[Pollution] Le procès du lisier reporté de six mois

URGENCE ENVIRONNEMENTALE ET CONTINGENCE JUDICIAIRE

Censée protéger l’environnement, la station de traitement des effluents d’élevage de Camp Pierrot, à Salazie, a au contraire déversé sauvagement du lisier polluant sur ses parcelles et dans les ravines voisines. Le procès qui devait se tenir hier, jeudi 18 août, a été reporté.

L’impact de la pollution au lisier relevé par les services de l’Etat à Grand Ilet en mars 2021 va s’étaler sur « plusieurs décennies », relève le parquet de Saint-Pierre compétent en matière d’atteinte à l’environnement. Le dossier présenté hier devant le tribunal est marqué du sceau de « l’urgence environnementale »

Pourtant les juges ont dû demander eux-mêmes le report de l’audience au 2 mars prochain. S’ils ne l’avaient pas fait, les avocats de la défense l’auraient sans doute demandé aussi. Il n’empêche que ce report, clairement du à un manque d’effectif chez les magistrats, illustre cet éloignement entre la gravité des faits et les moyens dont dispose notre société pour y répondre.

Hier, le seul enjeu de l’audience résidait dans l’opportunité de maintenir ou pas les trois prévenus sous contrôle judiciaire. Il s’agit d’une part de Patrice Nourry, responsable d’exploitation de la station de traitement des lisiers de Camp Pierrot, et de sa soeur Myrielle, présidente de la coopérative de traitement des effluents ; et d’autre part de Patrick Hoareau directeur de la Fédération des coopératives agricoles. Les deux premiers ont obtenu la levée partielle de leur contrôle — ce qui leur permet de pouvoir à nouveau s’adresser la parole — pas le troisième.

Des déversements sauvages

On retiendra des échanges, cette remarque de l’avocat Jérome Maillot qui plaidait pour la levée du contrôle du fait que tous les éléments constitutifs du délit à l’environnement sont clairement identifiés et qu’aucun des prévenus ne pourrait les faire disparaître : « S’il était possible de faire disparaître les effluents, tous le monde l’aurait fait avant »

La formule peut prêter à sourire… Elle dit surtout l’ampleur de la pollution. Le parquet l’a rappelé dans un long communiqué. On y apprend que la station de traitement de camp Pierrot était largement sous-dimensionnée. Un comble quand ont sait que cet équipement a été conçu justement pour répondre au renforcement de la réglementation protégeant les cours d’eau pour répondre aux exigences du chantier du basculement des eaux d’est en ouest.

L’accusation parle de déversements sauvages d’effluents porcins et avicoles dans les ravines Azaye, Camp Pierrot et Grand Sable, affluents de la rivière Fleur Jaune. Ils ont donc pu rejoindre la rivière du Mât, ainsi que le captage du réseau d’irrigation du littoral ouest (ILO) en aval du village de Salazie. C’est dire si l’atteinte à l’environnement concerne une large partie du territoire et de la population.

Élevages intensifs

A ces déversements se sont ajoutés le défrichement illégal d’une parcelle soumise à l’érosion pour y épandre du lisier « en quantité anormalement importante », la vente d’un compost hors-norme et le non respect des différentes mises en demeure. Il faudra donc attendre le mois de mars prochain pour mettre le nez dans cette histoire. Et se rendre compte que derrière l’image publicitaire de pratiques agricoles traditionnelles se dessinent parfois les contours moins engageants de « l’élevage intensif »

C’est d’ailleurs par ces mots que commence le communiqué de la procureure de Saint-Pierre : « Les élevages — en particuliers intensifs — sons susceptibles de créer une palette de pollution affectant à la fois le milieu naturel (sols, eaux), la faune et la flore ». Sans oublier les impacts sur la santé humaine tant la qualité de l’approvisionnement en eau potable peut être menacé.

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.