Le chikungunya se transmet d’homme à homme par l’intermédiaire de moustiques tigres. Aedes albopictus

Chikungunya : les remèdes naturels en première ligne

Alors que l’épidémie de chikungunya fait toujours plus de victimes, de nombreux Réunionnais se tournent vers les plantes médicinales. Des remèdes naturels aux propriétés anti-inflammatoires utilisés en complément de la médecine conventionnelle.

À La Réunion, la culture locale inclut l’usage de plantes médicinales pour atténuer les symptômes de certaines maladies.
À La Réunion, la culture locale inclut l’usage de plantes médicinales pour atténuer les symptômes de certaines maladies.

Léana se souvient encore du soir où les premiers symptômes l’ont frappée. « Une chaleur étrange sur le corps, puis des douleurs aux articulations. Le lendemain, une fièvre intense. » Sans hésiter, la jeune étudiante a opté pour une tisane de feuilles de papayer, un remède traditionnel bien connu sur l’île. « En deux jours, les douleurs se sont apaisées. Je ne dirais pas que j’ai guéri, mais j’ai pu me lever et oublier la fatigue », raconte-t-elle. Un peu plus loin, Camille a suivi un parcours semblable, mais cette fois en associant les traitements traditionnels et modernes. « J’ai pris du paracétamol et bu de la tisane de feuilles de papayer avec du miel pour adoucir le goût. Ça m’a vraiment beaucoup aidée », confie-t-elle.

Cette année, les feuilles de papayers sont très appréciées par les malades du chikungunya. (Photos PhN)
Cette année, les feuilles de papayers sont très appréciées par les malades du chikungunya. (Photos PhN)
Le papayer est une plante largement cultivé à La Réunion. Il est connu pour ses fruits mais aussi pour ses feuilles, utilisées en médecine traditionnelle. (Photo PhN)
Le papayer est une plante largement cultivé à La Réunion. Il est connu pour ses fruits mais aussi pour ses feuilles, utilisées en médecine traditionnelle. (Photo PhN)

Même s’ils ne cherchent pas à remplacer un avis médical, ces témoignages rappellent une réalité bien ancrée : à La Réunion, les plantes médicinales continuent de soigner.

La flore médicinale, en soutien à la médecine moderne

Pour Claude Marodon, président de l’Aplamedom (association pour les plantes aromatiques et médicinales de La Réunion), ces remèdes traditionnels ne doivent pas être considérés comme une alternative, mais plutôt comme un soutien à la médecine moderne. « Il est important de comprendre que la médecine traditionnelle et la médecine moderne ont des rôles distincts, mais qu’elles peuvent se compléter de manière efficace ; l’une soigne, l’autre soulage », précise-t-il. Pour l’ethno pharmacologue il ne s’agit pas de choisir l’une ou l’autre, mais de les associer pour en maximiser l’efficacité. « Nous devons apprendre à les faire coexister, plutôt que de les opposer. »

Emma Cohen, pharmacienne, partage cette vision. Pour elle, les plantes ne sont pas une solution miracle, mais elles peuvent être un soutien précieux pour apaiser les symptômes du chikungunya. « Il n’y a pas de remède miracle contre ce virus », reconnaît-elle d’emblée. Elle poursuit, « le traitement standard repose sur l’usage de paracétamol pour soulager les douleurs et de répulsifs anti-moustiques pour prévenir la maladie. La médecine naturelle quant à elle, va venir s’ajouter à ces traitements classiques, en fonction des besoins spécifiques de chaque patient. »

