Il ne faut jamais dire qu’il n’y a pas d’espoir

L’espoir disparaît quand on dit qu’il n’y en a pas ! »*

Le 24 février 2022, le monde – la planète entière ? – a basculé dans une forme d’inconnu, avec l’invasion de la République d’Ukraine par l’armée de Vladimir Poutine.

Auparavant, le despote russe avait montré ses muscles tant en Tchétchénie(1) (en particulier, en rasant Grozny), qu’en Géorgie(2); en annexant la péninsule de Crimée(3) il y a déjà 8 ans; également, en soutenant les séparatistes pro-russes du Donbass(4), dans leur guerre larvée contre le gouvernement de Kiev, malgré le protocole de Minsk, signé le 11 février 2015. 

Tout s’accélère quand, le 21 février 2022, Poutine reconnaît, officiellement, les deux républiques de Donetsk et de Louhansk. Une provocation ?

A l’aube du 24 février – 3 jours plus tard ! – il décide d’envahir l’Ukraine, piétinant ainsi le protocole de Minsk.

Depuis, faisant fi des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels(5), son armée bombarde non seulement des sites stratégiques, mais également des hôpitaux, des supermarchés, des zones résidentielles, des villages, etc. 

Y compris un bâtiment de la Croix-Rouge ! 

Tant et si bien que, présentement (mi-avril 2022), les civils ukrainiens sont les principales victimes de cette guerre de conquête. Avoué à maintes reprises, quel est le prétexte du dictateur ? « Dénazifier l’Ukraine ! » Avec des soldats russes qui se comportent comme des nazis ? Cherchez l’incroyable paradoxe, la flagrante contradiction !

Dans le mouvement de repli opéré par les troupes russes en ce début avril, les exécutions sommaires sont nombreuses. Après leur départ, des charniers sont découverts. Roi (ou tsar) de la désinformation, Poutine a l’audace, le culot de présenter les exactions de ces soldats comme une mise en scène de la part des Ukrainiens. Quel cynisme ! 

Au fil des séquences télévisées, quel aplomb imperturbable ! 

« On n’a jamais débité autant de mensonges avec une impudence aussi effrontée ! » dirait Voltaire.

A l’évidence, nous sommes revenus aux pires heures de la Seconde Guerre mondiale, aux horreurs perpétrées par les nazis, partout où ils sont passés. A de rares exceptions près !

Quid des remparts humanistes élaborés dès 1945, à la fin de la terrible épreuve ? Quid du Code de Nuremberg, de la création de l’Organisation des Nations unies (ONU), puis de celle de l’UNESCO(6) ? Quid des travaux extraordinaires ayant abouti, le 10 décembre 1948, à la validation de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH), comme éthique des règles de vie commune sur la planète, désormais ? 

Du revers de la main, Poutine a tout balayé. Retour à la barbarie des temps anciens !

Aujourd’hui, qu’en pense le peuple, ou plutôt les peuples de la Fédération de Russie ? Muselés comme ils l’ont toujours été, sous le tsar, puis sous Staline et, présentement, sous Poutine, comment réagissent-ils ? La peur est-elle définitivement ancrée dans leur subconscient ?

Docilement, les Russes subissent-ils la propagande institutionnelle distillée depuis plus de 20 ans par l’ancien membre du KGB(7) ? 

Ceux qui sont opposés aux lois liberticides de leur gouvernement, finiront-ils tous en prison ? En Sibérie, le goulag perdure-t-il ? 

Face à cette guerre fratricide, combien de personnes oseront encore manifester pacifiquement leur totale désapprobation ?

Quel que soit leur statut dans cet immense pays, les Russes essaient de survivre tant bien que mal, comme ils et elles l’ont toujours fait dans le passé. 

Exceptée la nouvelle classe moyenne qui réussit à tirer son épingle du jeu. 

Et les oligarques milliardaires, bien évidemment !

Incroyable, mais vrai ! Le 28 décembre dernier, Poutine enfonce le clou : le Mémorial(8) est dissous par la Cour suprême de Russie. Autant dire que le dictateur entend repeindre l’Histoire aux couleurs de son projet hégémonique. 

En imposant sa vision personnelle de la Russie à l’ensemble des populations russes ! Voire des Terriens ? Jusqu’à quand ?

Portant le sinistre dessein de Poutine, comment se comportent ses soldats en Ukraine, dans les zones conquises ? 

D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs origines ? De Tchétchénie ? Du fin fond de l’immense Sibérie ? Appelés ou engagés, quelle éducation, quelle formation ont-ils reçues ? 

Quel qu’il soit, un militaire doit obéir aux ordres de ses supérieurs. On ne discute pas. Même qu’on est payé pour ça ! 

(Aussi incroyable que cela puisse paraître, cet état de fait fonctionne à merveille, aujourd’hui comme hier, dans la grande majorité des armées de la planète. Amen !!!)

Pour revenir précisément aux soldats russes, connaissent-ils la véritable histoire de leur grand pays ? Leurs écrivains les plus célèbres ? Leurs merveilleux artistes en tout genre : cinéastes, peintres, musiciens, etc ? 

