[Musique] Ousanousava en version symphonique

ENTRETIEN AVEC BERNARD JORON

Bernard Joron se lance un nouveau défi et nous offrira plusieurs spectacles accompagné par l’orchestre de Région.

A la Réunion, quand on évoque le nom Joron, « tou d’moun i koné ». Le papa Jules, ségatier reconnu, a écrit et composé des textes qui font partie de notre patrimoine et sont régulièrement chantés sur les scènes réunionnaises, notamment par ses enfants. Le groupe Ousanousava est incontournable, connu de tous et écume les scènes réunionnaises depuis maintenant bientôt 40 ans. Frédéric mène désormais une carrière solo. Bernard et François continuant à faire vivre Ousanousava avec des musiciens fidèles au groupe depuis des années.

Une voix, un interprète hors pair

Bernard, guitariste et trompettiste, est aussi parolier, et un formidable interprète qui se produit souvent avec d’autres, et aime reprendre les chansons de son enfance, celles qu’ils écoutaient avec papa. Qui a oublié le formidable album « De Brassens à Nougaro » ? Mais il est aussi ouvert à de nombreux projets, avec d’autres artistes, avec des scolaires, …

Le dernier en date : 3 concerts (au moins) avec l’orchestre philharmonique de Région à propos duquel il s’est confié à Parallèle Sud.

« Je suis ouvert à plein de genres musicaux… »

« Vous aimez les défis… « De Brassens à Nougaro » en était un, on vous a vu dernièrement au festival Africolor (à Paris avec un univers musical très différent de celui d’Ousanousava (la vidéo Fonker Silence en maloya mode blues circule sur les réseaux). Vous vous produisez souvent avec d’autres artistes, mais ce projet est quand même un projet très atypique… »

Bernard Joron : C’est vrai, j’aime bien passer sur différents registres. Et j’essaie de ne pas me laisser enfermer dans un seul modèle. Je suis ouvert à plein de genres musicaux et quand un style musical me plait, si je suis capable de m’y exprimer, je le fais… Ce projet avec l’Orchestre philharmonique est vraiment particulier et j’avoue être très enthousiaste à l’idée d’y adhérer !

Qui a eu cette idée, de quand date ce projet, comment se monte-t-il dans le temps ?

Ce concept « carte blanche » à un artiste Réunionnais, existe depuis déjà plusieurs années. Des artistes tels que Davy Sicard, Maya Kamaty, Tine Poppy, ou dernièrement Thierry Gauliris, s’y sont déjà frottés. C’est un projet propre au Conservatoire Régional de La Réunion.

L’idée étant de mettre les instruments symphoniques au service de la musique réunionnaise. Ce qui propose une double gymnastique : Pour la musique réunionnaise d’abord, en l’amenant à être interprétée d’une manière totalement différente, et pour les musiciens de l’orchestre philharmonique d’autre part qui se voient orientés vers un style musical qui ne fait pas du tout partie de leur répertoire habituel…

Cette carte blanche m’a été proposée il y a un an (en mai 2023). Une année pour le faire naître et le laisser grandir :

Il fallait d’abord choisir les titres qui seront joués. Les chansons étant arrangées et donc légèrement rallongées, pour un concert d’environ 1h30, il n’y a la place que pour 10 ou 12 titres… J’ai puisé dans le répertoire d’Ousanousava et de Jules Joron (un réservoir de plus de 120 chansons !).

Différents critères ont orienté mon choix : que tous les auteurs-compositeurs du groupe soient dans la liste, varier les rythmes binaires et ternaires, varier les tonalités, veiller à ce qu’il y ait des textes en créole et en français, penser à des dynamiques différentes entre chansons douces et chansons plus enlevées, et tenter de ne pas omettre les titres phares du groupe… Terrible gymnastique ! J’en ai choisi 11.

Il faute ensuite choisir un arrangeur, quelqu’un qui sache écrire pour ce genre d’orchestre. C’est un exercice exigeant et très particulier. Je l’ai proposé à un ami musicien de Paris, Christophe Cagnolari, qui a accepté d’emblée… Il a fait un travail exceptionnel.