Emma Cohen, pharmacienne. (Photo N.A)
Emma Cohen, pharmacienne. (Photo N.A)
Les granules homéopathiques peuvent être utilisés en complément alimentaire pour soulager certains symptômes du chikungunya. (Photo N.A)
Les granules homéopathiques peuvent être utilisés en complément alimentaire pour soulager certains symptômes du chikungunya. (Photo N.A)
Construite à base de cannabidiol, l'huile CBD sans concentration en THC et utilisé par une partie de la population pour atténuer les douleurs liés au chikungunya. (Photo N.A)
Construite à base de cannabidiol, l’huile CBD sans concentration en THC et utilisé par une partie de la population pour atténuer les douleurs liés au chikungunya. (Photo N.A)
Les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l'ibuprofène et le paracétamol sont très recommandés pour atténuer les symptômes du chikungunya. (Photo : © Pixavril/shutterstock.com)
Les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’ibuprofène et le paracétamol sont très recommandés pour atténuer les symptômes du chikungunya. (Photo : © Pixavril/shutterstock.com)

L’épidémie de 2005-2006, un tournant marquant

L’épidémie de chikungunya qui a frappé La Réunion en 2005-2006 reste gravée dans les mémoires. Près de 40 % de la population a été infectée. Une crise sans précédent qui a mis en lumière le rôle des remèdes naturels dans la prise en charge de la maladie. En l’absence de traitement curatif, beaucoup se sont tournés vers les plantes médicinales. Un savoir populaire, jamais vraiment disparu, qui s’est réaffirmé dans l’urgence.

Parmi les remèdes les plus utilisés à l’époque : le noni, également connu sous le nom de malaye, fruit du morinda citrifolia, un petit arbre de 3 à 6 mètres de haut, de la famille des rubiacées. Connu pour ses vertus immunostimulantes, il a été largement consommé. Mais son usage demande prudence. « Si le noni s’est imposé comme un allié pour soutenir l’organisme, une consommation excessive peut entraîner des risques pour le foie ». Aujourd’hui, le fruit se fait de plus en plus rare.

Le noni, ou malaye, est connu pour ses vertus immunostimulantes. (Photo zeluloidea, Pexels)
Le noni, ou malaye, est connu pour ses vertus immunostimulantes. (Photo zeluloidea, Pexels)
Le noni, ou malaye, est connu pour ses vertus immunostimulantes. (Photo zeluloidea, Pexels)
Le noni, ou malaye, est connu pour ses vertus immunostimulantes. (Photo zeluloidea, Pexels)

Dans cette boutique d’aromathérapie et de phytothérapie, les rayons de noni sont vides. « Depuis quelques semaines, le fruit est victime de son succès. À chaque réapprovisionnement, il disparaît des rayons en une fraction de seconde », explique Vienne Amaterra, responsable de la boutique Ama terra.

Une flore locale aux propriétés précieuse

Des études menées à La Réunion ont validé l’efficacité de certaines plantes médicinales locales dans le traitement du chikungunya. Une recherche menée en 2013 par Sophie Techer à l’Université de La Réunion a révélé que des espèces endémiques, telles que Stillingia lineata, aussi appelé Tanguin pays possédaient des propriétés antivirales efficaces contre le virus du chikungunya. L’extrait de cette plante a montré une activité antivirale significative, avec une concentration efficace.

Selon certaines études, la Morinda citrifolia possède des propriétés antivirales efficaces contre le virus du chikungunya. (Photo : Pexels)
Selon certaines études, la Morinda citrifolia possède des propriétés antivirales efficaces contre le virus du chikungunya. (Photo : Pexels)

D’autres études réalisées par des chercheurs de l’Université de La Réunion ont aussi mis en évidence les propriétés antivirales de l’huile essentielle de citronnelle (Cymbopogon citratus), largement utilisée dans la région. Les résultats de ces recherches ont montré que cette huile essentielle pouvait inhiber la réplication du virus du Ross River, un virus proche du chikungunya.

Des études réalisées par des chercheurs de l’Université de La Réunion ont mis en évidence les propriétés antivirales de l’huile essentielle de citronnelle.
Des études réalisées par des chercheurs de l’Université de La Réunion ont mis en évidence les propriétés antivirales de l’huile essentielle de citronnelle. (Photo Pexels)

En ce qui concerne les feuilles de papayer, bien qu’elles soient souvent mentionnées dans le cadre de la lutte contre les symptômes du chikungunya, aucune étude scientifique n’a pour l’instant prouvé leur efficacité.

Nafida Abdillah

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