Ont-ils entendu parler des droits humains, du vivre-ensemble ? Quelle notion ont-ils du Bien et du Mal ? Combien sont-ils payés pour tuer ? 

Au niveau de leur encadrement, certains chefs de guerre occidentaux prétendent que la discipline – force des armées ! – laisserait à désirer … 

Manquerait-il quelques sous-officiers, dans leurs rangs ? 

Ou laisserait-on faire ce que veulent les soudards, dans les régions conquises ?

Au final, obéissant bêtement à des ordres disproportionnés, ou tout simplement à leurs bas instincts, ils agiraient comme les reîtres de la SS(9) et ceux de la Gestapo(10), lors de la Seconde Guerre mondiale. Militaires, à tous les niveaux, leur impunité est assurée. Scandaleusement !

Autant dire que certains peuvent se comporter comme des barbares, sans foi ni loi ! 

Des sauvages de la pire espèce ! A de (trop) rares exceptions près, bien sûr !

Comment allons-nous sortir de cette nouvelle et terrible épreuve ? 

Épreuve dont nous – Européens de l’Hexagone ou d’Outre-Mer – espérions être débarrassés depuis plus de trois quarts de siècle. 

(Si l’on réussit à oublier le conflit dans l’ex-Yougoslavie)

Aussi affreuse, aussi intolérable, qu’est la situation actuelle, nous autres, êtres humanistes pour la plupart d’entre nous, sommes condamnés à positiver. 

Quelles que soient les décisions prises par notre gouvernement !

Au plus haut niveau de l’État, les objectifs de la politique étrangère de monsieur Le Drian – donc, du président Macron – nous échappent en grande partie, sinon en totalité. « Secret défense ! ». La géopolitique est passionnante, pour les (presque) ignorant-e-s que nous sommes. Sur le papier, ressemblerait-elle à un jeu de société type « Monopoly » ?

Mais, ne l’oublions pas, de près ou de loin, toutes et tous, nous sommes ou serons 

concerné-e-s. En tant que simple citoyen, femme ou homme, à un moment ou à un autre, nous paierons les pots cassés. En aucun cas, le peuple, les peuples ne seront épargnés !

C’est inscrit dans l’histoire, la petite comme la grande, depuis trop de siècles, hélas ! 

Retomberons-nous dans une situation que nos Anciens – parents, grands-parents – ont trop connue, à savoir un monde coupé en deux : la guerre froide, entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, entre Washington et Moscou ? Ou plutôt, désormais, avec une variante, entre le Nord et le Sud ? A moins que ce soit un mix inattendu ?

Rendez-vous dans un an, dans cinq ans, dans une génération ?

Espérons !

Envers et contre tout.

Espérons !

Michel Boussard, le 15 avril 2020, au Tampon (La Réunion).

Notes de bas de page

  1. Tchétchénie, une république de la Fédération de Russie, 17 300 km2, 1,4 million d’habitants, capitale : Grozny.
  2. République démocratique de Géorgie, 69 700 km2, 3,7 millions d’habitants, capitale : Tbilissi.
  3. Depuis son annexion en 2014, la République de Crimée est devenue un sujet de la Fédération de Russie. Cependant, selon l’ONU, elle reste un territoire ukrainien.
  4. Le Donbass est un bassin houiller de l’est de l’Ukraine, frontalier de la Russie. C’est une région économique et culturelle importante de l’Ukraine qui comprend deux provinces : celle de Donetsk et celle de Louhansk.
  5. Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels contiennent les règles essentielles du droit international humanitaire. Celui-ci fixe les limites à la barbarie de la guerre. Ces différents traités protègent les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités.
  6. L’Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO en anglais) est une institution spécialisée de l’ONU, créée en 1945. Siège social : Paris. Membres : 193 États.
  7. Le KGB regroupait les services de sécurité soviétiques chargés du renseignement et du contre-espionnage. Créé en 1954, il a été dissous en 1991. Une fois au pouvoir, Poutine a installé son successeur, le FSB. Le frère du KGB ?
  8. Le Mémorial est une organisation non-gouvernementale (ONG) russe de défense des droits humains et de préservation de la mémoire des victimes du pouvoir soviétique, notamment stalinien, mais aussi des exactions plus récentes commises en Russie comme en Tchétchénie. Création : 28 janvier 1989 par le fondateur, Andreï Sakharov. Siège : Moscou. Dissolution : 28 décembre 2021. N.B. : très vite, cette association est devenue une ONG internationale.
  1. La SS était une organisation paramilitaire et policière nazie fondée en 1925, pour assurer la protection personnelle d’Adolf Hitler. Dès l’accession de celui-ci au pouvoir (1933), la SS devint l’une des principales organisations du régime national-socialisme.
  2. La Gestapo fut la police politique de l’Allemagne nazie (1933-1945). Elle était chargée d’éliminer toute opposition au régime. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ses services ont sévi dans tous les territoires occupés par l’armée allemande, la Wehrmacht.

* Asmaa Mahfouz, défenseure égyptienne des droits humains. En 2011, cette femme a reçu le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit décerné par le Parlement européen.

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