[Komidi] Il y a plus de théâtres que de boulangeries dans votre histoire !

LE FESTIVAL PRÉSENTÉ PAR VINCENT ROCA ET SA BOULANGÈRE

© Julien Ramalingom

– Bonjour madame, une tradition s’il vous plaît…

– Vous désirez autre chose ?

– Je peux vous laisser quelques livrets ?

– Non, nous ne prenons aucune publicité…

– Ah, mais ce n’est pas de la publicité, il s’agit d’un festival…

– Un quoi ?

– Un festival… Komidi

– Comédie ?

Komidi ! Du théâtre…

– Du quoi ?

– Du théâtre, madame. Des comédiens, des histoires, du rêve…

– Ouh là… et ça se passe à Saint-Denis, bien sûr !

– Pas du tout madame ! Ça se passe ici, à Saint-Joseph !

– À Saint-Joseph ? Mais où ça à Saint-Joseph ? Il y a des théâtres à Saint-Joseph ?

– Les théâtres se créent ! Et ça n’a rien de secret !

– Vous vous moquez de moi ?

– Pas du tout madame, prenez le gymnase du lycée de Vincendo. 

– Ah je connais, mon fils y fait de la musculation…

– Parfait ! Eh bien pendant douze jours il pourra venir voir sept pièces là-bas… et il ne retrouvera pas ses agrès ! Il sera dans un vrai théâtre, avec des gradins, une scène, des projecteurs, une vraie boîte noire !

– Une boîte noire ?

– Oui, pardon madame, c’est un terme technique. Une vraie salle de spectacle, quoi ! 

– Mais c’est Saint-Denis qui organise ?

– Pas du tout madame. Le festival est né ici, à Saint-Joseph, dans l’esprit de quelques passionnés qui trouvaient, il y a une bonne quinzaine d’années que la ville était un désert…

– Mais j’étais là, moi, monsieur !

– C’est une image madame ! Un désert culturel. Et la mairie de Saint-Joseph a décidé de s’embarquer sur le frêle esquif de ces illuminés, et la coquille de noix est devenue navire amiral ! Neuf lieux à Saint-Joseph… Vincendo, la Plaine-des-Grègues, Le théâtre des Remparts…

– La Rivière ?

– Ça même… une petite salle aux Goyaves… l’Auditorium, le lycée Pierre-Poivre, le chapiteau à la caverne des Hirondelles… et la salle Blanche-Pierson

– Ma fille va à l’école là-bas !

– Fort bien, madame. Eh bien, il y a une salle dans l’école… une autre boîte noire…

– Ah oui, le terme technique !

– Et la Halle de Saint-Joseph…

– Ah, ne me dîtes pas qu’il n’y aura plus le marché !

– C’est en plus, madame, une sorte de marché du sentiment, du rire, des larmes et des émotions… Et Komidi c’est aussi Petite-Île (le théâtre Fangourin), L’Étang-Salé (Le théâtre des Sables), la ville de Saint-Pierre (Le centre culturel Lucet-Langenier, le théâtre de Pierrefonds).

– Attendez… il y a plus de théâtres que de boulangeries dans votre histoire !

– Les Avirons (La salle Georges-Brassens), La cité du Volcan, Léspas à Saint-Paul, et Saint-Denis.

– Ah Saint Denis, j’en étais sûr !

– Oui, madame, trois théâtres partenaires, le théâtre Canter, la Cité des Arts et le théâtre Champ-fleuri…

– Mais où vous trouvez l’argent pour faire tout ça ?

– Les aides publiques, madame ! Et les théâtres partenaires ! Et les sponsors…

– Ah pas de publicité, je vous l’ai dit !

– Pas de publicité, bien sûr ! Juste des entreprises qui mettent la main au portefeuille. Zeop, par exemple.

– Vous me faîtes penser, il faut que je paie ma note internet…

– Et des mécènes. Réunion des Talents…

– Quels talents ? 

– De la Réunion ! 

– Il y a du théâtre réunionnais ?

– Bien sûr une quinzaine de troupes réunionnaises qui viennent de toute l’île…et une trentaine de troupe qui viennent de l’Hexagone…

– L’Hexagone ?

– Oui, de métropole… Une centaine d’artistes qui ont rempli le tiers d’un Boeing d’Air Austral arrivé le 22 avril au matin…

– Bon d’accord… et tous ces gens vont loger où ?

– Ici à Saint-Joseph ou pas loin, Petite-Île, Saint Pierre… 

– Je fais de très bons croissants au beurre… Bon, c’est bien joli mais le théâtre, c’est pas pour nous, c’est hors de prix…

– Détrompez-vous, il y a des milliers de places à 5 euros… et pour les scolaires, les représentations sont gratuites…

– Mes enfants pourront y aller ?

– Bien sûr ! Ils peuvent même vous inviter, vous, les parents… 

– Des invitations ? Tenez, prenez une brioche… Et puis ça doit demander du personnel, non ?

– Nous sommes tous bénévoles, madame !

– Bénévoles ? Vous voulez dire… euh… vous n’êtes pas payés ?

– C’est ça ! Bénévoles !  Plus de cent bénévoles.

– Donc c’est du théâtre amateur…

– Professionnel, madame ! Des troupes professionnelles. Des techniciens professionnels. Et nous : des amateurs. Amoureux du théâtre. 

– Mais pourquoi vous faites tout ça ?

– Et vous pourquoi faites-vous des croissants ? 

– Ben… euh… donner un peu de plaisir aux gens….

– Voilà, c’est ça… leur donner du plaisir, des émotions, du rire, vous verrez, à la sortie des spectacles…  des petites étoiles dans les yeux des gens… 

– C’est un peu de la magie ?

– Non, c’est du théâtre !

– Laissez-moi cinquante livrets, c’est formidable !

– Et ma tradition, vous l’avez oubliée…

– Pardon, je perds la tête !

– Au contraire…

Vincent Roca

+

La réplique : il y a plus de théâtres que de boulangeries dans votre histoire !

A propos de l'auteur

Kozé libre

A Parallèle Sud nous nous faisons un devoir de libérer la parole, de la partager, sous quelque forme que ce soit (texte, vidéo, son, BD...). Chaque lecteur peut être acteur et créer l'information. Celle-ci est relue par le comité de lecture de Parallèle Sud avant d'être publiée dans la Libre expression.