[Chronique] Je te do…ooonne !

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.

Croyez-moi sur parole ! Il n’est de plus rude combat à mener au sein d’une rédaction que celui visant à défendre le véritable sens du mot « éponyme ». Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû affronter les yeux stupéfaits de mes collègues et cette phrase qui a le don de briser tout ce qu’il vous reste d’énergie à vouloir convaincre : « Non, je laisse comme ça, sinon les gens ne vont pas comprendre. » 

Dans sa rubrique Dire, ne pas dire, l’Académie française prend pourtant la peine de nous expliquer qu’ « emprunté au grec epônumos, ‘’qui donne son nom’’ », éponyme n’est pas celui que croient nombre de ceux qui pensent tout savoir. Elle nous rappelle que le mot fut « d’abord employé en histoire ancienne, pour désigner des dieux ou des héros qui donnaient leur nom à une cité, à une tribu, à une dynastie, etc. », qu’ « Athéna est la déesse éponyme d’Athènes », qu’ « Égée est le héros éponyme de la mer Égée » et que « parmi les dix archontes, on appelait également éponyme celui qui donnait son nom à l’année en cours ». 

« Par extension », nous disent encore les grands sages du quai Conti, « éponyme a qualifié des personnages de fiction qui ont donné leur nom à l’œuvre dans laquelle ils apparaissent. Lucien Leuwen est le héros éponyme d’un roman inachevé de Stendhal et Madame Bovary est l’héroïne éponyme du plus célèbre des romans de Flaubert. On se gardera bien de confondre le héros qui donne son nom et l’œuvre qui le reçoit, concluent-ils. Ce n’est que le premier qui peut être qualifié d’éponyme. »

L’injonction est claire. Pour une fois sur la même longueur d’onde, tous les linguistes reprennent d’ailleurs en chœur le message des Immortels. Tous, sauf cet éternel ramasse-poussière de Robert, le seul à mentionner le sens « moderne » (qui prend le nom de) d’ « éponyme », celui-là même que son frère ennemi Larousse se fait un malin plaisir à qualifier d’ « abusif ». 

En résumé, et pour reprendre un thème à la mode, lorsque vous traversez le square La Bourdonnais à Saint-Denis, ce n’est pas le square qui est éponyme mais bien La Bourdonnais, n’en déplaise à ses détracteurs. Tiens, à propos, veillez bien à écrire La Bourdonnais et non Labourdonnais, comme on le lit à longueur de colonnes en ce moment. Preuve qu’il n’y a pas que les statues que l’on déboulonne… L’orthographe, aussi, vacille sur son socle. Mais ça, ce n’est pas nouveau. 

K.Pello

A propos de l'auteur

K Pello

Passionné de syntaxe, de vocabulaire précieux et d'histoire, K.Pello est un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.