Alors que l’épidémie de chikungunya fait toujours plus de victimes, de nombreux Réunionnais se tournent vers les plantes médicinales. Des remèdes naturels aux propriétés anti-inflammatoires utilisés en complément de la médecine conventionnelle.

Léana se souvient encore du soir où les premiers symptômes l’ont frappée. « Une chaleur étrange sur le corps, puis des douleurs aux articulations. Le lendemain, une fièvre intense. » Sans hésiter, la jeune étudiante a opté pour une tisane de feuilles de papayer, un remède traditionnel bien connu sur l’île. « En deux jours, les douleurs se sont apaisées. Je ne dirais pas que j’ai guéri, mais j’ai pu me lever et oublier la fatigue », raconte-t-elle. Un peu plus loin, Camille a suivi un parcours semblable, mais cette fois en associant les traitements traditionnels et modernes. « J’ai pris du paracétamol et bu de la tisane de feuilles de papayer avec du miel pour adoucir le goût. Ça m’a vraiment beaucoup aidée », confie-t-elle.


Même s’ils ne cherchent pas à remplacer un avis médical, ces témoignages rappellent une réalité bien ancrée : à La Réunion, les plantes médicinales continuent de soigner.
La flore médicinale, en soutien à la médecine moderne
Pour Claude Marodon, président de l’Aplamedom (association pour les plantes aromatiques et médicinales de La Réunion), ces remèdes traditionnels ne doivent pas être considérés comme une alternative, mais plutôt comme un soutien à la médecine moderne. « Il est important de comprendre que la médecine traditionnelle et la médecine moderne ont des rôles distincts, mais qu’elles peuvent se compléter de manière efficace ; l’une soigne, l’autre soulage », précise-t-il. Pour l’ethno pharmacologue il ne s’agit pas de choisir l’une ou l’autre, mais de les associer pour en maximiser l’efficacité. « Nous devons apprendre à les faire coexister, plutôt que de les opposer. »
Emma Cohen, pharmacienne, partage cette vision. Pour elle, les plantes ne sont pas une solution miracle, mais elles peuvent être un soutien précieux pour apaiser les symptômes du chikungunya. « Il n’y a pas de remède miracle contre ce virus », reconnaît-elle d’emblée. Elle poursuit, « le traitement standard repose sur l’usage de paracétamol pour soulager les douleurs et de répulsifs anti-moustiques pour prévenir la maladie. La médecine naturelle quant à elle, va venir s’ajouter à ces traitements classiques, en fonction des besoins spécifiques de chaque patient. »
L’épidémie de 2005-2006, un tournant marquant
L’épidémie de chikungunya qui a frappé La Réunion en 2005-2006 reste gravée dans les mémoires. Près de 40 % de la population a été infectée. Une crise sans précédent qui a mis en lumière le rôle des remèdes naturels dans la prise en charge de la maladie. En l’absence de traitement curatif, beaucoup se sont tournés vers les plantes médicinales. Un savoir populaire, jamais vraiment disparu, qui s’est réaffirmé dans l’urgence.
Parmi les remèdes les plus utilisés à l’époque : le noni, également connu sous le nom de malaye, fruit du morinda citrifolia, un petit arbre de 3 à 6 mètres de haut, de la famille des rubiacées. Connu pour ses vertus immunostimulantes, il a été largement consommé. Mais son usage demande prudence. « Si le noni s’est imposé comme un allié pour soutenir l’organisme, une consommation excessive peut entraîner des risques pour le foie ». Aujourd’hui, le fruit se fait de plus en plus rare.
Dans cette boutique d’aromathérapie et de phytothérapie, les rayons de noni sont vides. « Depuis quelques semaines, le fruit est victime de son succès. À chaque réapprovisionnement, il disparaît des rayons en une fraction de seconde », explique Vienne Amaterra, responsable de la boutique Ama terra.
Une flore locale aux propriétés précieuse
Des études menées à La Réunion ont validé l’efficacité de certaines plantes médicinales locales dans le traitement du chikungunya. Une recherche menée en 2013 par Sophie Techer à l’Université de La Réunion a révélé que des espèces endémiques, telles que Stillingia lineata, aussi appelé Tanguin pays possédaient des propriétés antivirales efficaces contre le virus du chikungunya. L’extrait de cette plante a montré une activité antivirale significative, avec une concentration efficace.
D’autres études réalisées par des chercheurs de l’Université de La Réunion ont aussi mis en évidence les propriétés antivirales de l’huile essentielle de citronnelle (Cymbopogon citratus), largement utilisée dans la région. Les résultats de ces recherches ont montré que cette huile essentielle pouvait inhiber la réplication du virus du Ross River, un virus proche du chikungunya.
En ce qui concerne les feuilles de papayer, bien qu’elles soient souvent mentionnées dans le cadre de la lutte contre les symptômes du chikungunya, aucune étude scientifique n’a pour l’instant prouvé leur efficacité.
Nafida Abdillah
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