exposition Nous et les autres racisme collège Plateau-Caillou

[Malaise] Le racisme à toutes les sauces

EXPOSITION OU SALON

Une exposition succincte au collège, un salon d’entreprenariat, ou comment la lutte contre le racisme prend parfois des chemins de traverse qui laissent un sentiment de gêne.

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« Une exposition sur le racisme dans les établissements scolaires, à quoi ça sert sur une île qui ne connait pas le racisme ?» C’est sur ces mots un peu provocateurs que nous avons interpellé les organisateurs de l’exposition Nous et les autres inaugurée mardi au CDI du collège de Plateau-Caillou. Jusqu’en mars 2024, cette exposition parcourt toute l’île, de collèges en lycées, et cherche de nouveaux sites d’accueil au delà, établissements scolaires, médiathèques et autres. 

Pour autant, Christian Boyer, président de la ligue de l’enseignement qui gère le parcours de cette exposition réalisée par le musée de l’Homme à Paris, la question n’est pas si ridicule : « Même si notre histoire semble dire le contraire, même s’il y a du métissage, cette histoire est le fruit de la discrimination, de représentations liées à l’esclavage et à l’engagisme ». Nous ne sommes en effet pas à l’abri de ces instincts primaires, il n’y a qu’à voir comment ont été accueillis les migrants sri-lankais par une partie de la population réunionnaise. Christian Boyer dénonce du même coup la « montée des populismes qui bat en brèche l’universalisme républicain ». Et souligne la jeunesse de notre population dont 25% sortent de l’école sans diplôme (contre 16% pour toute la France), « une situation qui rend perméable aux discours de haine et de rejet ». 

Pour autant, une fois que l’on a dit que le racisme est puni par la loi, que l’espèce humaine ne comprend pas de races (notion réservée aux animaux d’élevage) et que les préjugés mènent au racisme et à la discrimination, eh bien on a fait le tour. Nous aurions aimé une exposition un peu plus explicative, notamment sur l’histoire. Comment, par exemple, est né le préjugé du Noir qui n’aime pas travailler, l’image de l’Africain dormant sous un cocotier. Un préjugé qui perdure. Alors que cette image a été créée de toute pièce quand les pays colonisateurs ont voulu justifier le travail obligatoire dans les colonies auprès de leurs populations métropolitaines ; c’est juste une histoire de propagande, exactement (toutes choses égales par ailleurs) la même qui fait dire à nos gouvernants que les chômeurs ne sont pas des victimes mais des profiteurs du système afin de réduire leurs droits.

Quelques dessins humoristiques illustrent l’exposition. S’il est bon de rappeler que nous tous pouvons être victimes de ces préjugés, comme dans le film Tellement proches où Omar Sy, qui joue le rôle d’un médecin hospitalier, est pris pour un aide soignant par un usager à cause de sa couleur de peau, on éprouve de la gêne à la blague d’une famille maghrébine qui se prépare à accueillir le petit ami de la jeune fille. Le dessin est très drôle mais, dans le contexte, évoque maladroitement un « racisme anti-Blancs » un peu trop proche des idées de l’extrême droite.  

Pour autant, cette exposition au ton un poil académique, est toujours bonne à prendre et nous lui souhaitons, malgré ses imperfections, une longue vie partout à La Réunion. Surtout dans une île où, d’après le défenseur des droits, 1 000 dossiers sont traités à l’année dont 100 pour discrimination. « Le refus d’embauche au faciès, ça existe, 100 plaintes sont déposées par an », souligne Brian Touré, le représentant de la préfecture chargé de mission aux politiques de lutte contre les discriminations.

Philippe Nanpon

Kafpreneur, un salon d’entreprises d’afro-descendants

Récupération commerciale ? Mélange des genres ? Hommage sincère ? Avec le salon Kafpreneur programmé le 9 décembre à Sainte-Suzanne, on s’interroge. Pour autant, sa promotrice Aimée Diagne de Gaayar Expertise nous a expliqué le sens de son initiative.

affiche salon kafpreneur
  • Aimée Diagne, vous organisez le salon Kafpreneur, contraction de Kaf et d’entrepreneur. N’avez-vous pas peur que la démarche soit taxée de communautarisme ?
  • Ce nom est une référence au 20-Décembre. Comme la fèt’Kaf, l’événement s’adresse à tout le monde. D’ailleurs, nous n’avons pas sélectionné nos exposants à la couleur de leur peau, certains sont kaf, certes, d’autres métis, ils reflètent la diversité réunionnaise. 
  • Pourquoi alors cette référence ?
  • C’est un hommage aux ancêtres. Non pas dans le sens religieux, mais pour affirmer que les descendants d’esclaves ne sont pas cantonnés aux plus basses tâches. Il y a c’est vrai un côté spirituel à la démarche, un devoir de réparation que nous devons à nos ancêtres. Nous parlons aussi de perte d’identité, de traumas, de confiance à retrouver. Il nous faut montrer que les afro-descendants sont tout aussi capables de réussir que les autres. C’est important de donner des modèles, des références aux jeunes générations, de ne plus se morfondre dans la faible estime de soi. 
  • Ce salon Kafpreneur est une façon de lutter contre un complexe d’infériorité ?
  • Contre les préjugés oui. Les préjugés que l’on s’impose à soi-même, l’idée très réunionnaise qu’il faut faire du pas cher pour réussir. Ma chance, c’est d’avoir travaillé pour Loréal à Paris, je veux dire et montrer que cette idée que l’on se fait de nous-même est erronée. Par exemple, ces doutes et cette appréhension du risque n’existent pas à Mayotte, cela montre que ce sont des héritages malheureux de notre passé. Nous sommes capables et nous n’osons pas. Nous sommes capables alors faisons-le ; il faut se dire : « Pourquoi pas moi ? » C’est aussi une démarche contre la victimisation.
  • A propos de victimisation, et de difficulté à entreprendre quand on est kaf, vous avez des exemples concrets de discrimination ?
  • Des cas concrets oui, il y en a. Sans aller chercher bien loin, mon mari s’est vu refuser des prêts à la banque pour ouvrir un resto burger à Saint-Benoît malgré un bac plus cinq, malgré une école de commerce, malgré un apport…

Propos recueillis par PhN

Kafpreneur est une édition spéciale entrepreneuriat en amont de la Fèt Kaf autour d’entrepreneurs afro-descendants qui témoignent de leur parcours pour inspirer la jeunesse réunionnaise. Cette édition aura lieu le 9 décembre au centre de Moring Sudel Fulma à Ste Suzanne en partenariat avec des jeunes entrepreneurs engagés et reconnus : DJ DAN WAYO, NIKOO PROD, GAYAR EXPERTISE, L’ATELIER DE FLO, BATAY KOK, TRESOR D’AFRIQUE. Au programme : débats, musique, ateliers

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.