« L’addiction aux écrans est le terreau de toutes les difficultés : harcèlement, violence, décrochage scolaire. » Ces mots forts d’Emmanuel Macron, prononcés lors d’une allocution début juin, ont résonné comme un signal d’alarme. Le chef de l’État souhaite établir une “majorité numérique”, en fixant à 11 ans l’âge minimum pour posséder un téléphone portable, et 15 ans pour accéder aux réseaux sociaux. Une prise de position ferme qui relance un débat de société crucial : les enfants doivent-ils grandir avec un smartphone à la main ?
Avec les avancées technologiques, la question ne se pose même plus tant la réponse paraît évidente. « J’aime autant le téléphone parce qu’on peut jouer avec le téléphone », explique Thomas (prénom d’emprunt), du haut de ses cinq ans. À son jeune âge, le petit garçon manie le téléphone aussi bien que sa maman. « Il est capable de répondre au téléphone, de faire des appels vidéos, d’envoyer des vocaux, c’est impressionnant », détaille-t-elle.
Pour la pédiatre Sandrine Ernould, un tel engouement pour le smartphone n’est pas étonnant. « Les enfants sont particulièrement vulnérables aux dangers des écrans parce que leur cerveau est encore en pleine construction. Les circuits de récompense et de plaisir, liés à la dopamine, sont déjà très actifs, alors que les zones d’auto-contrôle sont encore immatures. L’enfant, est ainsi naturellement attiré par ce qui lui procure du plaisir immédiat, sans avoir les freins nécessaires pour se réguler. En plus à cet âge, il n’a pas le recul critique sur sa consommation », remarque la professionnelle.
Un frein au développement du cerveau et des difficultés sur le plan émotionnel de l’enfant
À cause de cette surexposition dès le plus jeune âge, les enfants peuvent rapidement devenir hystérique et plus facilement irritable. « Des fois quand on ne me donnait pas le téléphone je me mettais en colère », avoue Thomas. Sa mère, a le même constat. « Il pouvait nous taper de grosses crises lorsqu’on ne lui donnait pas le téléphone ». D’après la pédiatre Sandrine Ernould, sur le plan comportemental, l’irritabilité y est plus prononcée. « On peut noter des colères, et une plus grande difficulté à gérer ou exprimer les émotions de façon globale ». Toujours d’après la spécialiste, l’impact peut être pire encore : « ça peut aller jusqu’à des troubles de l’interaction sociale. On observe d’ailleurs une augmentation des demandes de consultations dans les centres de diagnostic à l’autisme, face à des signes évocateurs de troubles neurodéveloppementaux, parfois liés à une surexposition aux écrans »
Mais ce n’est pas tout, une surexposition des écrans pour l’enfant entraîne d’autres problèmes. « Les effets les plus fréquemment observés sont des retards de langage, car l’enfant est de moins en moins stimulé par le mode d’apprentissage naturel : l’observation, la répétition, l’écoute et l’interaction avec l’adulte et les autres enfants », prévient la pédiatre Sandrine Ernould. Pire encore, le docteur Ernould observe également des difficultés d’apprentissage et de concentration. « Il est important d’éviter les écrans le matin avant l’école, car celui-ci fatigue et perturbe les capacités d’attention ».
Des préconisations dès le plus jeune âge
Les écrans sont de plus en plus présents dans nos quotidiens. Ils sont souvent une solution de facilité pour occuper les plus jeunes. Mais, à trop grandes doses, cela nuit au développement de l’enfant.
Il n’y a pas de solution miracle, car tôt ou tard, l’enfant sera exposé, d’une manière ou d’une autre à des écrans. Cependant, il existe certains moyens pour lutter contre cette addiction. « Quand Thomas faisait des crises, j’étais un peu dépassée et je ne savais pas trop ce qu’il fallait faire. Maintenant, on en parle et quand il veut regarder la télé par exemple, je mets un minuteur avec une alarme. Quand elle sonne, il sait qu’il n’a plus le droit de regarder la télé et il ne se met plus en colère. Concernant le téléphone, il n’y a plus accès », explique Martine, maman du jeune Thomas.
Pour la pédiatre Sandrine Ernould, les parents jouent un rôle majeur dans cette addiction. « Les parents ont deux rôles essentiels auprès de la consommation d’écrans : celui de modèle et celui de régulateur. Nous sommes les exemples de nos enfants. Il est évident qu’ils vont reproduire nos comportements, y compris notre propre rapport aux écrans. Il est important, au sein de la famille, de préserver des temps sans écran. Par exemple, en instaurant des moments simples sans écran à table ou dans les chambres pour garder des temps d’échanges privilégiés avec les enfants ».
Il ne s’agit pas de diaboliser les écrans, « Le parent doit être capable de réguler le temps d’exposition en s’informant sur les recommandations selon l’âge. Pas d’écran avant trois ans, 30 minutes maximum avant neuf ans », avertit Sandrine Ernould.
Il est aussi important de surveiller le contenu, ce que regarde l’enfant, les jeux auxquels il accède et s’assurer du respect des pictogrammes d’âge pour les films ou les jeux vidéos.
La parole présidentielle pourrait bien marquer un tournant dans la gestion de l’exposition des enfants aux écrans. Si les responsabilités parentales restent primordiales, l’enjeu est désormais sociétal. École, médias, institutions, fabricants de contenus : chacun est invité à repenser sa place dans cet écosystème numérique. Le smartphone n’est pas prêt de disparaître des mains des plus jeunes, mais il appartient aux adultes de leur apprendre à s’en servir… et parfois, à s’en passer et à s’en préserver.
Loïc Vidon
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