jonathan Bouchet-Petersen dans Libération).

Le SNU (service national universel) ou l’obligation du port de l’uniforme à l’école vise également à effacer toute originalité, toute expression d’une pensée différente. 

5 – La peur de la différence, la xénophobie  

Loi asile et immigration de 2023: « Les quelques mesures décrites comme protectrices ou à même de favoriser l’intégration des personnes étrangères sont très clairement insuffisantes voire pour certaines dangereuses et contre-productives. Quant aux autres, fondées sur une approche sécuritaire et répressive, elles alimentent des fantasmes qui associent immigration et délinquance et mettent en péril la cohésion sociale », dénonce la Cimade.

6 – L’appel à la frustration ressentie (à tort ou à raison) par les classes moyennes 

Grèves à la SNCF ou des aiguilleurs du ciel : on stigmatise les combats sociaux en parlant de « privilégiés » qui pleureraient « la bouche pleine ». « C’est de la faute des syndicats si vous ne pouvez partir en vacances », nous dit-on en boucle sur les chaînes de télévision d’information en continu.

7 – Le nationalisme, (qui passe par l’obsession du complot étranger/international, mais aussi du complot des ennemis de l’intérieur)

«Le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme. Le nationalisme en est sa trahison», a déclaré Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 devant les dirigeants du monde entier. D’accord, mais là, on joue quand même un peu sur les mots.

8 – L’adversaire est opulent, dépravé, décadent, à la fois trop fort et trop faible

Après les retraites, bien trop avantageuses au goût de notre gouvernement, revoilà le chômeur pointé du doigt. 

Les règles de l’assurance chômage ont déjà été durcies deux fois, depuis qu’Emmanuel Macron est Président. 

L’exécutif va prendre un décret de carence – comme en 2019 ― pour fixer lui-même les nouvelles règles d’indemnisation chômage à compter du 1er juillet 2024 et pour les trois ans à venir. La piste principale est celle d’une réduction de la durée d’indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois maximum, elle était de 24 mois encore récemment. Le contenu du décret sera établi après une concertation avec les interlocuteurs sociaux alors qu’un accord interprofessionnel sur une nouvelle convention Unédic avait été trouvé en novembre dernier entre trois organisations syndicales (dont FO) et le patronat,. « Une concertation n’est pas une négociation, souligne Michel Beaugas,  secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi. C’est un coup de massue politique sur la gouvernance paritaire de l’Assurance chômage. Cela montre que le gouvernement n’en voulait pas. Il a profité d’artifices législatifs pour reprendre définitivement la main. Et c’est un pan entier de la protection sociale paritaire qui va tomber. »

9 – La haine de la paix, (parce que la vie doit être une guerre permanente)

Même quand l’ennemi est invisible et insaisissable, un virus en l’occurence… « le pays est en guerre ». 

Et que dire des voeux d’Emmanuel Macron le 31 décembre dernier, où il cite sept fois le mot réarmement, pour des sujets aussi divers que l’économie, les services publics, le civisme, l’Etat, la nation, l’industrie… et la natalité deux semaines plus tard.

10 – Le mépris des faibles

D’après un sondage Elabe pour BFMTV publié en mai 2023, 68% des sondés considèrent que le terme «méprisant» «s’applique bien» à Emmanuel Macron.

Traverser la rue pour trouver un travail, ou faire le tour du Vieux port de Marseille pour en trouver dix, ne sont que deux exemples d’une très longue liste, où l’on retrouve des « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux. », « Une  gare, c’est  un  lieu où on  croise les  gens qui réussissent et les  gens qui ne sont rien. » « Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent. », etc.

11 – Le culte de l’héroïsme, (uniquement conçu comme le culte du sacrifice ultime, de la mort)

Nombreux sont les statures historiques récupérées par la communication présidentielle. Notamment les panthéonisations de personnalités bien loin de sa vision politique comme Missak Manouchian et sa femme après Simone Veil, Maurice Genevoix et Joséphine Baker. Nicolas Sarkozy avait fait la même chose avec Guy Moquet. 

12 – Le machisme et la condamnation de toute déviance de la norme sexuelle hétéro-masculine (liberté sexuelle, homosexualité, transidentité, etc.)

Là, pour le coup, en dehors de notre ministre de l’Intérieur qui cultive une image machiste, le pouvoir actuel ne peut être soupçonné de ces caractéristiques tant ils sont nombreux au gouvernement à afficher leur homosexualité. Pour autant, les violences anti-LGBTQ+ se multiplient en France dénonce Amnesty International.

13 – La négation de la volonté démocratique commune, (le leader en étant le seul interprète valable, ce qui mène au culte du chef, à l’anti-parlementarisme et au rejet de la démocratie réelle)

La Première ministre Élisabeth Borne, à elle seule, a eu recours vingt fois à cet outil constitutionnel en un an et demi. Soit un record sous la Ve République sur un tel laps de temps. Les ordonnances et décrets, largement utilisés, sont aussi une façon de se passer de l’avis des parlementaires.

14 – La novlangue orwellienne (qui, pour rappel, n’est pas le fait de créer de nouveaux mots pour désigner de nouvelles choses, mais de réécrire le sens des mots existants)

Le sujet de la novlangue macronienne n’est même pas un sujet tant notre président ne parle qu’en ces termes. Ce sujet a quand même fait l’objet d’un livre (Décrypter la novlangue d’Emmanuel Macron et de l’ultralibéralisme de Marc Weinstein aux éditions Réal) et de nombreux articles comme dans l’hebdomadaire Marianne du 3 janvier 2019 : « En écoutant l’interview matinale d’un ministre d’Emmanuel Macron, il arrive fréquemment que l’auditeur encore un peu endormi se retrouve assommé par une déferlante de termes abscons et d’injonctions aussi volontaristes dans leur ton qu’obscures dans leur fond. On lui explique ainsi que « la transformation du pays » est en route, que « le cap est tenu » et que « l’ambition réformatrice » est plus « forte » que jamais. Le « projet », c’est « l’émancipation » et « le progressisme ». Il faut donc mettre fin à « l’assignation à résidence » et favoriser « l’inclusion » à travers la « coconstruction » de solutions. Pour effectuer un tel « changement de logiciel », on mettra bien sûr en place une « gouvernance » appropriée au terme d’une « grande concertation territoriale » favorisant un « dialogue horizontal ». Et on fera évidemment appel à l’inévitable « société civile » et aux désormais indispensables « premiers de cordée »…

Philippe Nanpon

+

Le fascisme en France aujourd’hui. Le fascisme à La Réunion. La montée du fascisme. Combattre le fascisme.

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

Articles suggérés