Les services publics au cœur de la violence institutionnelle : cauchemar et acidité !

LIBRE EXPRESSION SATIRIQUE

« Les services publics sont exercés par l’Etat ou les collectivités territoriales ou encore par tout organisme privé ou public doté des prérogatives lui permettant d’assurer cette mission. Le service public désigne également l’organisme qui a en charge d’effectuer ses services d’intérêt général. » (Wikikekchose). 

S’il y a une confusion que tout citoyen doit éviter, c’est de croire que le service public est / serait / pourrait être / devrait être… un service rendu au public. À la population citoyenne. Ça n’a rien à voir ! 

C’est sans doute la raison pour laquelle tant « d’usagers » (comme leur nom l’indique) sont épuisés de se sentir malmenés et maltraités par des institutions administratives officielles ou para-officielles dont ils pensaient qu’elles ont été créées pour traiter et résoudre l’ensemble des problèmes concrets que pose la vie collective ou qu’ils rencontrent eux-mêmes à titre personnel.

Tenez :

• Le service public ? Qu’en disent donc tous ceux qui le font fonctionner ?

— Heu… On est des fonctionnaires (catégories C-B-A ou hors cadres, communément inspirés par l’attrait de la catégorie supérieure avec les avantages réglementaires qui l’accompagnent… Ou alors contractuels piétinant devant une titularisation normalisée et sans doute improbable…) (« Soyez ambitieux ! s’il vous plaît ! » nous rabâchent les master-coachs de nos formations). On traite des affaires d’intérêt général (durable) (mondiéségnèr, l’intérêt général, voilà qui compte ! C’est placardé en gros sur les portes de nos bureaux…). Bon, on exécute les ordres que nous transmettent nos chefs de services, qui les ont reçus eux-mêmes de leur hiérarchie, attentive à obéir sans réserve aux instructions décrétées par les sommités responsables de nos collectivités (Ordre et discipline, devise scoute bien connue). La plupart du temps on s’arrange pour être bien entre nous (c’est terriblement important le climat de travail pour la productivité). On bénéficie des modestes bénéfices que nous doit ce souci aigu de l’intérêt général (durable) et qu’il nous plaît de rappeler ici : un emploi sûr, un salaire correctement indexé, une reconnaissance sociale réjouissante…

• Le service au public ? Que pensent les usagers de ce que pensent les fonctionnaires ?

— Merde, c’est quoi ces emmerdeurs ? On était tranquilles à faire entre nous ce qu’on doit faire, lire des dossiers, traiter des dossiers, échanger des dossiers, nous retrouver en réunions pour fixer les dates des prochaines réunions, nous envoyer des mails, répondre aux mails des collègues, lutter contre le stress meurtrier, le pire ennemi de nos professions, appeler au secours et demander des renforts de personnel, boire notre café à la pause, aux pauses, aller chercher notre barquette à 11 h 45 avant la cohue. Pourquoi faut-il être toujours dérangé, au téléphone, à l’accueil, au guichet ?

• Détail dans chacun des secteurs ! comme ça, au hasard et en résumé :

— Les profs : ce serait bien l’enseignement s’il n’y avait pas tous ces élèves, chaque jour… tous les jours de la semaine, et tous ces travaux à préparer et tous ces travaux à corriger… Et cette administration persécutrice… Et ces parents intrusifs qui n’y connaissent rien… et qui se mêlent de tout et prétendent nous apprendre notre métier…

— La CAF, la Sécu et les autres assimilés : On serait drôlement bien ensemble si on nous foutait la paix, on pourrait remplir nos formulaires consciencieusement, traiter les affaires à tête reposée, perfectionner notre connaissance de la réglementation, affiner sur Internet les circonvolutions de nos dossiers, savoir en fin de compte qui fait quoi et pour quoi, envisager raisonnablement le calcul de nos RTT… Foin de ces innombrables allocataires qui viennent nous compliquer l’existence, avec leurs rendez-vous, leurs annulations, leur ignorance, leurs urgences, leur insistance, leur dépendance… ils nous conduisent de façon accélérée au burn-out…

— Les policiers : y’en a marre de ces pleurnicheurs qui rappliquent à la moindre bricole pour porter plainte et multiplier les mains courantes… Et on ne parle même pas de toutes ces pleurnicheuses qui se font tabasser chez elles par leur voyou de mec… Et tous ces délinquants qui nous font misère sur misère… Et tous ces automobilistes qu’on coince toutes les nuits week-end après week-end… toujours les mêmes. Et ces patrouilles nocturnes, avec la pluie et les poivrots qui nous tiennent aux aguets. On est épuisés. On a autre chose à faire, nous ! On voudrait bien se détendre un peu : le foot, les bagnoles, les gonzesses…

— Les tribunaux : Ah les justiciables, quelle plaie ! Comment voulez-vous qu’on s’occupe posément du droit, de la justice, qu’on compare nos jurisprudences, qu’on prononce nos délibérés et nos  ordonnances, qu’on discute fraternellement et paisiblement entre magistrats, avocats, greffiers et auxiliaires mineurs… qu’on prépare nos voyages à Mada… Les justiciables ? ils passent leur temps à contester nos jugements, à multiplier les procédures, à épuiser notre bienveillance…

Tous ensemble : 

— En plus du boulot accablant, on a encore nos réunions de loges. Est-ce que tout ce public oppressif ne pourrait pas nous foutre la paix ?

