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[L’Eko la Ravine] 100 patates et une dignité perdue

Une fois de plus, à l’image des Rois mages, Le gouvernement par sa cheffe, Elisabeth Borne, est venu nous rendre visite les bras chargés de cadeaux. Elle n’a pas dérogé aux principes des visites républicaines. Et le pouvoir local par sa complaisance lui a bien rendu la politesse.

100 et quelques millions contre un plan de communication loin des cancans (elle en avait besoin), c’est cher payé. Pas une casserole dissonante dans le champ visuel, quelle performance en regard des sorties métropolitaines bruyantes ! On n’est pas encore au stade des films du box-office mais on voit bien que le cadrage comme les périmètres d’interventions ultra sécurisés sont réglés avec attention.

Quel intérêt de venir faire un show à 10 000 bornes de Matignon et de gratifier les Réunionnais via nos élus de « coups de pouce » ? 

Réhabilitation de logement sociaux, deux demi-lycées (de la mer et du tourisme), projet MEREN (Mobilisation des Ressources en Eau des micro régions Nord et Est), brigades de gendarmerie… Ok, mais pas un mot sur le chômage, la vie chère ni sur le passage en force de la réforme des retraites qui a agité le pays ces deux derniers mois. Où est passée la NUPES ?

Le paquet de millions vaut bien une réception solennelle en grande pompe et avec déférence dans les meilleurs endroits de l’Ile.

Ce qui a du mal à passer par contre c’est le mépris pour le petit peuple comme si on ne devrait être attentif et réceptif qu’aux élus, chefs d’entreprises, Medef et compagnie prenant en « otage » quelques Réunionnais du terroir pour le folklore !

Que valent 100 patates pour des centaines de milliers de salariés qui vont « en baver » 2 ans de plus et dans des conditions qui ne cessent de s’aggraver ? Pour des centaines de milliers de chômeurs et précaires qui n’arrêtent pas de tirer la langue en faisant les courses, pour des jeunes de plus en plus nombreux à s’exiler et à broyer du noir… ?

Gouverner ce n’est pas faire des cadeaux à ses (faux) amis(es) ni s’acheter une virginité ou la paix sociale même si certains projets doivent être financés. Gouverner en ce qui nous concerne c’est réduire les inégalités, partager le travail, contrôler les marges commerciales abusives, réduire les salaires et primes exorbitants de certaines catégories professionnelles, offrir des conditions de vie décentes aux plus précaires en augmentant les minima sociaux, redonner de la valeur au travail, appliquer la même justice pour tous, veiller à l’équilibre de la population… et respecter la démocratie.

Ce genre de « sortie » sert surtout à redorer une image ternie par une gestion calamiteuse du gouvernement depuis des mois tout en achetant le prix du silence.

Mais perdre un peu de notre dignité pour quelques sous c’est cher payé aussi.

Georges Ah-Tiane pour l’Eko la Ravine

A propos de l'auteur

Georges Ah Tiane | Reporter citoyen

Georges Ah-Tiane est impliqué dans la vie associative depuis 1990. En France où il a vécu de nombreuses années, il s’est investi dans la promotion de la culture réunionnaise au travers de nombreux biais : en créant des associations, en enseignant le créole, en mettant en avant le patrimoine culinaire péi ou encore la musique. Il a créé des ponts entre La Réunion et la diaspora installée en France. Il a participé à une radio associative pendant douze ans avant de créer des fanzines ou petits journaux, « carry créole », « la lettre d’art’s ». De retour à La Réunion, il s’est impliqué dans la langue créole et « la conscientisation », avec l’objectif d’analyser la société réunionnaise, comprendre son fonctionnement. Dans le but de « voir quels sont les freins et comment les contourner pour aller de l’avant ». Cette chronique hebdomadaire fait suite à la gazette “kreo-lutionnaire” imprimée, l’Eko la Ravine, qu’il a tenue entre 2019 et 2020.