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[Zac Savane Tamarins] Le désastre a commencé

SAVANE EN DANGER

A Plateau-Caillou, malgré l’opposition de la population, les pelleteuses ont débuté les travaux de la Zac Savane Tamarins.

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Quatre-vingt dix hectares. On peine à se rendre compte combien c’est grand. Ça représente cent trente terrains de foot. C’est la surface de savane, à Saint-Paul, qui doit disparaître au profit d’un vaste projet immobilier : la Zac Savane Tamarins, autrefois appelée Zac Renaissance III.  Quatre-vingt dix hectares, c’est vingt pour cent de tout ce qui reste de la savane de l’Ouest, seul espace naturel qui existe encore dans les Bas. Sur cet espace sont prévus la construction de 1000 logements sociaux, un autre millier de maisons avec jardin, d’une supérette en pied d’immeuble, des ateliers et une grande surface dédiée à l’équipement de la maison, meubles, bricolage ou articles de sports, on ne sait pas encore. 

Un paysage

« L’espace savanaire proprement dit appelle une action structurée autour d’un objectif prioritaire de conservation éco-paysagère des systèmes savanaires hérités », explique Serge Briffaud, professeur à l’ENSAP de Bordeaux et coordonnateur scientifique du programme de recherche sur les savanes sous le vent (CNRS, CIRAD, Université de La Réunion) qui parle dans son étude d’ « espaces savanaires à fort enjeu de conservation ». En clair, la savane de Saint-Paul est un paysage unique qu’il faut préserver. 

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La savane de Saint-Paul est un paysage, mais aussi un morceau de culture et de mode de vie réunionnais. C’est un espace post naturel, qui s’est installé à la place de la forêt sèche des Bas, grâce et au profit de l’activité pastorale traditionnelle, l’élevage de boeufs moka et de cabris pays, deux races inféodées au site et qui permettent à cet écosystème de se maintenir. D’après un habitant de toujours, la nappe phréatique sous la savane alimente la cascade de la Grotte des premiers habitants. Ne risque-t-elle pas de cesser de couler ? Et la bétonisation ne met-elle pas en danger la ville de Saint-Paul ?

Conservatoire du littoral

Pour Dominique Oudin, directeur du CBN (conservatoire botanique national Mascarin), « une surface critique doit être conservée pour maintenir un équilibre écologique. Et l’existant est déjà à la limite du trop petit. » Le conservatoire du littoral ne s’y trompe pas, puisqu’il a racheté la plus grande partie de cette savane pour la sanctuariser et a encore, l’an dernier, proposé à la mairie de Saint-Paul de racheter la surface dont elle est propriétaire. Celle dédiée à l’opération immobilière.

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Les riverains se sont émus de la destruction de cet espace de respiration. Ils ont alerté la presse, milité auprès de la population de Plateau-Caillou et organisé une manifestation-visite sur place pour montrer aux Réunionnais le désastre en cours et ce qui a déjà été défriché. 

Depuis, nous avons rencontré Yannick Payet Fontaine, directeur de la Sédré, maitre d’oeuvre, qui nous a expliqué la nécessité de construire des logements et de l’activité économique. Devant l’évidence des problèmes de circulation que ces logements vont engendrer, il veut croire que les emplois créés seront occupés par les habitants du nouveau quartier. Des emplois créés, mais combien détruits ? 

Décisions vieilles de quinze ans

Nous avons demandé à Irshad Omarjee, élu saint-paulois à l’économie, ce qu’il pensait de cette concurrence économique. « Il y a un déficit dans l’Ouest en magasins de meubles », a-t-il justifié. C’est à croire qu’il n’est jamais allé à Savanna ! Où, d’ailleurs, les parkings sont rarement pleins et où l’enseigne d’hypermarché est en difficultés financières. 

Yannick Payet Fontaine nous a surtout dit que la Sédré construit où on lui demande de construire, le maître d’ouvrage est la ville de Saint-Paul et le projet est inscrit dans le SAR (schéma d’aménagement régional).  Le Schéma d’Aménagement Régional en vigueur a été élaboré à l’initiative du conseil régional de La Réunion et approuvé par décret du Conseil d’Etat le 22 novembre 2011. Peut-être que les décisions vieilles de quinze ans, maintenant que les problèmes de changements climatiques sont évidents, qu’une loi vise à restreindre l’artificialisation des sols, sont obsolètes et devraient être reconsidérées ?

Nous avons également contacté Wilfrid Bertile, élu régional en charge du SAR, pour savoir s’il était possible de le modifier. « Le coup est parti, on ne peut revenir en arrière », avoue le vice-président de la Région Réunion. « Il n’y a que le maître d’ouvrage qui peut renoncer à ce projet », explique-t-il. C’est-à-dire le maire de Saint-Paul, Emmanuel Séraphin. 

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Nous avons demandé à le rencontrer, on nous a promis un communiqué. Pour autant, lors de la manifestation du 28 juillet, on a vu plusieurs responsables politiques écologistes ; mais aucun des élus de la majorité saint-pauloise. Dans la boucle, un mystérieux collectif « Un toit pou nou » plaide pour la construction de logements, justement depuis que la Sédré a fait appel à une agence de communication. Un signe supplémentaire de la fébrilité dont font preuve les maîtres d’oeuvre et d’ouvrage du projet. D’autant que, comme le souligne Martine Nourry, candidate EELV aux dernières européennes, il existe de nombreux logements vides, des résidences secondaires et des locations saisonnières, sans compter les 35 000 logements prévus dans la plaine Chabrier avec le projet Ecocité. 

Outre le patrimoine social et environnemental que représente la savane, le projet met en péril deux espèces végétales en danger critique d’extinction. Deux pieds de bois de lait seront ainsi conservés au pied des immeubles. « C’est muséifier ces plantes », regrette Dominique Oudin. En effet, la protection des végétaux ne peut se faire sans protéger aussi leur milieu. 

Les pelleteuses sont entrées en action. Avec une autorisation de défricher qui s’est arrêtée au 31 juillet. En bas du chantier, les travaux vont bon train pour la construction d’un rond-point qui doit desservir la zone commerciale. Aujourd’hui, seule une mobilisation populaire comme à Saint-Leu pour la carrière de Bois-Blanc, et une crainte pour sa réélection, pourrait éventuellement faire reculer Emmanuel Séraphin. 

Philippe Nanpon

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Désastre Zac savane Tamarin

Un désastre annoncé. Manifestation contre un désastre écologique.

A Plateau-Caillou, le désastre

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.