• Vous pensez que c’est une plaisanterie ? Pas vraiment. Essayez pour voir. Par exemple :

Vous avez besoin d’un renseignement ou d’une démarche importante auprès de l’Assurance maladie et vous ne disposez pas d’Internet … Vive Ameli ! Essayez de composer le numéro de téléphone (lorsqu’il y en a encore un…) de n’importe quel service de cette institution. Vous devenez champion de la résilience (jargon à la mode…) : ils sont injoignables ! Vous ne le croyez pas ? : sept appels sur 10 n’aboutissent pas, relate le Figaro du 26 janvier et seuls 22% des appels reçoivent une réponse acceptable. Essayez la CAF et prenez une assurance contre la dépression suicidaire. 

Et on va passer sur les incertitudes éprouvées par les administrés ignorants à propos des numéros de téléphone surtaxés ou non, du choix hasardeux des chiffres du clavier sur lesquels taper pour espérer obtenir un interlocuteur compétent, des mises en attente interminables et aléatoires qui mènent au désespoir et aux envies d’attentat…

• Un autre exemple :

Rendez-vous dans une mairie. Bon, vous avez pu sortir aisément du labyrinthe des couloirs qui vous mène jusqu’au bureau de la préposée au renouvellement des passeports et des pièces d’identité. Elle a l’air vraiment sympathique et efficace. Ça encourage ! Vous vous y êtes pris au moins 3 semaines à l’avance, vous appuyant sur la réputation d’accélérateur irrésistible de l’informatique. Mais navré pour vous… Vous ne voyagez pas pour une intervention médicale urgente, vous n’êtes pas en deuil d’hier soir de votre jeune frère, vous n’êtes pas un humanitaire mondialement sollicité. Donc, oui, elle est vraiment sympathique, mais en repartant par les couloirs de votre arrivée, vous savez que vous en avez pour deux mois et demi minimum, ou peut-être trois, à ronger votre frein dans l’attente de votre document… Et si vous retournez périodiquement pour insister auprès de la sympathique employée, invariablement, votre dossier est « en cours d’instruction… » ou « en cours de traitement… » ou peut-être « en cours de résolution… »

Vous préférez peut-être écrire ? Parce que « verba volent » tandis que « scripta manent »…

Essayez d’envoyer un courrier de demande quelconque dans un service public, (et je n’ose même pas suggérer « au public »). Celui d’une collectivité, ou celui, décentralisé, d’un ministère ou de la préfecture… qu’importe. N’essayez surtout pas la variante d’un courrier écrit sur du vrai papier avec AR… Non, trop compliqué, trop chronophage et de plus totalement périmé ! Tentez seulement quelques lignes expédiées par courriel à une adresse mail certifiée !

Et attendez une réaction… attendez, j’ai dit ! Oui : ATTENDEZ ! Attendez, peut-être…  une réaction… pas une réponse, non, ce serait trop espérer… tout de même un accusé de réception. Oh ! Au mieux, éventuellement juste la signature AR que vous renvoie la poste dans l’hypothèse la moins exaltante. Mais pour le reste, continuez donc à attendre ! Vous souhaitiez quoi ? Un formulaire automatique (pourquoi pas ?) de savoir-vivre et d’urbanité ? Un mot de reconnaissance et de politesse (bienveillante, naturellement) ? Une réponse tenant compte du contenu de votre requête ? Un rendez-vous de travail ? Que sais-je… vous rêvez. Vous pouvez toujours courir. Il n’y a rien. Nothing. Nichts. Niente, Nihil même. Vous avez à faire à un service public ! … Ils sont pourtant des cohortes, une armée, dans tous les domaines possibles, tous les secteurs d’intervention et de responsabilité… services de l’État, préfecture, ministère public, services de la région ou du département, services des mairies, intercommunalités, défenseur des droits, services d’accueil spécialisé, etc. Rien !

Je vous vois venir ! Face au mutisme répétitif de ces institutions apparemment défaillantes, dans quelque secteur ou ministère que ça puisse se produire, vous pouvez être plutôt gentil et compréhensif (bienveillant, pardon !) : « ils ont peut-être égaré mon courrier… » Ça peut arriver avec ces coursiers incompétents. Pourtant avec l’Internet, il n’y a quasiment plus de coursiers… « Ils sont débordés de demandes de toute nature… les pauvres. Ils n’ont pas suffisamment de temps. » Vous recommencez, une fois, deux fois, dix fois… Toujours rien ! Là vous devenez moins gentil : vous allez penser à une négligence, de plus en plus intolérable, « ma parole, ils se foutent de moi » ! Vous commencez à suspecter de la malhonnêteté inexcusable. … Vous allez peut-être y déceler même un exemple emblématique d’incivilité, voire de l’incivisme flagrant, en contradiction avec toutes les valeurs officielles et républicaines dont se glorifient les hautes sphères…

Ça vous donne envie de dénoncer auprès du procureur cette désinvolture, ce manque de responsabilité institutionnelle… Surtout n’en faites rien, ne perdez pas plus votre temps. N’écrivez rien, c’est inutile. N’écrivez surtout jamais au procureur. Ses services ne vous répondront pas. C’est logique. (Voir plus haut).

Bon, restent votre colère et vos larmes. On vous plaint. Mais croyez-moi, c’est de votre faute !

Vous avez considéré naïvement que le service public était au service du public… dont vous pensez faire partie ! Quelle candeur ! Ça n’a rien à voir. On vous le disait en tête de cet article. Vous avez confondu service public et service au public. Le service public ? Il est à son propre service : c’est ça l’intérêt général (durable bien sûr). C’est tout. 

Et vous, pour le reste, pardonnez la brutalité de l’expression, ben « allez vous faire voir… »

Arnold Jaccoud

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Kozé libre

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