Le Trestar est désormais une épave. © Yohan Firmin

[TRESTA STAR] Par les voies naturelles

CHRONIQUE D’UN ABANDON ANNONCÉ

 La préfecture l’avait annoncé: « Pas question d’abandonner l’épave ». Après deux études sur les conditions d’un tel chantier, il faut se rendre à l’évidence: on attendra que le temps fasse son oeuvre et envoie le Tresta Star par le fond.

Les travaux d’enlèvement depuis la mer sont impossibles.

Trop compliqué, trop difficile, trop cher… L’enlèvement de l’épave du Tresta Star causerait plus de dégâts à l’environnement que de la laisser sur place et compter sur les éléments naturels pour faire disparaître l’énorme coque éventrée battue par les vagues.

Depuis le 3 février dernier et le cyclone Batsiraï, la barge de soutage mauricienne Tresta Star  gît sur son flanc tribord, échouée sur la coulée de lave du Tremblet à Saint-Philippe. Mercredi, le préfet Jérôme Filippini a réuni la presse locale pour lui faire part de la décision prise pour son enlèvement. 

« Le site fait partie intégrante du parc national, est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et les dommages au paysage sont flagrants. L’armateur devra au moins payer des compensations environnementales », assure Jérôme Filippini, préfet de La Réunion. Un préfet qui se dit « insatisfait » et « frustré » que l’on doive se contenter « d’une moins mauvaise solution ». Dans notre édition du 1er avril, son prédécesseur assurait que « l’abandon de l’épave sur place n’est pas une option ».

Kommer Tanis, spécialiste hollandais de ce genre de travaux avec la société TSC Holland B.V. qui a été missionné par la compagnie d’assurance de l’armateur, a présenté les difficultés d’un tel chantier. Une expertise qui a été doublée d’un second avis. 

300 mètres
de profondeur

« Il y a trois voies possibles pour enlever l’épave », explique-t-il. « Par mer, par la terre ou par les airs. » « Mais c’est la première fois en 40 ans de carrière que je vois autant de difficultés météorologiques et techniques, dans un endroit aussi beau », remarque Kommer Tanis. 

Par la mer, il faudrait découper le navire et l’enlever par grues et par bateaux. Mais pour ce faire, on ne peut travailler que sans houle, et il faut pouvoir ancrer les grues à proximité. Sans houle, il n’est pas un jour de l’année où cela arrive. Et pour ancrer les engins, c’est également impossible, le Tresta Star est posé sur des fonds de 3 à 4 mètres, mais qui descendent immédiatement à 300 mètres. 

Par la terre, il faudrait construire une route entre la route des Laves et l’épave. Pas une piste cyclable, une grosse route à même de supporter les poids-lourds amenés à l’emprunter. En plus de quoi il faudrait des plate-formes de travail près du bateau, et de stockage près de la route. Considérant l’atteinte à l’environnement que constituerait cette route et les près de deux ans de construction d’après le préfet, la solution est aussi écartée.

Reste la voie des airs. Là aussi, il faudrait prévoir des zones de travail, de stockage, de dépose et de pose pour des hélicoptères. Et puis peut-être faire venir des aéronefs gros porteurs – « la Russie, la RDC ou la Zambie en disposent », indique Jérôme Filippini – les hélicoptères locaux ne peuvent soulever que 900 kg à la fois. Sans compter qu’il faudrait au préalable vérifier le poids de chaque morceau à transporter pour éviter tout risque de surcharge à l’hélicoptère. Là aussi, le bilan serait bien trop important.

De plus, le travail à bord est extrêmement dangereux, notamment pour des plongeurs, quelle que soit la solution choisie. Deux autres solutions ont également été évoquées: disperser l’épave à l’aide d’explosifs, ce qui n’est pas tellement mieux que de la laisser se dégrader d’elle-même, ou de n’en enlever qu’une partie, c’est-à-dire les deux châteaux, les éléments les plus hauts et les plus visibles, solution que la préfecture pourrait préférer. 

Pour autant, l’assureur qui a déjà dépensé 700 000 euros sur le chantier, pourrait bien devoir quand même passer à la caisse. « L’Etat reste attaché au principe de celui qui a créé le dommage doit le réparer. A défaut de réparation, des compensations environnementales seront réclamées », souligne le préfet. 

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.