[Écologie] « Les plongeurs d’aujourd’hui sont des gens responsables »

THIERRY PERES, PHOTOGRAPHE SOUS-MARIN

Thierry Peres est photographe sous-marin. Depuis plusieurs années, l’apnéiste observe les différentes espèces qui évoluent dans l’océan Indien. Véritable spectateur de l’évolution de la vie sous-marine réunionnaise, il est aussi un grand défenseur de l’environnement. L’occasion de faire le point sur l’état actuel du milieu marin et de mettre en lumière le travail et le rôle des plongeurs dans la protection de celui-ci. 

Les fonds marins et lui, c’est avant tout l’histoire d’une jolie rencontre. Thierry Peres s’installe sur l’île avec sa famille à un âge où l’on apprend tout juste à lire. Fils de plongeur, à 6 ans, il prend très vite « goût à la mer » et fait la découverte d’un paysage riche en couleur : « J’ai vu un lagon luxuriant, du corail vivant et plein de poissons. » Un lagon qu’il voit hélas (!) se détériorer au fil des années. 

S’il est formé à la plongée en bouteille, pour lui, rien n’égale l’apnée, son « côté physique », une approche des animaux « plus douce ». « Je suis en connexion avec ce qui m’entoure ». Un quasi état d’ivresse où le temps d’un instant, on voit l’insignifiance humaine faire face à l’immensité de l’océan.

« On pensait avoir le droit de tout piller »

Visiblement, à l’époque, l’expression « toucher avec les yeux » n’existait pas encore. Dans les années 1970, bon nombre de plongeurs étaient en réalité des collectionneurs qui n’hésitaient pas à ramasser toutes sortes de coraux et de coquillages : « A l’époque, la mer, c’était l’immense, c’était l’infini. On pensait avoir le droit de tout piller. On ne voyait pas le danger que cela pouvait causer à long terme », explique Thierry.

Le dernier rapport du GIEC du 20 mars 2023 n’a en effet pas manqué de nous le rappeler : l’activité humaine détruit les océans. Cette évolution du monde sous-marin, le plongeur en est le témoin mais surtout le porte-parole. Affligé par la diminution du nombre d’espèces, Thierry établit un inquiétant constat : « Il y a de belles choses à voir à La Réunion, mais contrairement à d’autres pays, observer un requin baleine ou une raie manta, c’est exceptionnel ici. »

L’intérêt pour la photographie sous-marine, lui, ne diminue pas : « Les réseaux sociaux sont envahis par les photographies. Aujourd’hui c’est à la portée de tous. » Thierry nous rassure sur la situation : les pratiques ont bien évolué et les plongeurs sont avant tout des observateurs. « Le monde a changé, se réjouit-il. On a pris conscience qu’il fallait revoir nos pratiques. » Un plongeur bien formé, c’est un plongeur respectueux de l’environnement. Apprendre à plonger ne consiste pas seulement à apprendre à respirer dans un détendeur, c’est aussi apprendre à ne pas palmer près du sol, à éviter de s’approcher, ou encore à ne pas toucher les espèces. « Les plongeurs d’aujourd’hui sont des gens très responsables qui font au mieux .»

En juin 2015, Thierry participe à une action citoyenne de ramassage des déchets au cap La Houssaye, renommé pour l’occasion « Cap La Hou c’est…sale… ». « C’est une initiative qui a demandé beaucoup de travail sur plusieurs mois. J’ai voulu faire participer le plus d’associations possible et j’ai organisé des réunions avec des plongeurs, histoire de mettre la tête sous l’eau aux pêcheurs, qui sont malheureusement nombreux à rester en surface, à ne pas voir ce qu’il se passe dans les fonds. » Le travail a porté ses fruits : 400 personnes mobilisées pour ramasser les lignes, les hameçons ou encore les plombs laissés là par les pêcheurs en grande quantité. Le plongeur en garde un excellent souvenir : « C’est une expérience très stimulante d’être avec des personnes qui sont sur la même longueur d’onde et qui souhaitent faire avancer les choses », se souvient Thierry, qui se félicite du travail effectué par l’association « Vie Océane », à l’origine de la création du parc marin. 

Le Salinois d’adoption refuse d’endosser la combinaison de « donneur de leçon » : « Je pense qu’il faut entendre les arguments des uns et des autres. Je ne veux surtout pas dénoncer ou stigmatiser les gens, j’essaye simplement de faire comprendre les choses. Par exemple, je suis très mal placé pour interdire à un petit pêcheur d’arrêter son activité. J’ai peut-être d’ailleurs un pouvoir d’achat plus grand que lui qui me permet de prendre l’avion une fois par an, ce qui augmente incontestablement mon empreinte carbone. Je pense que tout le monde est responsable. » Chacun s’efforce « juste » de faire au mieux. Selon son « style de vie. » 

Joséphine Robore

Photos : Thierry Peres

A propos de l'auteur

Joséphine Robore

Joséphine Robore est étudiante à Lille en licence Médias Culture et Communication. Elle réalise un stage au sein de la rédaction de Parallèle Sud.