Un va-et-vient permanent a alors commencé entre Christophe Cagnolari et moi-même pour s’ajuster sur chacun des titres, faire des choix d’arrangements, enregistrer des maquettes, etc… Une fois les partitions écrites, nous les avons transmises au chef d’Orchestre, Thierry Boyer directeur du Conservatoire qui se les a appropriées d’abord, puis s’est chargé de les envoyer à chaque musicien.

Vient ensuite le temps des répétitions et des concerts.

Chanter accompagné par un orchestre comme celui-là, cela exige un certain nombre de contraintes comme l’impossibilité d’improviser et de se tenir strictement à la musique. Mais c’est sans doute aussi un plaisir très différent ? »

C’est un exercice très spécial : C’est important d’interpréter sa partition à la lettre, jouer chaque note comme elle est écrite, respecter le temps et la durée des phrases musicales, ne pas empiéter sur le « temps de parole » des autres étant donné que les partitions de chaque instrument sont écrites dans un souci de complémentarité l’une par rapport à l’autre…

J’ai demandé à intégrer 3 musiciens d’Ousanousava dans ce projet : Partick Atide à la guitare, Guillaume Dejean au violon et Frédéric Tossem à la contrebasse. Nous nous plions tous les 4 à la même exigence de rigueur. C’est extrêmement enrichissant.

Une tournée ou d’autres concerts sont-ils prévus. On verra un peu moins Ousanousava ces prochains mois ?

Pour l’instant, avec cette « carte blanche », il n’y a que 3 concerts prévus. Le groupe Ousanousava continue son petit bonhomme de chemin, on se produira en Septembre aux Francofolies de La Réunion avec notre répertoire habituel.

Après ce beau projet, d’autres projets en vue ?

On espère une tournée en métropole avec Ousanousava en 2025. Pour ma part je pilote également un projet particulier avec 4 artistes réunionnais (Gwendoline Absalon, Harry Périgoine, Idris Judith « Kaf marron », Teddy Doris) dans le cadre du festival Sete Sois Sete Luas autour d’un répertoire mêlant chanson créole, française, anglaise, espagnole, portugaise, cap-verdienne… Très beau projet également.

Propos recueillis par Dominique Blumberger

Premiers concerts au théâtre Champ Fleuri à Saint Denis (22 Mars), Luc Donat du Tampon (23 Mars) et à la salle Gramoune Lélé de Saint-Benoît (24 Mars)

Ils en parlent

Patrick Atide (guitariste d’Ousanousava) : « Je suis très heureux de participer à ce projet. Cela fait travailler différemment et pousse à sortir de sa zone de confort. C’est un challenge motivant que de pouvoir jouer avec un orchestre d’une telle envergure. »

Frédéric Tossem (professeur de musique, bassiste et contrebassiste d’Ousanousava) : « C’est en tant que contrebassiste que je me joins à ce projet du CRR et c’est bien évidemment avec un immense enthousiasme que j’envisage cette aventure. Bernard Joron me fait encore une fois l’honneur d’apporter ma contribution à cette relecture du répertoire d’Ousanousava et je compte en profiter au maximum.
Lors d’une discussion avec Bernard il nous confia son bonheur de pouvoir réaliser cette carte blanche en mémoire à son papa, Jules Joron, qui était un grand amoureux de la musique classique et qui au fil des années, lui a transmis son amour pour cette musique
 ».

 

Liens :

Fonker Silence en version maloya/blues lors du festival Africolor : https://www.facebook.com/watch/?v=1395967980989965

De Brassens à Nougaro (extrait St Paul 2011) : https://www.dailymotion.com/video/xjtgis

Ca mon pays en version insolite (duo) :  https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=BERNARD+JORON+YOUTUBE

A propos de l'auteur

Dominique Blumberger | Reporter citoyen

Ancien enseignant et directeur à la retraite, Dominique Blumberger a rejoint les rangs de Parallèle Sud quelques mois après son lancement. Passionné de musique, gros lecteur, il propose d’ailleurs souvent des avis sur ce qu’il a lu, il affectionne plus particulièrement les portraits et les reportages.