« La jeunesse réunionnaise est notre bien le plus précieux »
La Région Réunion a tenu ce mardi 29 juillet 2024 une conférence de presse pour présenter les transformations de ses dispositifs d’aides aux étudiants. Le but de cette réforme est de permettre à un maximum de Réunionnais de vivre dignement durant la période de leurs études, malgré la précarité de beaucoup de foyers et le coût de la vie sur l’île, car être étudiant n’implique pas nécessairement une vie précaire.
Une réforme ambitieuse
Pour beaucoup de Réunionnais, ce chemin vers l’obtention de ce diplôme est semé d’obstacles, dont le plus important est le coût des études supérieures. C’est cela qui a amené le conseil régional à revoir à la hausse les aides aux étudiants, cela malgré la situation financière difficile de la Région – notamment due aux coupes du budget du ministère des Outre-mer en 2025, qui a été réduit de 250 à 400 millions d’euros, entraînant mécaniquement une baisse des crédits d’État sur les programmes dédiés aux Outre-mer.
« Un diplôme supérieur, c’est plus qu’un parchemin, c’est une clé vers l’indépendance, l’autonomie, la dignité »
Huguette Bello, Présidente de la Région Réunion
La Région a voté un amendement qui consacre 1,5 million d’euros en plus aux étudiants que l’année précédente. Ainsi, entre 2025 et 2026, 15 millions d’euros vont être investis pour les étudiants réunionnais sur l’île et en métropole.
Cet effort est cofinancé par la Région Réunion et le programme européen pour la Réunion FEDER FSE+ 2021-2027, deux fonds européens qui soutiennent le développement économique, social et territorial des régions de l’Union européenne.
Revaloriser, simplifier et élargir les aides
Cette refonte des aides répond à trois enjeux majeurs : le renforcement du pouvoir d’achat des étudiants, l’amélioration de l’accès aux aides par une meilleure lisibilité, et l’élargissement des aides à plus de Réunionnais par une prise en compte plus juste des situations familiales.
D’abord, en ce qui concerne le pouvoir d’achat, la Région a décidé de revaloriser et d’équilibrer le montant de plusieurs aides. L’Allocation régionale d’études supérieures (ARES) va être portée à 1 000 € par an – contre 500 € auparavant – pour les étudiants restant sur l’île. Pour les étudiants en métropole, elle passera de 900 € à 1 500 €.
La même chose pour l’Allocation de première installation (API), qui va être quadruplée pour atteindre désormais 1 500 €, contre 400 € précédemment pour ceux s’installant à La Réunion.
En revanche, elle baisse drastiquement pour les Réunionnais s’installant en métropole, passant de 3 200 € avec l’APIER (Allocation première installation équipement régional, nom de l’ancien dispositif) à 1 700 €. Elle baisse aussi légèrement pour les étudiants réunionnais poursuivant un cursus en Europe ou à l’étranger, passant de 4 600 € à 4 000 €.
La Région a donc choisi de rééquilibrer les aides en faveur des étudiants sur l’île.
Pour la lisibilité des dispositifs, le conseil régional a décidé de les simplifier en les regroupant pour les faire passer de douze à six, là où autrefois les aides à l’installation étaient éparpillées en fonction des filières (les filières sanitaires, sociales et paramédicales dépendaient d’une aide spécifique : AFPR, Allocation aux filières relevant de la priorité régionale).
Ce changement doit s’accompagner d’une refonte de la plateforme en ligne dédiée, qui doit être simplifiée pour des démarches plus fluides.
Enfin, toujours dans une démarche de simplification mais aussi d’élargissement des aides, la Région a décidé de fonder l’attribution de ces aides sur un seul critère de ressources : le quotient familial, qui doit être inférieur ou égal à 30 000 €, et ne pas dépasser le plafond d’un revenu imposable de 95 610 €.
De trois critères de ressources différents en fonction des aides demandées, on passe à un seul pour toutes les aides, ce qui facilite grandement les démarches. Par l’établissement de ce nouveau critère, la Région cherche à intégrer les petites classes moyennes et classes moyennes aux catégories sociales pouvant prétendre à ces aides. Selon la présidente de Région, ces personnes seraient les « ignorés du CROUS », qui, par des critères administratifs trop stricts, ne peuvent prétendre à des aides alors qu’ils en ont besoin.
Selon les calculs de la Région, l’ARES et l’API devraient concerner 4 000 étudiants à La Réunion, 3 000 en métropole et 500 en Europe et à l’étranger.
Des dispositifs après les études
La conférence fut aussi l’occasion de discuter des projets futurs de la Région, notamment pour la période post-diplôme des étudiants réunionnais.
D’abord, la réforme marque le maintien des dispositifs de remboursement des prêts étudiants, avec un changement du plafond de prise en charge pour les étudiants sur l’île, qui passe de 1 600 € à 3 675 € – un alignement sur celui des étudiants en mobilité hors île.
Cependant, le conseil régional a aussi présenté son projet de contrat post-doctorat et contrat post-master, une aide qui permettrait aux jeunes diplômés de s’insérer efficacement dans les réseaux du monde académique et professionnel.
Les angles morts de la réforme
La conférence a aussi révélé les impensés de la réforme. La question des aides pour passer le permis de conduire a été mise sur la table, sur une île où il est encore nécessaire pour beaucoup d’étudiants trop éloignés ou mal reliés aux transports en commun d’avoir une voiture pour se déplacer et accéder à l’éducation.
Le conseil régional a choisi une autre voie : celle du transport en commun et de l’aménagement des campus et logements étudiants avec l’objectif d’avoir des logements situés près de l’université ou à côté des lignes de bus. Et puis, comme l’a rappelé Huguette Bello, « il y a le train qui arrive ». En attendant, la présidente de Région mise sur l’achat de 72 bus viendront fluidifier le trafic sur l’île ainsi que sur les offres spéciales pour les étudiants, qui peuvent prendre les cars jaunes et autres bus de l’île gratuitement.
« Nous avons choisit un autre cheval de bataille pour l’instant, c’est de se mobiliser davantage sur les transports collectifs pour les étudiants »
Jean-Pierre Chabriat, Conseiller régional
Mais il y a surtout le sujet des jeunes en contrat d’apprentissage. Ceux-ci ne possèdent pas le statut d’étudiant et aucune mesure n’a été annoncée pour eux. Ils vont donc rester sur le même régime d’aides qu’auparavant.
Enfin, dans toutes ces mesures, il y en a une qui semble manquer le plus : la mise en place de dispositifs de retour des étudiants sur l’île. Pourtant, ces dispositifs entrent totalement dans la période de fin d’études à laquelle la Région semble s’intéresser, notamment avec les contrats post-doctorats et post-masters.
« Notre avenir, c’est aussi leur avenir, accompagner les jeunes ça n’est pas une dépense, c’est un investissement » a déclaré Huguette Bello au début de la conférence. Mais que se passe-t-il s’il n’y a jamais retour sur investissement ?
Mathieu Belluteau
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