MANIFESTATION SAINT-DENIS CONTRE LE PROJET DE LOI RETRAITES 19/01/23

[Chronique] Entre gens concernés

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.

Lu hier au milieu de l’embouteillage de phrases écrites au sujet de la journée d’action contre la réforme des retraites  : « En fin de journée, le secteur de Gillot est le dernier encore concerné par une mobilisation. » 

Sans jamais daigner faire part des raisons de sa colère, voilà plus de deux siècles que l’Académie s’acharne contre le tour « être concerné par », qu’elle condamne au profit d’ « être touché par ». Dans leur combat, les Immortels ont trouvé en Jean Girodet et en Larousse (ce qui est assez étonnant) de solides alliés. Que reprochent-ils à ladite forme ? Simplement d’avoir cédé à l’influence néfaste de sa britannique cousine to be concerned. Of course !

De nombreux spécialistes de la langue se montrent moins farouches. Pourtant pas réputé pour ses penchants anglophiles, Littré estime par exemple que « cet emploi ne fait aucune difficulté ». Même ouverture d’esprit — et de frontière — chez Jean-Paul Colin et René Georgin pour qui, « concerner » étant un verbe transitif, rien ne s’oppose à ce qu’on en use à la voix passive. Hanse acquiesce, mais se veut plus nuancé. S’il cautionne la forme passive au sens d’ « être impliqué dans », « être touché par », il refuse d’en faire un synonyme d’ « intéresser », de « retenir l’attention ». 

Peu touché par ces passes d’armes entre vétilleux linguistes, l’usage, comme d’habitude, n’en a fait qu’à sa tête. La tournure critiquée s’est répandue dans le langage courant à la façon d’une onctueuse crème anglaise sur un moelleux au chocolat. Hmmmmm, j’en vois que cela intéresse. En ce qui me concerne, je ne peux y résister.

K.Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

A propos de l'auteur

K Pello

Passionné de syntaxe, de vocabulaire précieux et d'histoire, K.Pello est un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.