« On stigmatise les consommateurs, on les fait culpabiliser »

2 (SUITE) / ZAMAL TOUT KOULÈR

Suite de l’interview précédente au sujet du cannabis à La Réunion avec le docteur David Mété et Jacques Navon, deux professionnels de santé. Dans cette deuxième partie d’interview, nos interlocuteurs évoquent l’histoire du cannabis sur l’île, ses effets sur la santé. Ils se montrent très critiques sur la répression et déplorent le dernier clip diffusé par le gouvernement qui stigmatise les consommateurs.

Le problème majeur que constatent Jacques Navon et David Mété, professionnels de santé en addictologie, c’est la manière dont le phénomène du cannabis est géré. En effet, ils citent tous les deux comme exemple le dernier clip diffusé par le ministère et Bruno Retailleau. Une vidéo qui fait culpabiliser les consommateurs. C’est tout sauf la solution pour Jacques Navon, « quand on stigmatise une partie de la population, comme c’était le cas dans les années 80 pour le sida, les gens se cachent. S’ils se cachent, c’est plus compliqué de les aider et de savoir ce qu’ils consomment ».

De plus, cette stigmatisation est selon eux contre-productive. David Mété, médecin et responsable du service d’addictologie au CHU de Bellepierre nous dit : « On réprime, du coup d’autres créent des drogues de synthèse qui ne sont pas dépistées […], qui sont bien plus dangereuses comme HHC ou les autres molécules modifiées, et plus puissantes comme le tabac chimique. […] Ça crée des réseaux parallèles et ça ramène d’autres choses. Quelque part, une légalisation contrôlée avec la répression de certains usages tels que : ne pas en vendre aux mineurs, ne pas être « stone » au volant, au travail. Ça permettrait de savoir ce qu’on fait, de savoir ce qu’on vend, ça génèrerait de l’argent, qui peut servir à faire de la prévention, au lieu d’alimenter le marché noir ».

La France diabolise le cannabis ?

Sans inciter à sa consommation et en exposant tous les risques qui peuvent y être liés, ils comparent la substance à une autre drogue, l’alcool, qui peut avoir des effets et une dépendance bien plus néfaste. C’est ce qu’on entend avec l’exemple concret du docteur Mété : « Je me rappelle très bien d’un patient comme ça qui me dit : « le juge m’envoie car j’ai fumé un joint, mais j’ai dit au juge que ça devrait être légal. Suite à ça, il m’a mis la peine la plus forte de la fourchette. Mais moi, quand j’étais jeune, mon père buvait son litre de rhum, il frappait ma mère, personne n’est intervenu. Moi, je suis là, je fume un joint et je me retrouve là, vous trouvez ça normal docteur ? » Qu’est-ce que vous voulez dire à un jeune comme ça ? Bien sûr que non, ce n’est pas normal. »

Du côté de l’accompagnement des usagers qui souhaitent se faire aider à La Réunion, les deux confrères se disent plutôt satisfaits. Dans l’ensemble, l’île dispose de centres et services d’addictologie un peu partout, mais Jacques Navon remarque quand même une amélioration possible. « On a un CAARUD à Saint-Paul, mais c’est le seul. Ça serait intéressant d’en avoir un dans le Nord et dans l’Est. C’est des endroits que les usagers fréquentent, ils peuvent être abordés par des infirmiers ou des assistants sociaux, éducateurs, qui peuvent faire émerger une demande de soin, ou que les gens prennent conscience qu’ils sont dans des usages réguliers qui pourraient être délétères. »

Rendez-vous sur Youtube pour l’interview complète.

Etienne Satre

Zamal tout koulèr

Parallèle Sud se lance dans une série sur le zamal à La Réunion. De près ou de loin, tout le monde a une histoire en tête au sujet du cannabis. Nous sommes tous concernés. Notre objectif c’est d’en parler sans tabou et sans crainte. Ouvrir les yeux sur un phénomène de société qui traverse les siècles. Nous donnerons la parole, anonymement ou à visage découvert, à un maximum d’acteurs de cette histoire, ce drame, ce trafic, cette industrie, cette question de santé publique, cette culture, cette agriculture, cette identité, etc. La vie de beaucoup de gens est mêlée à cette plante. Il va de soi que les informations, images ou articles présentés dans ce dossier sont uniquement à but informatif et ne constituent en aucun cas une incitation à la consommation de cannabis. De même, nos interlocuteurs expriment leurs propres opinions qui peuvent être contredites.

A propos de l'auteur

Etienne Satre | Etudiant en journalisme

Etienne Satre a rejoint l'équipe en janvier 2024 en tant qu'apprenti journaliste. Il étudie à l'Institut de l'image de l'océan indien (Iloi) basé au Port.

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